Jacques Delcuvellerie, metteur en scène offensif du bouleversant Rwanda 94, crée, contre toute attente, un classique : L’École des femmes, de Molière. Une surprise de la part de cet artiste généralement soucieux d’interroger frontalement son époque. C’est pourquoi, au-delà de la farce, résonnent d’autres sonorités, qui s’impriment au fond de nos consciences.
D’emblée, le plateau en dit long sur le projet d’Arnolphe. Une vaste armoire se dresse. À l’intérieur, une jeune fille, Agnès, attend d’épouser son mentor, qui depuis des années, l’éduque et la modèle, la veut absolument « idiote » pour mieux la faire sienne. Un « décervelage » effrayant, systématique, entrepris de longue date. Mais Horace, beau jeune homme, passe par là et brouille les données. Agnès tombe amoureuse...
La mise en scène de Delcuvellerie renverse alors les perspectives et axe le propos, non sur Arnolphe, mais sur l’éveil sensuel et sentimental d’une jeune femme présumée sotte. Nous voyons naître une conscience, s’élever une intelligence et se dresser une personne, déterminée à prendre sa vie en main et à choisir, seule, son destin. Ainsi, deux trajectoires inverses se croisent sur le plateau. La naissance d’une personnalité et l’effondrement d’un machiavélique projet. Cela laisse songeur sur les aléas de l’existence, les paris qu’on y prend, les renoncements, les ressources de la volonté. Cela laisse rêveur sur la capacité de l’homme à savoir, parfois, se dépasser. Et, ce qui se trame sur la scène, atteint, dans une légèreté moliéresque, une dimension philosophique qui ouvre la porte à d’autres explorations.
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