Français travaillant en Belgique, Jacques Delcuvellerie a poursuivi des études d’arts plastiques, de communication sociale avant d’être diplômé de l’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle (INSAS - Bruxelles).
L’essentiel de son activité est, depuis 1980, lié au Groupov dont il est le fondateur et le directeur artistique. Ce collectif, basé à Liège, regroupe des artistes de plusieurs nationalités et de différentes disciplines : écriture, film, vidéo, peinture, jeu dramatique, musique…
L’association d’artistes, ayant par ailleurs une carrière autonome, dans la gestation progressive d’une création commune sous la conduite d’un « maître d’oeuvre ». Aussi bien le premier événement public du Groupov : Il y a des événements tellement bien programmés qu’ils sont inoubliables avant même d’avoir eu lieu (1981) que les derniers spectacles : Rwanda 94 et la prochaine création Anathème, sont élaborés selon cette démarche
La permutation et/ou le flottement des fonctions : acteurs devenant metteur en scène, vidéaste s’exposant dans des « performances » physiques, etc.
Une constante interrogation sur la question de la représentation, sur ses limites, sur les frontières troubles entre réel et symbolique dans un art qui se réalise en chair et en os, hic et nunc.
Le maintien, parallèlement à la création de spectacles, d’une activité purement expérimentale. C’est pourquoi, depuis quelques années, le Groupov s’est désigné comme Centre Expérimental de Culture Active, indiquant par là qu’il n’est pas seulement une entreprise théâtrale. A titre d’exemple, le Groupov organise régulièrement depuis 1993 des sessions de travail de cinq jours et cinq nuits dans la forêt, dénommées Clairières. Ces expériences poursuivent à leur manière les essais de Grotowski de l’époque du Special Project ou de groupes comme L’Avventura. Elles n’ont aucun rapport avec le spectacle et les participants ne sont pas nécessairement des artistes.
- La période de l’Atelier de Recherches Permanentes sur Les Restes : elle a donné lieu à des événements publics très particuliers, d’une durée de quelques minutes ou au contraire six à sept heures. Le Groupov se sentait alors proche de démarches comme le Squat Theater et son Andy Warhol’s Last Love, les performances de Fluxus, etc.
- La période du triptyque Vérité : après Koniec (genre-théâtre) (1987) qui confrontait La Mouette de Tchékhov aux recherches précédentes du Groupov et à Heiner Müller (entre
autres), Jacques Delcuvellerie publie Lettre à celle qui écrit Lulu Love Life, Cinq conditions pour travailler dans la vérité en 1989 (dans Alternatives Théâtrales n°44). La question de la période de recherche sur Les Restes était : le théâtre se donne, de facto, qu’il le veuille ou non, comme la représentation du monde ; quand il n’y a plus de vision du monde, de quel droit, sur quelle légitimité, avec quelles méthodes et quelle morale ose-t-on organiser une représentation qui ne soit pas futile ?
Dans cette nouvelle phase la question est devenue : il reste bien une vision du monde, celle de ceux qui le dirigent et l’écrasent, peut-on se forger encore une vision alternative ? Dans un premier temps, le Groupov décida d’aller revisiter les auteurs dont le génie dramatique ne s’était pas appauvri mais au contraire dynamisé d’une vision du monde globalisante et structurée, une vision qu’ils tenaient pour « la vérité ». Dans cette période le Groupov a donc monté des dramaturges contemporains et notamment Claudel et Brecht. Il a aussi créé Trash (a lonely prayer) de Marie-France Collard et Jacques Delcuvellerie sur l’exploration des états-limite de l’érotisme et du terrorisme.
De toutes les expériences de cette période c’est la redécouverte du travail de Brecht, à travers une très longue et très minutieuse préparation de La Mère, qui a profondément changé l’orientation du Groupov.
- La période actuelle est marquée avant tout par les quatre années d’élaboration de Rwanda 94 et par sa tournée internationale : depuis sa présentation à l’état de work in progress au Festival d’Avignon 1999 et sa création au Théâtre de La Place de Liège, ce spectacle a été présenté en Belgique, en France, à la Bonner Biennale en Allemagne (Bonn), en Guadeloupe (Abymes), au Festival de Théâtre des Amériques au Québec (Montréal et Québec), en Italie et en Suisse.
Couronné par de nombreux prix (Prix du Théâtre 2000, Prix de la Recherche de la SACD, Prix Océ, Prix spécial du Syndicat de la Critique française et récemment par le Coq de Cristal), le spectacle Rwanda 94 a, en outre, fait l’objet de l’édition d’un double CD, de l’édition du texte de la pièce en français ainsi que de la publication d’un double numéro de la revue Alternatives Théâtrales.
Après ces quatre années de tournée à travers le monde, Rwanda 94 fut présenté au Rwanda même, à Kigali, à Butare et Bisesero, en avril 2004, dans le cadre de la Commémoration du dixième anniversaire du génocide.
Parallèlement à ces activités, le spectacle Discours sur le colonialisme a été créé au Festival de Liège en février 2001 et connaît lui aussi une tournée internationale.
Anathème, le nouveau projet du Groupov mis en scène par Jacques Delcuvellerie – le premier de cette importance depuis Rwanda 94 – et dont le matériau textuel est exclusivement basé sur des textes de l’Ancien Testament, fut créé en juillet 2005 au Festival d’Avignon. Le titre vient de la traduction ordinaire du mot hébreu Hérem qui signifie littéralement interdiction, ce qui équivaut concrètement au châtiment suprême. Une personne, une peuplade anathèmes dans la Bible doivent être éradiquées physiquement. C’est Dieu lui-même et, en principe, lui seul qui lance cette malédiction.
Spectacle d’ouverture de la première saison du nouveau directeur du Théâtre National, Jean- Louis Colinet, La Mouette de Tchekov, mise en scène de Jacques Delcuvellerie, fut créée en septembre 2005 dans une vision éclatée et intimiste.
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