Un cri de révolte
Querelles sur le rôle de la colonisation
Extrait
Projet théâtral
Extraits de presse
Ce spectacle veut évoquer tous ceux qui furent un jours ou l’autre considérés comme une humanité mineure et traités comme tels. C’est un long cri de révolte de dénonciation puis de douleur contre tous les génocides, répressions et croisades qui ont pillé la terre au nom de Dieu, de l’or ou du dollar. Et en particulier, en Afrique, martyre s’il en est. Seul le Groupov ose encore dire les choses comme cela, frontalement.
Une des rares créations qui parle d'esclavage, de racisme, d'extermination, de colonialisme.
Un spectacle très musical, où la musique scande et sert de trame au texte devenu partition, de l'afro-jazz-soul au superbe chant d'un musulman en prière, des sons rageux de violoncelles au merveilleux de la musique sacrée.
Dans ce théâtre épique où le récit est action, où la parole est souvent dure à entendre, l'humour est là. Il pique, cynique et ironique, par des mots et des images, comme ce dessin animé de "Betty Boop chez les cannibales."
Bloody Niggers ! est une gifle nécessaire. Avec un courage rare, le Groupov nous saisit d’un impératif : il faut que nos consciences acceptent d’écouter l’histoire... pour sortir de l’ornière de la haine.
Sur une scène ouverte trois acteurs investissent le terrain politique comme on entre dans une bagarre. En prenant position. En toisant l’adversaire. En distribuant des coups !
Dans les querelles en cours sur le rôle positif de la colonisation. Il s’agit de faire entendre une voix forte et sans concessions des « bâtards » nés du mariage forcé entre les anciens colons et leurs anciens administrés.
Au nom de quoi un peuple se permet-il de disposer d’un autre ? Qu’ont fait les Africains de quarante ans d’indépendance ? Au moment où l’on oppose les mémoires, la shoah contre la traite négrière n’y a-t-il aucun lien qui unit entre eux les grands crimes contre l’humanité ? N’y a-t-il aucun rapport entre l’extermination des peuples amérindiens et les génocides du XXè siècle ?
A l’heure du Revival chrétien et de l’Islam militant, de la terreur d’Etat contre le terrorisme suicidaire, de la guerre des mondes et des civilisations, nous voulons interroger ce « Dieu » qui réinvestit de nouveau la sphère publique, dicte de plus en plus les choix politiques. Méticuleusement, nous allons étudier le casier judiciaire de ce candidat à la magistrature suprême.
Maintenant que l’ultralibéralisme règne en maître sur le monde, nous allons questionner les rapports que le capital entretient avec la vie humaine, avec la religion, avec la souveraineté
des peuples et des nations, avec la guerre et la paix ! Avec humour et poésie, nous allons parcourir l’histoire et les débats majeurs de notre époque du point de vue des serfs, des ouvriers, des esclaves, des moujiks, des métèques, des immigrés, des aborigènes, des indiens d’Amérique, des nègres d’Afrique et d’ailleurs , des youpins, des bougnouls, …de tous ceux qui, au cours de l’histoire, ont du payer de leur sang voire de leur existence la marche forcée du monde.
Ce spectacle, basé avant tout sur l’oralité, pourrait utiliser - de manière pondérée - les autres moyens d’expressions que permet le théâtre, de la musique à la vidéo, du jeu à la danse, de la parole au chant dans un dispositif minimaliste, aisément transportable. Jacques Delcuvellerie, Younouss Diallo, Dorcy Rugamba.
(…) Nous analyserons sous une loupe grossissante cette civilisation chrétienne qui depuis Constantin Ier n’a jamais voulu côtoyer qu’elle-même et elle seule dans le monde
L’Humanité réduite au monologue disait Césaire
Nous allons découdre son alibi humaniste comme un vulgaire tricot, en tirant sur un seul fil – l’extermination systématique d’autrui-
Et qui veut verra sous le manteau d’orgueil dans lequel elle se drape, la putréfaction et les vers nageant dans le pus !
Nous arracherons la feuille de vigne derrière laquelle l’Empire du Bien cache sa nudité pour que chacun accède au spectacle.
Il n’y aura pas d’endroit où se cacher
On fermera les yeux pour ne pas voir femmes,
Enfants, Vieillards
Et même bétail
passés au fil de l’épée
On se bouchera les oreilles pour ne pas entendre au milieu des trompettes les cris d’agonie
On se bouchera le nez
On suffoquera
On s’étouffera de puanteur
On se bouchera le nez
On suffoquera
On s’étouffera de puanteur
Nous mourrons tous d’effroi à la vue du plus haut tas de cadavres de toute l’histoire de l’humanité ! »
Dorcy Rugamba
Bloody niggers ! est une pièce africaine. Dorcy Rugamba et Younouss Diallo en concevant ce projet théâtral souhaitaient intervenir dans les débats majeurs de notre époque où l’Afrique est souvent prise à partie mais rarement partie prenante, en y apportant une voix africaine d’aujourd’hui. Comme tout théâtre authentique, c’est aussi une oeuvre collective, où écrivain, comédiens, metteur en scène, musiciens, scénographe, vidéaste et techniciens se sont étroitement associés à la production.
Dorcy Rugamba, l’auteur du texte de Bloody niggers ! s’est expliqué sur sa motivation : « Je ne peux pas assister bouche bée aux crimes perpétués par les êtres humains, alors que nous pourrions avoir prise sur eux. Il est essentiel de débusquer les raisons qui mènent à ces crimes. Il ne s’agit pas de catastrophes naturelles. Ces tragédies ont une histoire. Nous devons travailler sur la mémoire et sur le récit. »
Interview réalisée par Laurent Ancion, Le Soir – 14 février 2007.
Bloody niggers ! est un long cri de révolte, de dénonciation puis de douleur contre tous les génocides, répressions et croisades qui ont pillé la terre au nom de Dieu, de l’or ou du dollar. Et en particulier, en Afrique, martyre s’il en est. Un coup de poing contre « l’amnésie internationale » sur ce passé sanglant et coupable de l’Occident. Bloody niggers se situe dans la lignée de Rwanda 94 et Anathème.
La première partie est une suite de dénonciations assénées par les trois acteurs debout devant leurs micros. Elle commence par le rappel des attentats du 11 septembre manière de dire que la lutte contre le terrorisme est une « mascarade » par rapport aux terrorismes d’Etat concoctés pendant cinq siècles par les puissances européennes. Bien sûr beaucoup de faits sont supposés connus, mais leur rappel est d’une force terrible, surtout auprès des jeunes qui n’ont jamais vu cela dans leurs livres scolaires ou sur une télé, devenue pur divertissement.
Et les autres, qui ont lu Franz Fanon et Aimé Césaire découvriront les phrases d’un racisme horrible de Voltaire, Montesquieu, Kant, Rousseau, Darwin ou Konrad Lorentz. Est-on encore au théâtre dans cette première partie ? Oui à voir le jeu des acteurs, la qualité des vidéos et la belle bande son acteurs. Seul le Groupov ose encore dire des choses comme cela, frontalement.
Les coups du pilon
… la seconde partie est très puissante, avec des textes de Dorcy Rugamba, fils d’un grand poète rwandais Cyprien Rugamba, assassiné le premier jour du génocide rwandais. Dorcy Rugamba est un des trois acteurs avec l’excellent acteur sénégalais Younouss Diallo. Il s’agit alors de l’Afrique, qui cumule toutes les douleurs et toutes les oppressions. Les textes de Dorcy Rugamba débutent par une autodérision, drôle amère, dans un monologue vertigineux de Younouss Diallo, puis se concluent par la douleur. Dorcy Rugamba frappe avec un grand pilon, comme celui qui a fracassé des bébés et des femmes et hurle sa révolte. Son cri, scandé par les coups du pilon, est une pique à notre indifférence et notre amnésie.
Guy Duplat, La Libre Belgique, 16 février 2007
"Le nouveau spectacle du Groupov, dévoilé à Liège, est un coup de poing Bloody niggers ! arrache nos oeillères en faisant de l’Europe l’impératrice des massacres de l’Histoire On se souvient du choc que fut Rwanda 1994, un spectacle monumental du Groupov, créé en 1999 : il durait près de six heures et remontait aux causes du génocide rwandais. Il a marqué tous ceux qui l’ont vu, par la force de son témoignage et de son analyse.
Avec Bloody niggers !, dévoilé ce jeudi au Festival de Liège, le Groupov se radicalise encore… Jacques Delcuvellerie, qui met en scène un texte de Dorcy Rugamba, entendait «démontrer que la part barbare de l’Europe n’est jamais accidentelle » (Le Mad du 14 février). Il y réussit de façon vertigineuse, avec une création qui dépasse les enjeux traditionnels du théâtre.
Le titre bloody niggers (foutus nègres) est une pirouette rhétorique qui renvoie à tous ceux que l’homme blanc à considérés, un jour au moins, comme une humanité inférieure et traités comme tels. Inutile de préciser que la liste des massacres est très dure. Elle détruit les dernières illusions que l’on s’était faite sur l’histoire de l’Europe. Son esprit éclairé est aveuglé par le goût macabre de la conquête. Bloody niggers !, foudroyante vérité, en conclut légitimement que la fragilité actuelle de notre monde est liée à nos ancêtres conquistadors, qui ont foulé les morts pour en tirer profit, sous couvert religieux.
Le texte de Dorcy Rugamba, lui-même rescapé du génocide rwandais, prend ensuite une tournure plus théâtrale, avec une puissance décuplée. Younouss Diallo, torse nu, dresse un portrait sans complaisance de son Afrique natale qui reproduit malgré elle le modèle colonial. Un monologue bouleversant, qui a la force d’un Shakespeare.
Au sortir de Bloody niggers !, que vous ayez aimé ou non le spectacle, vous ne serez plus les mêmes. Avec un courage rare, le GROUPOV nous saisit d’un impératif : il faut que nos consciences acceptent d’écouter l’histoire... pour sortir de l’ornière de la haine."
Laurent Ancion, Le Soir, 17 février 2007
5, rue Petit David 69002 Lyon