L’Ecossaise

Paris 6e
du 14 février au 7 avril 2007
1h10

L’Ecossaise

CLASSIQUE Terminé

Une jeune, belle et pauvre Écossaise, dont la famille est persécutée par les Anglais, se cache dans une auberge à Londres. Hélas, elle est amoureuse du fils de l’ennemi juré de sa famille… Dans ce lieu public, défile une galerie de portraits, dont celui de Fréron, critique littéraire détesté par Voltaire. Trois comédiens interprètent ici la dizaine de personnages de la pièce, sur un mode allegro molto vivace.

Roméo et Juliette avec happy-end
Avertissement de Moland (extraits)
Voltaire chez les Marx Brothers
Profil des personnages au détour de quelques répliques
Préface
Elie Fréron

  • Roméo et Juliette avec happy-end

Écrite par Voltaire en 1760 sous le pseudonyme d'un certain Monsieur Hume, pasteur de l'Église d'Édimbourg, cette comédie ne manque pas de sel : une sorte de Roméo et Juliette avec happy-end. Une jeune, belle et pauvre Écossaise, dont la famille est persécutée par les Anglais, vit recluse dans une auberge à Londres. Hélas, la jeune fille est amoureuse du fils de l’ennemi juré de sa famille… L’esprit voltairien est bien là, présent au détour des répliques.

Dans ce lieu public défile une véritable galerie de portraits :
- Lindane, la jeune écossaise accompagnée de sa suivante, Polly …
- Frélon, journaliste véreux et vénal, (copie conforme du célèbre Fréron, l'ennemi intime de Voltaire), campe toute la sainte journée dans le bar de l'hôtel, à l’affût de quelque ragot juteux…
- Lord Monrose, un vieil Écossais solitaire y débarque. On découvrira qu'il n'est autre que le père ruiné de la belle Lindane…
- Laquelle jeune fille est amoureuse d'un certain Milord Murray, fils de l'ennemi intime de son père…
- Freeport, un riche négociant sans scrupule, de retour de la Jamaïque, veut, bon prince, sauver la pauvre Lindane…
- Lady Alton, femme jalouse qui tente de retrouver les faveurs perdues du Milord Murray, veut écarter Lindane, sa rivale, et lui propose l'un de ses châteaux "sur les frontières de l'Écosse" pour y vivre en exil…
- Fabrice, l'aubergiste, plein d'humanité pour la jeune fille, s'active à sauver, tant bien que mal, la bonne tenue de son commerce…

L’intrigue est cousue de fils blancs, mais brodés par Voltaire ces fils ont des reflets dorés. L’auteur note dans sa préface : "Quant au genre de la pièce, il est dans le haut comique, mêlé au genre de la simple comédie. L'honnête homme y sourit de ce sourire de l'âme préférable au rire de la bouche."

En matière d'esprit, Voltaire s'y connaissait. Son théâtre eut de son vivant, et jusqu'au milieu du XIXe siècle, un succès considérable, avant de sombrer aujourd’hui dans l'oubli. Cette comédie que Voltaire a écrite attablé au célèbre Café Procope, rue de l'Ancienne Comédie, avait pour objectif de se « payer la tête » d’un fâcheux journaliste, Fréron, devenu sa bête noire. Le rôle que Voltaire lui attribue dans la pièce est secondaire, mais le but était de rire à ses dépens. Le brûlot de l’Écossaise fut créé en juillet 1760 à la Comédie Française, le journaliste Fréron y assista, stoïque.

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  • Avertissement de Moland (extraits)

(…) Voltaire lance contre Fréron le brûlot de l'Écossaise. Le critique était de tous les adversaires de Voltaire celui qui avait le don de l'irriter davantage. Quand il s'en prenait à lui, Voltaire n'était jamais de sang-froid. (…) Aussi Voltaire, pour se venger, ne songe pas à moins qu'à une sorte d'exécution publique, à une exécution en plein théâtre.

La nouvelle comédie de Voltaire - où il faisait figurer son adversaire Fréron sous les traits cruellement noircis du libelliste Frélon - était donnée comme une comédie anglaise de M. Hume, prêtre écossais, traduite en français par Jérôme Carré, un de ces pseudonymes dont Voltaire avait tout un arsenal. (…) Fréron assista à la première représentation qui eut lieu le 26 juillet ; il était au milieu de l’orchestre. « Il soutint, dit Collé dans son Journal, assez bien les premières scènes ; mais M. de Malesherbes, qui était à côté de lui le vit ensuite plusieurs fois devenir cramoisi et puis pâlir. Il avait placé sa femme au premier rang de l’amphithéâtre. M. Marivaux m’a dit qu’elle se trouva mal. »

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  • Voltaire chez les Marx Brothers

Je me propose de traiter cette curieuse comédie de Voltaire sur un mode allegro, molto vivace. Imaginons les entrées et sorties continuelles d'un bistrot, l'effervescence d'un pareil lieu public, les répliques des uns et des autres qui sonnent comme des appels de clairon. Trois comédiens interprètent la dizaine de personnages de la pièce. Pendant un peu plus d’une heure, les acteurs ne quittent pas la scène, tous les changements se font à vue.

Un choix artistique motivé par le désir d’imprimer à cette comédie bourgeoise, « larmoyante » selon Voltaire, un rythme enlevé : notre Écossaise aura des allures de
Marx Brothers. En nous amusant à notre tour avec sa pièce, nous avons le sentiment de demeurer fidèles à l’esprit voltairien.

Vincent Colin

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  • Profil des personnages au détour de quelques répliques 

Frélon : « Je gagne quelque chose à dire du mal ; si je peux parvenir à en faire, ma fortune est faite. J’ai loué des sots, j’ai dénigré des talents, à peine y a-t-il là de quoi vivre. Ce n’est pas à médire, c’est à nuire qu’on fait fortune. »

Lindane : « Je veux vivre de pain et d’eau. Ce n’est pas la pauvreté qui est intolérable, c’est le mépris. Je sais manquer de tout, mais je veux qu’on l’ignore. »
Polly : « Je suis assez jeune, Écossaise et pour aimable, bien des gens me disent que je le suis. »

Freeport : « Les hommes ne sont pas bons à grand chose. Fripons ou sots, voilà pour les trois-quarts. L’autre quart, il se tient chez soi. »

Lord Monrose : « Que de coups de poignards auraient fini mes jours si la juste fureur de me venger ne me forçait à porter ce fardeau détestable de la vie. »

Lady Alton : « Connaissez-vous l’amour véritable ? Pas l’amour insipide, l’amour langoureux, mais cet amour-là qui fait qu’on voudrait empoisonner sa rivale, tuer son amant, et se jeter ensuite par la fenêtre ? »

Lord Murray : « Que prétend cette furie ? Que la jalousie est affreuse ! Ô ciel ! fais que je sois toujours amoureux et jamais jaloux. »

Fabrice : « Je me doutais bien que cette demoiselle n’était pas faite pour moi… Mais après tout, elle est tombée en des bonnes mains et cela fait plaisir. »

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  • Préface

« La comédie, dont nous présentons la traduction aux amateurs de la littérature, est de M. Hume, pasteur de l'église d'Édimbourg, déjà connu par deux belles tragédies jouées à Londres (…) La comédie intitulée l'Écossaise nous parut un de ces ouvrages qui peuvent réussir dans toutes les langues, parce que l'auteur peint la nature, qui est partout la même : il a la naïveté et la vérité de l'estimable Goldoni, avec peut-être plus d'intrigue, de force, et d'intérêt (…)

Cette pièce paraît un peu dans le goût de ces romans anglais qui ont fait tant de fortune ; ce sont des touches semblables, la même peinture des moeurs, rien de recherché, nulle envie d'avoir de l'esprit, et de montrer misérablement l'auteur quand on ne doit montrer que les personnages ; rien d'étranger au sujet ; point de tirade d'écolier, de ces maximes triviales qui remplissent le vide de l'action : c'est une justice que nous sommes obligés de rendre à notre célèbre auteur. (…)

Ce qui nous a frappé vivement dans cette pièce, c'est que l'unité de temps, de lieu, et d'action y est observée scrupuleusement. Ce qui est beaucoup plus important, c’est que cette comédie est d'une excellente morale, et digne de la gravité du sacerdoce dont l'auteur est revêtu, sans rien perdre de ce qui peut plaire aux honnêtes gens du monde. La comédie ainsi traitée est un des plus utiles efforts de l'esprit humain ; il faut convenir que c'est un art, et un art très difficile. Tout le monde peut compiler des faits et des raisonnements, il est aisé d'apprendre la trigonométrie, mais tout art demande un talent, et le talent est rare. »

Voltaire, sous un pseudonyme, extrait de la Préface

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  • Elie Fréron

Journaliste, critique et polémiste (1718 -1776)
Fils d'un orfèvre établi à Quimper en 1693 mais originaire d'Agen, Daniel Fréron, et de sa femme Marie-Anne Campion née à Pont-l'Abbé (Finistère), Fréron fit de médiocres études au collège de Quimper puis chez les Jésuites au collège Louis-le-Grand. En 1745, Fréron créa son propre journal, les Lettres de la comtesse, remplacé en 1749 par les Lettres sur quelques écrits du temps, qui parut jusqu'en 1754.

En 1754, Fréron fonda L'Année littéraire, qui fut l’oeuvre de sa vie et qu'il dirigea jusqu'à sa mort en 1776. Il y critiquait vivement la littérature de son temps en la rapportant aux modèles du XVIIe siècle et combattait les Philosophes au nom de la religion et de la monarchie.

Le périodique eut beaucoup de succès et Fréron gagna très bien sa vie. Il habitait une superbe maison, rue de Seine, ornée de magnifiques lambris dorés, et faisait très bonne chère, recevant à sa table le duc de Choiseul, le duc d'Orléans ou le roi Stanislas. Il s'attaqua principalement à Voltaire qu’il décrit dans les Lettres sur quelques écrits du temps : « sublime dans quelques-uns de ses écrits, rampant dans toutes ses actions ». La critique fut ensuite reprise à chaque numéro de L'Année littéraire, souvent mordante mais toujours exprimée avec sang-froid et sur un ton de courtoisie.

Voltaire, qui supportait mal les attaques, riposta avec une extrême vigueur. Il fit contre Fréron une virulente satire, Le Pauvre diable et une pièce de théâtre, Le Café ou l'Écossaise (1760), où Fréron est représenté par le personnage de Wasp (en anglais : guêpe ou frelon), espion et délateur, coquin envieux et vil, toujours prêt à calomnier à prix d'argent dans son journal L'Âne littéraire.

Fréron assista aux deux premières représentations : si sa femme s'évanouit devant la vigueur de l'attaque, lui-même ne perdit pas son sang-froid et fit de la pièce un compte-rendu ironique et correct.

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Spectacle terminé depuis le samedi 7 avril 2007

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