Résumé
A propos de la mise en scène
Voici un homme ponctuel, très méthodique, qui aime l'ordre en toutes choses et surtout dans ses sentiments. Il vit seul dans un studio moderne et confortable. Il a pour occupation principale les femmes, qui passent rapidement dans sa vie comme dans sa mémoire.
Ainsi tout va bien, ou à peu près bien. Jusqu'au jour où, en s'en allant, une de ses amies oublie de refermer la porte.
Je trouve toujours difficile la rédaction d'une note de mise en scène. J’ai envie de dire à chaque spectateur : "regardez : tout est sur scène… nous nous dirons après le spectacle comment l’œuvre nous parle…" Au théâtre, le public a tellement droit à sa sensibilité et à son intelligence !…
Néanmoins, puisqu’il faut que je me risque, je lancerais ceci : L’Aide-Mémoire est une comédie bien faite. Elle connaît les ressorts d’un boulevard sentimental mais elle est aussi portée par une " lame de fond ". Elle met en jeu un rêve "classique" et attendrissant : une histoire d’amour, mais elle parle également à notre solitude contemporaine, à cet isolement dont nous nous plaignons…
Pour préciser la teneur du travail que nous avons réalisé, j’écrirais que nous avons abordé la pièce "de dos". Nous avons joué avec l’évitement et le mensonge. Le théâtre de Jean-Claude carrière a ici quelques traits de celui d’Harold Pinter. Il est tout de même moins cruel et plus comique…
La relecture de L’Aide-Mémoire aujourd’hui est intéressante parce que la pièce transmet un état d’esprit qui n’a plus rien d’évident mais qui a certainement encore beaucoup à nous apprendre. Sans être démonstratives, toutes les scènes baignent dans les préoccupations de la fin des années 60 : l’épanouissement de l’individu, la libération sexuelle, la désaliénation dans notre rapport au travail… Impossible de jouer la pièce sans prendre en considération la réalité et la pertinence de ces préoccupations qui semblent à présent dépassées.
Ici, les personnages sont dans une recherche personnelle. Ils cherchent à se prendre autrement… autrement qu’à l’ordinaire… et à tous les sens du verbe " prendre ". Ils essaient d’être moins bêtes. Ainsi espèrent-ils être heureux. Ce n’est pas facile !
Au risque d’en faire grogner quelques-uns, L’Aide-Mémoire nous dit clairement que le bonheur n’est pas dans le travail. Aujourd’hui, en plein débat sur les retraites et sur la place du travail dans nos sociétés, la pièce est subversive. Dans la dernière scène, Jean-Jacques, qui n’est pas vieux, affirme avec une grande conviction qu’il sent qu’il a " l’âge idéal pour ne rien faire ". Comment porter encore cette idée aujourd’hui ?
Michel Duchemin
10, rue des Cinq Diamants 75013 Paris