L'HISTOIRE
TRADUCTION ET ADAPTATION
LA PRESSE
L'hiver 1964, dans une préfecture des Abruzzes débarquent le nouveau préfet et son secrétaire. Personne! Un accident ferroviaire à 20 km de là occupe tous les bras valides de la région. Survient Oreste Campese, comédien de son état, directeur d'une troupe ambulante qui a élu domicile au théâtre municipal pour deux soirs, sa roulotte ayant disparu dans les flammes. Le préfet propose, pour l'aider, de lui signer un permis de transport. Campese n'est pas venu demander l'aumône et refuse. Furieux, le préfet lui jette à la figure, en lieu et place du permis, la liste des personnalités qu'il doit recevoir au cours de la journée. Puis il le met à la porte. Il s'aperçoit alors qu'il s'est trompé de document et pâlit en se rappelant les dernières paroles de Campese : "Et si sur cette même chaise, Excellence, mes acteurs l'un après l'autre, venaient aussi prendre place ?" Le premier visiteur est annoncé.
"Le théâtre doit être le reflet de la vie de l'homme, l'image ardente d'une vérité qui fait peur."
Eduardo De Filippo
Le langage et la version française de L'Arte della Commedia
Si l'expression "Commedia dell'arte" est compréhensible en français, car passée telle quelle dans notre langue, sa figure inversée, "L'Arte della Commedia" titre original de la pièce, n'éveille chez nous aucun écho. J'ai donc préféré traduire le titre.
Certaines difficultés sont inhérentes au discours même des personnages. L'identité de certains d'entre eux est incertaine et cette ambiguïté se reflète dans leur parole : ainsi il y a parfois glissement de sens d'une pensée à l'autre à travers des termes à acception multiple (l'institutrice) ou emphatique (le médecin). Les structures de phrases, parfois embrouillées, témoignent de la difficulté des personnages à "être". Or, le français supporte moins bien que l'italien cette complexité de style. Mon travail à consisté à rendre accessible au public français un dialogue souvent ambigu, sans perdre pour autant l'aspect mystérieux de la pièce. Notons que le langage du préfet, sur l'identité duquel ne plane aucun doute, est clair, précis, professionnel.
D'autres difficultés sont nées de la situation en Italie en 1964, date à laquelle se situe la pièce. Le plaidoyer du curé contre "les chaînes du mariage" trop lourdes à porter étaient à l'époque une prise de position en faveur du divorce. Mais, au-delà de ce contexte très précis, l'argumentation du curé garde toute sa saveur et toute sa force. Par ailleurs, il est fait allusion à la loi promulguée en 1946 pour la reconstruction du pays (fortement détruit par la guerre) et qui n'avait rien prévu pour les théâtres. Il fallait donc expliciter en quelques mots la situation historique et faire comprendre qu'à travers une situation évoquée, Eduardo De Filippo développait un point de vue universel sur le théâtre.
Huguette Hatem
Huguette Hatem, comédienne et adaptatrice, a aussi enseigné à Paris VIII. Elle a traduit une soixantaine de pièces d'auteurs italiens classiques et contemporains. Elle contribue en particulier ces dernières années à diffuser les pièces d'Eduardo De Filippo en France. De cet auteur, ont été montées dans sa traduction, Samedi, Dimanche et Lundi par Françoise Petit, L'Art de la Comédie par Jean Mercure, Les Voix intérieures par Claude Yersin, Chaque année, ça recommence par Pierre Ascaride, Sik-Sik et Le Haut-de-forme par Jacques Nichet, Homme et Galant homme par Félix Prader, Filumena Marturano par Marcel Maréchal, La Grande Magie par Lisa Wurmser et par Jacques Mauclair : Antonio Barracano, Sik-Sik et Noël chez les Cupiello. De Luigi Pirandello, elle a traduit en 1997 pour Jorge Lavelli, Six personnages en quête d'auteur (au T.N.P. puis au Théâtre de l'Eldorado) et en 1999 elle a assuré pour René Loyon la dramaturgie du Jeu des rôles (au Théâtre 13). Elle a reçu, en 1994, le Prix National de Traduction décerné par le Président de la République Italienne, pour sa contribution à la diffusion du théâtre italien sur les scènes françaises.
Un jeu diabolique
A l'heure de la déconcentration, le préfet De Caro et l'artiste Campese incarnent cette relation éternellement conflictuelle et incontournable que nous connaissons bien dans nos métiers. L'imaginaire est au service du politique et l'inverse doit être vrai. Depuis les rois et les bouffons du Moyen-Age, nous sommes inséparables. Dans L'Art de la Comédie, la lutte est acharnée pour savoir au bout du compte qui, des deux, l'emportera sur l'autre. Bien sûr, l'auteur se place aux côtés de l'artiste mais, au-delà de la satire, c'est l'organisation sociale toute entière que l'on voit souffrir au moment ou le poète De Filippo regarde avec amertume se liquéfier le monde des humains. Peu importe donc que le préfet ait affaire ou non à des usurpateurs. Tous s'épient, se dénoncent, se déchirent mutuellement. Personne ne tombe le masque et la seule manière de sauver sa peau est de jouer avec celle des autres. C'est ce jeu, dont les règles pourraient être dictées par Pirandello, qui nous donnera à entendre l'exacerbation des sentiments, le râle des jouissances malveillantes et médisantes et, dans une Italie qui n'a pas encore refermé toutes les plaies de la deuxième guerre, l'éclat de rire du diable.
François Kergourlay
Un humour inquiétant
Une comédie pirandellienne à l'humour extrêmement sournois, avec une violence
sous-jacente que masquent à-demi des blagues, des bizarreries de comportement qui
échappent à la caricature et au guignol. Avec beaucoup de finesse, on découvre un ton
mi-figue mi-raisin entre le vrai et le faux, entre réalisme et onirisme, qui fait
l'originalité et la singularité d'Eduardo De Filippo.
Pierre Marcabru
Le Figaro - 14 novembre 1983
Subversion douce
En 1965, lorsque la pièce fut créée, à Naples, on accusa De Filippo d'outrager
l'État! C'est que, avec beaucoup de subtilité, une limpidité joyeuse et sans
agressivité brutale, il nous offre une radical critique du pouvoir et de ses relations
avec les individus, artistes compris. La subversion est douce, humble est le rôle que
s'attribue le dramaturge, certain de son pouvoir, mais sans prétention. Attentif
simplement à la vraie vie, et le théâtre en fait partie... Pirandello peut-être : en
moins intellectuel, en mieux incarné. Une comédie humaine, féroce et tendre pourtant,
profonde.
Armelle Héliot
Le Quotidien de Paris - 15 novembre 1983
La Comédie du Malheur
Les drames, les interdits, les croyances obscures qu'exposent ces braves gens au préfet
ne lui paraissent fictifs que parce qu'ils expriment une réalité qu'il refuserait, de
toute façon, de prendre en considération. Ainsi un auteur comique a-t-il pu témoigner,
il y a vingt ans, en faveur d'une réalité sociale que le cinéma italien avait aussi
pris en charge. Mais n'est-ce pas tout le théâtre italien, de Ruzante à Pirandello qui
a agi ainsi ? Eduardo De Filippo rirait bien qu'on le prenne pour un auteur engagé.
N'empêche que le fils du Feydeau napolitain, Scarpetta, réussit à nous dire plus de
vérités que n'importe quel auteur à idées.
Guy Dumur
Le Nouvel Observateur - 1er décembre 1983
Un burlesque ambigu
L'identité et l'apparence ne font qu'un, selon De Filippo, puisque le théâtre doit
être "le reflet de la vie de l'homme, l'image ardente d'une vérité qui fait
peur". Subtile et corrosive satire du pouvoir, L'Art de la comédie est une vraie
comédie humaine, tour à tour féroce et tendre, comme la vie même.
Jany Castel
Panorama du médecin - 25 novembre 1983
13, rue Maurice Labrousse 92160 Antony
Voiture : par la N20. Après la Croix de Berny suivre Antony centre puis le fléchage.
15 min de la porte d’Orléans.
Stationnement possible au parking Maurice Labrousse (gratuit à partir 18h30 et les dimanches), au parking du Marché (gratuit pendant 3h après validation du ticket de parking à la caisse du théâtre) et au parking de l’Hôtel de ville (gratuit pendant 1h15).