L'éclipse du 11 août

du 17 novembre au 21 décembre 2006

L'éclipse du 11 août

Lorraines de naissance, deux demi-sœurs ont pris leur retraite à Nice, où elles ne se croisent presque jamais. Ce jour-là, elles se sont embarquées dans la vieille 4L de l’aînée, pour un grand voyage en commun. Elles veulent voir tomber l’obscurité magique dans leur village. À 500 mètres de là, elles se sont arrêtées. La 4L n’en peut plus. Mais surtout il pleut, et le ciel est désespérément bouché. Impossible retour au Vaterland.
  • Retour en Lorraine

11 août 1999. Deux sœurs - deux demi-sœurs - lorraines de naissance, ont pris leur retraite à Nice, où elles ne se croisent presque jamais. Mais ce jour-là, elles se sont embarquées dans la vieille 4l de l’aînée, pour un grand voyage en commun. Leur village de Lorraine est sur le parcours de l’éclipse totale de soleil (11 août 1999, vous vous souvenez ?). C’est là qu’elles veulent voir tomber l’obscurité magique. A 500 mètres du village, elles se sont arrêtées. La 4l n’en peut plus. Mais surtout il pleut, et le ciel est désespérément bouché...

Iimpossible retour au Vaterland : deux femmes et une 4l plus toutes jeunes, ni l’une ni les autres, sous crachin, brume, éclipse noire, soleil enfin apparu, et plus tard sous le ciel étoilé. A mi-chemin entre un cimetière et une base aérienne désaffectée, où se tient un rassemblement gitan, avec festival de musique. Ici, à cette croisée entre une route départementale et un chemin vicinal, elles stationnent, solitaires. Puis vient à elles un jeune prêtre, travailleur social sans paroisse, entrevu comme un spectre au moment du noir total. Et passe une jeune fille avec ses vraies misères d’aujourd’hui. Plus tard, elles entendront de loin la voix de leur troisième demi-sœur qui chante pour les gitans, là-bas sur l’aérodrome. Un monde qui s’en va, et un monde qui s’en vient, à l’aveuglette.

Jean-Pierre Vincent

Le texte de la piéce est à paraître à l'Arche Editeur.

  • Le temps d'une éclipse

1999. Dans six mois, le siècle, c’est fini ; et le millénaire du même coup... Nous avions résisté durant quelques années à voir dans cette fin de siècle un moment symboliquement significatif. Après tout, une année 99 est une année comme les autres. Mais non ! Oh, ce n’est pas si important que ça, mais tu approches de tes soixante ans et le siècle meurt... Tout change autour de toi, et toi, moins vite que le reste... mais tu résistes. Il ne sera pas dit que tu n’avances pas. Mais vers où ? Pour avancer, il faut lâcher du lest derrière soi.

L’éclipse, la nuit en plein jour, c’est l’occasion pour elles de voir s’abolir dans le néant leur village et tout ce qu’il charrie dans les têtes. Elles se gardent d’y pénétrer, elles restent à distance, sur la hauteur. Mais il fait gris. Il n’y a décidément rien à voir. Alors elles s’en parlent : souvenirs d’enfance, d’adolescence, trous de mémoire, fous rires, rejets vengeurs. De la révolte, oui parfois, envers ces satanées racines, et une sorte de flottement indicible le plus souvent : le silence a ici son mot à dire. Et l’éclipse, qui soudain dilate le temps, produit ses arrêts sur image

Tourisme mortel, à la fois noir et gai, road movie immobile : elles veulent voir leur Lorraine ancestrale se fondre dans le rien. Mais ce geste les piège. Comment ne pas mourir avec lui ? Il y aura deux solutions, deux fins, pour chacune d’elles. Ce voyage est aussi le doux enterrement d’une relation entre sœurs. Deux adieux divergents : pour finir, l’une part rejoindre la petite sœur et les gitans ; l’autre reste en plan avec sa défunte 4L, à deux pas du cimetière lorrain. Et la jeune demi-sœur, là-bas, chante le rêve d’un enfant qui va venir, une fois passé le siècle.

Jean-Pierre Vincent

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La Colline (Théâtre National)

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La Colline (Théâtre National)
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Spectacle terminé depuis le jeudi 21 décembre 2006

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