Présentation
Lîle
de Dieu est une pièce de théâtre
LÉcole Régionale
dActeurs de Cannes
Avec les élèves de 3ème année de lERAC (École Régionale dActeurs de Cannes). La pièce a été jouée au Théâtre du Gymnase de Marseille et au Centre Dramatique National de Nice au mois de mai 2000. Le texte de la pièce est publié aux Éditions Théâtrales. Résultat d'une commande d'écriture de l'ERAC, cette variation très libre de La tempête de William Shakespeare convoque des personnages de l'Ancien Testament sous l'il impuissant d'un Dieu, qui face à Lucifer, ne maîtrise plus les actes de ses créatures.
Spectacle fou, débridé, carnavalesque, d'une humanité en déroute, commenté par un Dieu en plein désarroi sur le salut de l'homme, doutant même de sa propre existence, la pièce de Motton intrigue, irrite, enchante mais ne laisse personne indifférent.
" Votre conte, Seigneur, pourrait soigner la surdité. " Miranda, dans La Tempête de William Shakespeare.
À lorigine, cette pièce devait être une adaptation de La tempête de Shakespeare, écrite pour les élèves de lERAC. Au final, Lîle de Dieu ne doit plus grand chose au " grand William ", même si lon y retrouve lîle, les eaux diluviennes et si Prospéro, Ariel, Caliban et Miranda apparaissent en filigrane derrière Dieu, Lucifer et Marie.
Lîle de Dieu comporte une trentaine de personnages parmi lesquels Dieu et Lucifer ont une place primordiale. Lhistoire damour de Dieu et Marie nous est révélée au cours des trois premiers actes. Le deuxième acte est centré sur Jacob et ses pérégrinations relatées dans la genèse, depuis lachat du droit daînesse à son frère Ésaü jusquà la naissance des douze tribus dIsraël. Le quatrième acte nous fait assister à la naissance de Jésus qui, à la fin du cinquième acte, se prépare au sacrifice. Il ne sagit pas non plus dune adaptation de la Bible, ni dune parodie.
A côté des moments de farce pure et des pointes satiriques qui émaillent le texte, Gregory Motton pose, en poète, une question théologique cruciale sur les rapports de Dieu envers son Univers.
Lîle de Dieu est une pièce de théâtre
Entendue dans son double sens, cette formule introduit la nouvelle pièce de Gregory Motton : Dieu, ou ce qu'il en reste, joue à rejouer le monde sur la scène de son théâtre. Un texte très vieux pour acteurs jeunes, avec la complicité souterraine de Shakespeare. Il suffit de remplacer Dieu par Prospero, et nous obtenons l'exact résumé de La Tempête. Prospero devient Dieu : par sa magie, il agit le monde ses tourments et son salut comme s'il en était le dramaturge, chargé de sa mise en scène.
Dans l'Ile de Dieu, Gregory Motton reprend le personnage chef d'orchestre, mais il ne s'embarrasse pas de l'habiller d'un quelconque nom propre. C'est dieu en personne qui essaie encore quelque chose pour l'humanité qui naufrage. Relancé par son fidèle Lucifer (qui est comme l'ombre d'Ariel, l'esprit de l'air aux ordres de Prospero) il repasse devant nous les stations d'une histoire commune au fond de nous.
Au plus près de certains passages de la Bible, Dieu re-cite ses deux testaments, l'Ancien et le nouveau. Il prélève des extraits choisis sous l'il goguenard d'un Lucifer fin dialecticien et passe en revue (théâtrale et carnavalesque) la cruauté du déluge, le sauvetage misanthrope de Noé, l'amour impossible de Marie vierge de Dieu, la trahison de Jacob, son exil, et l'ange de Dieu qui lui vient, en songe, du haut de l'échelle intranquille, ses femmes et ses ruses, les douze tribus d'Israël.
Autant d'épisodes racontés ici par dieu lui-même, en chair et en os, en l'absence de tout intermédiaire livresque. Dieu sur scène commente l'histoire tortueuse de son interminable création. Tout se résume dans cette unique question : Comment en finir avec un monde incapable de dieu - surtout quand on s'appelle dieu?
C'est la quadrature d'un cercle qui ne donne aux hommes que la douleur d'être un homme. Dans son malheur, Dieu envoie son fils fait homme sur la terre. Dieu devenu mollusque " au fond d'une flaque claire, cramponné dans la peur et dans les ombres". Au centre du triangle Dieu Marie Joseph, Jésus naît en nombreuse compagnie : l'âne et ses suivants, Madame Cervelas, une infirmière, un espion, un moqueur, Monsieur Charron l'inventeur de la roue, le grand communicateur et son assistante, Madame la conseillère municipale.
Tous célèbrent sa venue avec le sarcasme et la cruauté d'une Fête des Fous. De rencontres infructueuses en paraboles ressassées, Jésus retrouve son compagnon, Judas le frère, le double désespéré prêt à le vendre sans y croire vraiment. Prêt pour la mort, il retrouve son père, pour la dernière fois. Dernière explication de dieu avec lui-même, ultime tentative pour comprendre ce mal sans cesse que les hommes font aux hommes.
Dans cette parabole théologique, nous revivons le déroulement d'une histoire fondatrice, mais paradoxalement c'est une autre histoire qui nous est contée, tant le commentaire qui travaille dans la pièce nous la donne à entendre d'une manière inédite un essai de philosophie pour des modernes en question. Dieu est ici, dans son île, totalement fait homme : tout dans sa pensée montre son appartenance au monde humain. Dieu voit clairement les limites de son uvre, et il ne se prive pas pour le dire à ses compagnons d'infortune. Et il se demande bien comment il va pouvoir les dépasser. Nous aussi. C'est ici que le théâtre peut espérer prendre la relève.
Bruno Tackels
dramaturge
LÉcole Régionale dActeurs de Cannes
Elle a ouvert ses portes en 1990 dans le cadre des lois de décentralisation de la formation aux régions. Elle dispense une formation de comédien de trois ans finalisée par des confrontations au public et aux professionnels. Elle se distingue en systématisant les partenariats avec les institutions théâtrales.
Sous tutelle de la Région puis de lEtat, elle a renforcé sa dimension despace dexpérimentation et de recherche pédagogique et a su évoluer profondément en conviant des artistes tels que Claude Régy, Peter Brook, Simone Amouyal à la direction de ses ateliers. Depuis trois ans, un comité pédagogique a été constitué avec Simone Amouyal, Bernard Chartreux, Michel Corvin, Jacques Mornas, Jean-Pierre Vincent et Didier Abadie, afin de réfléchir au fonctionnement de la structure et en tirer les enseignements. Laxe dramaturgique défini par Michel Corvin détermine le programme et les choix des intervenants.
Les ateliers de troisième année constituent un véritable champ d'expérience où l'enjeu artistique et la jeunesse des acteurs deviennent un atout. La qualité de l'ensemble des élèves influe sur le choix des textes montés, ce qui a rapidement amené l'école à adapter des textes ou à commander des traductions ou encore à passer des commandes à des auteurs (Pascal Rambert a écrit Long Island -Editions Solitaire Intempestif- créé à la Criée et représenté à la Ménagerie de Verre. André Markowicz a traduit La trilogie comique de Soukovo Kobilyne -Editions Corti- monté par Robert Cantarella au Système Friche Théâtre).
La troisième année est à la fois une année de formation mais aussi une période dinsertion professionnelle. Le jeune acteur découvre ce que peut être lunivers artistique du metteur en scène et la compréhension quil peut avoir dune pièce. Lorsqu'il crée un spectacle, le metteur en scène devient artiste créateur et attend de l'acteur une position d'artiste interprète responsable et riche de propositions. Connaître ce cheminement est fondamental ; les projets de troisième année doivent répondre à ces exigences.
D'après les propos de Didier Abadie, délégué
général de l'ERAC
recueillis par Emmanuelle Riou - Août 2000
La Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvres 75012 Paris
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.