L’île de Dieu

du 8 au 18 novembre 2000

L’île de Dieu

Spectacle fou, débridé, carnavalesque, d'une humanité en déroute, commenté par un Dieu en plein désarroi sur le salut de l'homme, doutant même de sa propre existence, la pièce de Motton intrigue, irrite, enchante mais ne laisse personne indifférent.

Présentation
L’île de Dieu est une pièce de théâtre 
L’École Régionale d’Acteurs de Cannes

Présentation

Avec les élèves de 3ème année de l’ERAC (École Régionale d’Acteurs de Cannes). La pièce a été jouée au Théâtre du Gymnase de Marseille et au Centre Dramatique National de Nice au mois de mai 2000. Le texte de la pièce est publié aux Éditions Théâtrales. Résultat d'une commande d'écriture de l'ERAC, cette variation très libre de La tempête de William Shakespeare convoque des personnages de l'Ancien Testament sous l'œil impuissant d'un Dieu, qui face à Lucifer, ne maîtrise plus les actes de ses créatures.

Spectacle fou, débridé, carnavalesque, d'une humanité en déroute, commenté par un Dieu en plein désarroi sur le salut de l'homme, doutant même de sa propre existence, la pièce de Motton intrigue, irrite, enchante mais ne laisse personne indifférent.

 " Votre conte, Seigneur, pourrait soigner la surdité. " Miranda, dans La Tempête de William Shakespeare.

 À l’origine, cette pièce devait être une adaptation de La tempête de Shakespeare, écrite pour les élèves de l’ERAC. Au final, Lîle de Dieu ne doit plus grand chose au " grand William ", même si l’on y retrouve l’île, les eaux diluviennes et si Prospéro, Ariel, Caliban et Miranda apparaissent en filigrane derrière Dieu, Lucifer et Marie.

Lîle de Dieu comporte une trentaine de personnages parmi lesquels Dieu et Lucifer ont une place primordiale. L’histoire d’amour de Dieu et Marie nous est révélée au cours des trois premiers actes. Le deuxième acte est centré sur Jacob et ses pérégrinations relatées dans la genèse, depuis l’achat du droit d’aînesse à son frère Ésaü jusqu’à la naissance des douze tribus d’Israël. Le quatrième acte nous fait assister à la naissance de Jésus qui, à la fin du cinquième acte, se prépare au sacrifice. Il ne s’agit pas non plus d’une adaptation de la Bible, ni d’une parodie.

A côté des moments de farce pure et des pointes satiriques qui émaillent le texte, Gregory Motton pose, en poète, une question théologique cruciale sur les rapports de Dieu envers son Univers.

L’île de Dieu est une pièce de théâtre 

Entendue dans son double sens, cette formule introduit la nouvelle pièce de Gregory Motton : Dieu, ou ce qu'il en reste, joue à rejouer le monde sur la scène de son théâtre. Un texte très vieux pour acteurs jeunes, avec la complicité souterraine de Shakespeare. Il suffit de remplacer Dieu par Prospero, et nous obtenons l'exact résumé de La Tempête. Prospero devient Dieu : par sa magie, il agit le monde — ses tourments et son salut — comme s'il en était le dramaturge, chargé de sa mise en scène.

Dans l'Ile de Dieu, Gregory Motton reprend le personnage chef d'orchestre, mais il ne s'embarrasse pas de l'habiller d'un quelconque nom propre. C'est dieu en personne qui essaie encore quelque chose pour l'humanité qui naufrage. Relancé par son fidèle Lucifer (qui est comme l'ombre d'Ariel, l'esprit de l'air aux ordres de Prospero) il repasse devant nous les stations d'une histoire commune au fond de nous.

Au plus près de certains passages de la Bible, Dieu re-cite ses deux testaments, l'Ancien et le nouveau. Il prélève des extraits choisis sous l'œil goguenard d'un Lucifer fin dialecticien et passe en revue (théâtrale et carnavalesque) la cruauté du déluge, le sauvetage misanthrope de Noé, l'amour impossible de Marie vierge de Dieu, la trahison de Jacob, son exil, et l'ange de Dieu qui lui vient, en songe, du haut de l'échelle intranquille, ses femmes et ses ruses, les douze tribus d'Israël.

Autant d'épisodes racontés ici par dieu lui-même, en chair et en os, en l'absence de tout intermédiaire livresque. Dieu sur scène commente l'histoire tortueuse de son interminable création. Tout se résume dans cette unique question : Comment en finir avec un monde incapable de dieu - surtout quand on s'appelle dieu?

C'est la quadrature d'un cercle qui ne donne aux hommes que la douleur d'être un homme. Dans son malheur, Dieu envoie son fils fait homme sur la terre. Dieu devenu mollusque " au fond d'une flaque claire, cramponné dans la peur et dans les ombres". Au centre du triangle Dieu Marie Joseph, Jésus naît en nombreuse compagnie : l'âne et ses suivants, Madame Cervelas, une infirmière, un espion, un moqueur, Monsieur Charron l'inventeur de la roue, le grand communicateur et son assistante, Madame la conseillère municipale.

Tous célèbrent sa venue avec le sarcasme et la cruauté d'une Fête des Fous. De rencontres infructueuses en paraboles ressassées, Jésus retrouve son compagnon, Judas le frère, le double désespéré prêt à le vendre sans y croire vraiment. Prêt pour la mort, il retrouve son père, pour la dernière fois. Dernière explication de dieu avec lui-même, ultime tentative pour comprendre ce mal sans cesse que les hommes font aux hommes.

Dans cette parabole théologique, nous revivons le déroulement d'une histoire fondatrice, mais paradoxalement c'est une autre histoire qui nous est contée, tant le commentaire qui travaille dans la pièce nous la donne à entendre d'une manière inédite — un essai de philosophie pour des modernes en question. Dieu est ici, dans son île, totalement fait homme : tout dans sa pensée montre son appartenance au monde humain. Dieu voit clairement les limites de son œuvre, et il ne se prive pas pour le dire à ses compagnons d'infortune. Et il se demande bien comment il va pouvoir les dépasser. Nous aussi. C'est ici que le théâtre peut espérer prendre la relève.

Bruno Tackels
dramaturge

L’École Régionale d’Acteurs de Cannes

Elle a ouvert ses portes en 1990 dans le cadre des lois de décentralisation de la formation aux régions. Elle dispense une formation de comédien de trois ans finalisée par des confrontations au public et aux professionnels. Elle se distingue en systématisant les partenariats avec les institutions théâtrales.

Sous tutelle de la Région puis de l’Etat, elle a renforcé sa dimension d’espace d’expérimentation et de recherche pédagogique et a su évoluer profondément en conviant des artistes tels que Claude Régy, Peter Brook, Simone Amouyal… à la direction de ses ateliers. Depuis trois ans, un comité pédagogique a été constitué avec Simone Amouyal, Bernard Chartreux, Michel Corvin, Jacques Mornas, Jean-Pierre Vincent et Didier Abadie, afin de réfléchir au fonctionnement de la structure et en tirer les enseignements. L’axe dramaturgique défini par Michel Corvin détermine le programme et les choix des intervenants.

Les ateliers de troisième année constituent un véritable champ d'expérience où l'enjeu artistique et la jeunesse des acteurs deviennent un atout. La qualité de l'ensemble des élèves influe sur le choix des textes montés, ce qui a rapidement amené l'école à adapter des textes ou à commander des traductions ou encore à passer des commandes à des auteurs (Pascal Rambert a écrit Long Island -Editions Solitaire Intempestif- créé à la Criée et représenté à la Ménagerie de Verre. André Markowicz a traduit La trilogie comique de Soukovo Kobilyne -Editions Corti- monté par Robert Cantarella au Système Friche Théâtre).

La troisième année est à la fois une année de formation mais aussi une période d’insertion professionnelle. Le jeune acteur découvre ce que peut être l’univers artistique du metteur en scène et la compréhension qu’il peut avoir d’une pièce. Lorsqu'il crée un spectacle, le metteur en scène devient artiste créateur et attend de l'acteur une position d'artiste interprète responsable et riche de propositions. Connaître ce cheminement est fondamental ; les projets de troisième année doivent répondre à ces exigences.

D'après les propos de Didier Abadie, délégué général de l'ERAC
recueillis par Emmanuelle Riou - Août 2000

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Spectacle terminé depuis le samedi 18 novembre 2000

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