Propriété de l’aristocrate Lioubov Ranevskaia, la Cerisaie – si vaste et si belle qu’elle était mentionnée dans l’Encyclopédie, si liée à l’histoire de la famille qu’elle semble en garder les souvenirs et les secrets – cette Cerisaie est sur le point d’être vendue pour dettes… Lopakhine, riche marchand et fils d’un moujik autrefois asservi au domaine, se dispose à l’acheter pour ensuite la découper en parcelles constructibles et les louer aux estivants.
Tchekhov n’a vécu que six mois après la création de la pièce en 1904 : cette oeuvre testamentaire signe la disparition d’un ordre et l’émergence d’une ère nouvelle dont nul ne sait où elle mènera. Mais quel est son mystère ? Regrette-t-on ce qui disparaît ou déplore-t-on ce qui advient ? Malheur du présent ou futur du malheur ?
Pièce sur le temps – ses cassures et ses lentes transformations, personnelles ou collectives – La Cerisaie se prête, génération après génération à de nouvelles approches et interprétations. Alors, une comédie La Cerisaie comme le voulait Tchekhov ? Le génie de l’auteur tient plutôt à cette alliance constante de gravité et de dérision, d’amertume et de drôlerie. Nous portons tous en nous un domaine oublié.
Par la Compagnie Robert de profil.
La pratique du servage a été abolie en Russie en 1860. Les premières générations de paysans affranchis, loin de connaître une amélioration de leur sort, ont vécu une dramatique aggravation de leur condition. Pour accéder à la liberté, les serfs (les âmes) devaient racheter la parcelle de terre qu’ils cultivaient auparavant pour nourrir leurs familles. Ne possédant rien, l’État leur consentait un prêt qu’ils remboursaient pendant 49 ans. Ils pouvaient également choisir de se voir attribuer gratuitement une parcelle minuscule, insuffisante à leur subsistance, qu’ils revendaient pour aller grossir le nombre de ceux qui partaient travailler en usine. L’objectif était atteint : la mobilité de la main-d’oeuvre. Du temps du servage, le paysan non libre était juridiquement un bien mobilier.
La Cerisaie se déroule précisément 43 ans après la fin du servage. La première génération de paysans n’a toujours pas fini de rembourser sa dette à l’Etat.
Tchekhov, dans La Cerisaie, inverse le paradigme de la dette. Ce ne sont plus les paysans, mais les anciens maîtres qui ont contracté une dette, morale celle-ci, à l’endroit de leurs anciens « meubles » et cette dette s’étalera sur plusieurs siècles. Car, ne nous y trompons pas, le mal qui ronge la pièce de Tchekhov, c’est bien le poids écrasant de la dette morale contractée, dette héréditaire qui à l’instar du pêché originel, ne peut se racheter ici-bas. C’est bien elle qui empêche l’écoulement harmonieux du temps. Elle, la tache indélébile sur toute la blancheur de la cerisaie.
On pourrait dire du théâtre de Tchekhov qu’il n’est qu’une succession d’événements anecdotiques, minuscules ; qu’il relève d’une narration fragmentée dont on aurait du mal à percevoir clairement l’objet. Alors, d’où vient l’intérêt que nous portons à son oeuvre, l’intérêt constant du public et des gens de théâtre ? On ne sait pas toujours expliquer cette fascination qu’il exerce sur nous...
À y regarder de près, on s’aperçoit que les thématiques récurrentes chez Tchekhov font exactement écho à nos préoccupations contemporaines : la famille, l’économie, l’éducation, l’écologie, la religion, la place des femmes. Tous ces indicateurs qui constituent l’identité (fût elle provisoire) d’une société sont précisément aujourd’hui dans un état de transformation extraordinaire ; ils relèvent du champ politique : découlant les unes des autres, ces questions ne peuvent s’appréhender isolément. Le médecin Tchekhov devient anthropologue, et en bon scientifique, il essaie d’éviter les pièges d’une lecture idéologique du monde : il observe, il note, il rend compte du réel sans hiérarchie dans les faits. Il nous livre une matière première à laquelle l’acteur apporte son étincelle. La vie apparaît et le spectateur prend toute sa place, car c’est lui qui donne le sens en reliant les informations, devinant ce qui n’est pas dit, anticipant l’action, prenant la mesure des enjeux sociétaux… Assiste-t-il à un drame familial ? Une comédie champêtre ? Une pièce politique ? Un témoignage historique ? Une fantaisie ? Avec Tchekhov, peut-être plus qu’avec tout autre, c’est dans l’esprit et le coeur du spectateur qu’a lieu le théâtre.
Nicolas Liautard & Magalie Nadaud
Une interprétation de qualité et une bonne mise en scène font de cette Cerisaie une très bonne vision de ce monde de Tchekhov.
Bon jeu d acteur, mais la mise en scène revisité est peu convainquante et ennuyeuse. Très déçu finalement.
Un rythme sans temps morts pour cette pièce mise au goût contemporain. Un jeu d'acteur excellent, des silences et de la sensibilité, de la réflexion, deux heures qui passent comme une fête très réussie. Bravo !
Tchekhov ne doit pas ce sentir trahit par cette mise en scène jeune et un rien rock'n'roll, c'est le texte, tout le texte, rien que le texte. Cette inversion entre les moujik riches et les nobles fauchés qui n'ont plus qu'à s'expatrier en perdant tout, est réjouissante. L'abolition de l'esclavage a eu raison de la morgue des possédants. Il ne reste plus à Tchekhov qu'à écrire une nouvelle pièce sur les nouveaux possédants, les oligarques.
Pour 8 Notes
Une interprétation de qualité et une bonne mise en scène font de cette Cerisaie une très bonne vision de ce monde de Tchekhov.
Bon jeu d acteur, mais la mise en scène revisité est peu convainquante et ennuyeuse. Très déçu finalement.
Un rythme sans temps morts pour cette pièce mise au goût contemporain. Un jeu d'acteur excellent, des silences et de la sensibilité, de la réflexion, deux heures qui passent comme une fête très réussie. Bravo !
Tchekhov ne doit pas ce sentir trahit par cette mise en scène jeune et un rien rock'n'roll, c'est le texte, tout le texte, rien que le texte. Cette inversion entre les moujik riches et les nobles fauchés qui n'ont plus qu'à s'expatrier en perdant tout, est réjouissante. L'abolition de l'esclavage a eu raison de la morgue des possédants. Il ne reste plus à Tchekhov qu'à écrire une nouvelle pièce sur les nouveaux possédants, les oligarques.
Avis aux puristes amateurs de Tchekhov, la mise en scène déjantée et un poil rock'n'roll ne trahit en rien l'esprit de la pièce. Rien que ça, c'est un ravissement et les acteurs nous transportent dans cette histoire de vente foncière sans ennuyer le public. Nous avons passé un bon moment, sans temps morts. Bravo une nouvelle fois à cette troupe jeune et dynamique.
Cette Cerisaie revisitée tant dans la traduction que dans une mise en scène alerte, sensible et ironique est un belle découverte.Les actrices et les acteurs portent cette cette pièce dans une grande cohérence, avec un dynamisme et une ironie inhabituelles et salutaire pour saisir la dimension contemporaine des sujets intimes, sociaux et culturels que Tchekov tricote si justement.
Acteurs excellents, mise en scène moderne et simple qui ajoute beaucoup de clarté au texte. Parfait!
bon jeu d'acteurs. Ajouts au texte pas vraiment indispensables.
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.