La Manie de la Villégiature

Paris 10e
du 12 novembre au 19 décembre 1999

La Manie de la Villégiature

CLASSIQUE Terminé

L'une des comédies les plus trépidantes et les plus modernes de Goldoni. Elle brasse en son intrigue qui va crescendo, des thèmes aussi divers que : l'apparence, l'écologie, l'hypocrisie, l'image de soi, l'amour et ses mensonges, et surtout la soif de loisirs.

La pièce

Leonardo et Filippo, deux bourgeois de Livourne, organisent ensemble leurs départs à l'automne pour leurs villégiatures de Montenero.

C'est d'abord qu'à Montenero, ils sont voisins. C'est surtout que Leonardo voue un amour exclusif et jaloux à Giacinta, fille de Filippo, qui, elle, l'aime du bout des lèvres en retour, comme par désoeuvrement.

Alors, que Filippo convie Guglielmo à voyager avec lui et sa fille, et que Leonardo voit en Guglielmo un rival, et ce sont les beaux projets de voyage en commun qui s'écroulent.

Qu'à cette querelle d'amoureux s'ajoutent : une robe de villégiature qui n'est pas prête et qu'attend en fulminant Vittoria, soeur de Leonardo; les circonvolutions d'un pique-assiette, Ferdinando, prêt à toutes les bassesses pour ne pas payer son voyage, son gîte et son couvert à Montenero; les haut-le-coeur d'une servante, Brigida, malade en mer et qui veut trouver à tout prix une place dans la calèche de son maître, monsieur Filippo; qu'aux atermoiements donc d'une comédie de moeurs se mêlent les plus ingénieux ressorts de la farce, et ce sont cent fois les malles qui vont se faire, se défaire, se refaire, se défaire encore, pour qu'enfin, chacun rabiboché, rassuré, soigné, bien vêtu, le départ ait lieu.

La Manie de la Villégiature ou la quintessence de cette frénésie qui règne sur les quais, les routes et les ports que nous connaissons tous encore aujourd'hui.

La mise en scène

Manie de La Villégiature... Le titre dit l'essentiel : la pièce est d'abord le portrait à la fois ironique et tendre de maniaques et de grands obsessionnels qui , à eux tous, semblent déjà préfigurer la boulimie, la frénésie, l'obsession du mieux-être, l'urgence du bonheur et de l'aisance qui frappe nos dernières décennies. Modernisme qui nous plongera de plain pied, depuis la Venise des années 1750, dans un monde que nous connaissons, celui des départs hâtifs et hystériques en week-end ou en vacances. Que l'on se permette en outre quelques anachronismes, que l'on invite nos comédiens à la plus franche frénésie, à l'expression la plus contemporaine du stress et de l'hystérie, que le plateau, au fur et à mesure de la pièce, disparaisse peu à peu sous une nuée de bagages en tous genres, comme sur les quais d'une gare un jour de grand départ, bref, que nous laissions parler notre imaginaire d'aujourd'hui devant un texte d'hier, et nous serons en terrain plus que familier. Cette familiarité, répétons-le, est presque prémonitoire dans La Manie..., ce qui en fait aussi une pièce troublante, inquiétante, omnisciente.

A travers elle, et de ses tentatives répétées, sans cesse retardées et avortées, de départ en villégiature, s'exprime aussi la quintessence de ce qui fait l'impatience, la beauté, l'inquiétude, le désir et le rêve de tout départ, qui est toujours un départ au plus loin, parce qu'un départ ailleurs. Tout voyage est à la fois abandon et découverte, dont nul ne peut présager du retour... De cette imminence et de cette fascination du départ, la scénographie surtout parlera. Utilisant de manière éparse mais cohérente, des éléments évocateurs de tous les voyages possibles, elle jouera à fond la carte de la comédie non sensique et de la bouffonnerie, au service d'une même idée : l'obsession monomaniaque du départ.

Ajoutons ici qu'en mettant en scène quelques belles figures d'indécis, de paranoïaques et de frivoles, tous porteurs de psychologies particulièrement torturées, il n'est pas étonnant que Goldoni ait usé, voire abusé, des apartés. Les fous, on le sait bien, parlent souvent tout seuls. C'est pourquoi nous en ferons des soliloques intimes et motivés par l'état intérieur des personnages, plutôt que des adresses mécaniques au public. Autre manière de retrouver cette "manie" située au coeur de notre projet, et de parler encore de notre siècle, celui qui vit fleurir les cabinets de psy...

Un mot encore sur l'importance des femmes dans la pièce : c'est elles qui sont autoritaires et décisionnaires, elles qui mènent le monde et l'emménent en voyage, elles qui sont prêtes à prendre les armes pour défendre leur rêves et leur liberté. Autre manière de retrouver l'hystérie...

Bref, La Manie de la Villégiature est une comédie, et une des plus brillantes de son auteur, voire de son siècle, parce qu'elle n'a pas peur de placer sur scène de grands malades dont les angoisses, les tics et les phobies nous font rire, comme nous font rire les maladresses énormes d'un inspecteur Clouseau, l'hypocondrie d'un Woody Allen ou encore les élucubrations presque surréalistes des Marx Brothers. C'est d'ailleurs peut-être vers le cinéma plutôt que vers le théâtre que nous irons chercher nos références et enrichir notre imaginaire...

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Jemmapes Théâtre
116, quai de Jemmapes 75010 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 19 décembre 1999

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