Actrice célèbre, Arkadina forme avec Trigorine, auteur non moins célèbre, un couple people, atteint par l’usure. Son fils, Treplev, rêve d’écrire pour le théâtre, et pour la fille qu’il aime, Nina. Elle va cependant le quitter pour Trigorine, sans pour autant parvenir à se faire une place, ni à ses côtés, ni dans le métier. Telle est la base de cette Mouette, adaptée et mise en scène par Mikaël Serre qui, jusqu’à présent, a monté des auteurs de son temps Mayenburg, Kroetz notamment). Cette fois, s’il aborde Tchekhov, c’est pour raconter les rapports de force, de pouvoir entre metteurs en scène, acteurs, producteurs, auteurs, aujourd’hui.
« Il m’est arrivé de travailler en Russie, dans les années 90, et en lisant Tchekhov, j’avais peine à imaginer dans quel monde il avait vécu et travaillé, tellement tout a changé, dans la dureté. Pas seulement en Russie, et moi, je travaille pour des spectateurs et avec des acteurs qui vivent le présent. Les conflits de générations demeurent tout aussi perturbants, plus difficiles peut-être encore à régler, dans la mesure où les aînés viennent de l’après 68, une époque de désinvolture libérée. Disons que Trigorine se conduit en mufle, mais avec un côté décontracté rock and roll…
Arkadina et lui appartiennent à la génération des années 70, un temps où croire à la possibilité de créer un monde meilleur était encore possible, ça ne l’est plus. Et le théâtre ne peut plus prêcher la bonne parole humaniste, puisque son fonctionnement se révèle aussi brutal que dans les milieux d’argent. Je ne pouvais pas voir dans cette pièce, des personnages mélancoliques. Ce sont des êtres de combat capables de souffrir, et qui alors laissent aller leur colère, et en effet se battent. La vraie douleur, réelle, est difficile à exprimer, à faire partager, à rendre sensible. La colère est davantage lisible. Elle se transmet par explosion. Finalement, entre bouffonnerie et violence, entre douleur et cynisme, nous vivons un monde très shakespearien. » Mikaël Serre
Certes, Mikaël Serre ne fait pas de cadeau à ses personnages. Il les entraîne dans un maelström de passions, de rage, de rires, avec des trouées de tendresse. Et leur façon d’être, de vivre, Tchekhov, sans aucun doute, ne la renierait pas.
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil