Qui était Jean-Marie Cesari ? De lui, il ne reste pas grand-chose. Liora Jaccottet et Pascal Cesari s’attachent à celles et ceux que l’Histoire ne retient pas. Sur les traces de ce grand-oncle solitaire, cinéphile et sans enfant, il·elles tentent de combler les manques de son histoire. Était-il homosexuel ? Est-il mort du sida ? À défaut de preuves, la fiction prend le relais.
Qui était Jean-Marie Cesari ? De lui, il ne reste pas grand-chose. Une photo de famille en noir et blanc écornée par le temps, quelques souvenirs de ses proches. Pas de quoi éclairer son mystère mais suffisamment pour l’attiser.
Liora Jaccottet et Pascal Cesari s’attachent au quotidien, aux invisibles, à celles et ceux que l’Histoire ne retient pas. Parti·es en Corse sur les traces de ce grand-oncle solitaire, cinéphile et sans enfant, décédé depuis longtemps, il·elles tentent de combler les manques de son histoire mais la vérité se dérobe au fur et à mesure de leur enquête. Était-il homosexuel ? Est-il mort du sida ? Pourquoi est-il resté seul, à une période et dans une Corse rurale où un homme se devait de fonder une famille ? Et surtout, comment raconter son histoire – celle-là même que nous avons peut-être inventée de toute pièce – sans lui être infidèle ?
À défaut de preuves, la fiction prend le relais. Les personnes interrogées deviennent personnages, campés avec malice par un comédien qui se transforme au gré du récit dont il devient le projectionniste bricoleur. En s’appuyant sur les artifices du cinéma, il éclaire, dans un mélange d’artisanat et de délicatesse, secrets de famille et fantasmes pour composer les multiples facettes de ce portrait réinventé.
Ce projet est né d’une photographie encadrée, parmi d’autres, sur la commode d’une maison de famille. Une photo des années 60 agrandie montrant le père de Pascal enfant, sur les genoux de son oncle, mort près de quinze ans avant la naissance de Pascal.
Ces images sont entourées d’une aura de mystère, de non-dits. On ne parle jamais de cet oncle dans la famille. Il n’a pas eu d’enfants, il n’a pas été marié, il a vécu une vie simple, sans événements, dans un milieu rural et isolé où un homme se devait de fonder une famille. Il vivait chez sa mère, est mort sans faire de vagues. C’était, comme disent les témoins, un homme bon, sans histoires.
Est venue alors la volonté de combler les manques d’un récit où semble planer un secret. À partir de bribes d’une vie, de lacunes, des quelques souvenirs flous et subjectifs de celles et ceux qui l’ont connu, de photographies, actes d’état civils, dossiers médicaux, nous voulions reconstituer sa vie, à la manière d’enquêteurs partant sur les traces d’un homme presque anonyme, retrouver des images qui datent de « la nuit des temps », assembler les pièces d’une vie parallèle ou rêvée. [...]
Les souvenirs sont forcément lacunaires, et la nécessité et l’art d’y remédier relevaient selon nous de l’acte théâtral. D’abord parce que cela nous plaçait dans le rôle actif du détective : interrogeant, s’emparant de données pour construire des faits. Ensuite, parce que cela venait questionner ce rapport si particulier à la vérité que permet le théâtre – si nous brandissons sur scène l’accordéon supposé de Jean- Marie, ne sera-t-il pas perçu comme étant le sien ?
Toutefois, si le théâtre nous autorise à mentir, nous avions affaire ici à une personne réelle. Nous ne pouvions pas réécrire impunément son passé. Notre obstination pouvait tenir de l’acharnement. Était-il si important, au fond, de trouver une réponse ? N’y avait-il pas, dans cette force d’auto-persuasion que nous avions, le véritable sujet du spectacle ? Comment rendre au plateau ce qui n’était pas une recherche de la vérité, mais plutôt un tâtonnement ?
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