Présentation
Mémoires nomades
Le Théâtre-laboratoire Sfumato
Le lieu où se joue un rituel spirituel
La presse
La Toison Noire est une évocation poétique de la tribu nomade des Karakatchanes : des bergers de haute montagne qui conduisaient depuis des siècles leurs troupeaux de brebis noires entre la mer Egée et les montagnes des Balkans. La Bulgarie communiste des années 60 leur donne lordre de se sédentariser au nom des vertus dune société stable. Une manière de contredire tout un passé, de déformer une identité. Le spectacle du Sfumato, par la parole, le chant, la chorégraphie, plonge dans lunivers de lhomme primitif et rend au théâtre sa valeur de rituel spirituel.
Le Théâtre-laboratoire Sfumato travaille à Sofia... “Sfumato”, qu’est ce que ça veut dire ? Le mot vient de Léonard de Vinci et désigne le passage du clair à l’obscur ou, inversement, de la nuit vers le jour. . . Derrière ce credo se dissimulait dans les années quatre-vingt une volonté de résistance... Aujourd’hui, exaspérés par l’imitation des formes occidentales que pratiquent tant d’artistes de l’ancien Est, Margarita Mladenova et Ivan Dobtchev retrouvent la forte et tragique histoire d’une peuplade nomade, les Karakatchanes : des bergers de haute montagne qui conduisaient depuis des siècles leurs troupeaux de brebis noires entre la mer Égée et les montagnes des Balkans. La Bulgarie communiste des années soixante leur donne l’ordre de se sédentariser au nom des vertus d’une société stable, fondée sur les valeurs de la maison et de la propriété terrienne. Une manière de contredire tout un passé, de déformer une identité, de sacrifier un atypisme... Le spectacle du Sfumato plonge dans “l’univers de l’homme primitif ” et rend au théâtre sa valeur de “rituel spirituel”. Sur scène, la contradiction éclate entre un film de propagande qui annonce les bienfaits de la mutation décidée par le pouvoir et l’atemporalité de silhouettes vêtues de noir, aux gestes économes et aux visages sculpturaux. La nostalgie de cet univers traverse La Toison noire, qui, comme d’autres spectacles de l’Est, aujourd’hui éclaté, cherche par la parole , le chant, la chorégraphie, à ressusciter un monde primordial, essentiel.
Georges Banu
Leonardo da Vinci opposait le trait clair du dessin au sfumato de la peinture. Les fonds perdus dans les brumes, l’indistinct,
créent un certain mystère : Sfumato, le nom de notre troupe, reflète notre stratégie poétique.
*Le nom de Karakatchane signifie littéralement réfugié, noir, nomade : c’est ainsi que les sédentaires nommaient ces gens
vêtus de noir qui, deux fois par an, passaient avec leurs énormes troupeaux, leurs chevaux noirs… et leurs enfants, leurs mythes,
leurs morts. " On naissait en route, on mourait en route ", disent les derniers représentants.
Notre spectacle parle de cet autre mode de vie, une vie sans frontières dans un mouvement éternel pour fuir l’hiver-mort et
rejoindre l’été… de la lutte perpétuelle contre les éléments, les difficultés, les dangers, les malheurs… soit d’une autre relation
avec la nature. Il évoque aussi la vie de la communauté… les lois qui la régissent, sous le regard d’un Dieu impitoyable… une
vie entre débrouillardise et responsabilité. Voici leurs coutumes et leurs mythes : l’art de produire le fromage, de couper la toison noire, de tisser la magnifique robe de
la jeune mariée… Légendes, rites, croyances, chants gutturaux se transmettent oralement de génération en génération. Voici
une vie simple, forte, qu’avec dignité, ascétisme et résignation ce peuple a préservée et défendue jusqu’à notre XXe siècle …
jusqu’à ce que le “cheval de fer ” de la civilisation l’emporte avec lui.
Le contact avec les Karakatchanes s’apparente à un voyage spirituel… La nuée sombre de ces hommes nomades, leur mentalité
impénétrable aux sédentaires fascinent… Leur vie tout entière semble un dialogue avec l’au-delà. Ils paraissent venir
du néant pour y retourner… Et le théâtre est ce lieu qui conserve la mémoire et transmet les
valeurs de leur culture oubliée.
Margarita Mladenova et Ivan Dobtchev
Ivan Dobtchev et Margarita Mladenova créent en 1988 le Th é â t r e-l a boratoire Sfumato, le seul atel i er de rech er che théâtrale
de Bulgarie. Ce n’est qu’en 19 97 que l’Etat bulgare leu r attribue un lieu. Ils l’équipent grâce à l’aide d’une trentaine de
t h é â t r es français. A ce jour, le Sfumato a créé vingt spectacles ,
regroupés en cycles. Ainsi, ils travaillent sur Tchekhov à partir de 1989 et met tent en scène La
Mouette, puis Les Trois Soeurs, Oncle Vania et enfin
La Cerisaie, projet franco-bulgare. Ils entament ensuite un nouveau cycle autour de la tragédie grecque :
Antigone la Mortelle et Tirésias l’Aveugle. Leur dernier cycle porte sur la spiritualité de l’homme des Balkans :
Apocryphe et
La Toison noire. En octobre 2001, ils créent à Sarajevo Nomina Triviali a. Le Sfumato mène par ailleurs de nombreux ateliers
internationaux. Spefctacles présentés en France :
1991 - Témoignages de la lumière au temps de la peste, Centre Beaubourg, dans le cadre du Festival d’Automne
1991 - P. S. d’après Tchekhov, Centre Beaubourg, dans le cadre du Festival d’Automne
1996 - Oncle Vania et Les Trois Sœurs de Tchekhov, festival Passages, Nancy
1996 - La Cerisaie de Tchekhov, Festival d’Avignon, Théâtre de la Cité Internationale (création avec des acteurs français)
1997 - Les Noces de sang, atelier au Conservatoire national supérieur d’art dramatique
1997 - Apocryphe, festival Passages, Nancy 1998 - Le Petit Pouchkine, Mâcon
Le spectacle La Toison noire a été créé à Sofia en février 2000.
Tournée internationale : Hebbel Theater (Berlin), Festival d’Avignon, Mittel Fest (Cividal e, Italie), San Marino Stage
Festival, MESS - Sarajevo, festival Migrations du Piccolo Teatro di Milano.
2001 : Festival international des Petites Formes (Rijeka, Croatie), festival des Arts du Printemps (Shizuoka,
Japon), festival EXPONTO (Ljubljana, Slovénie).
Décembre 2001 : Festival de Noël (Novossibirsk, Russie). Le spectacle a reçu plusieurs prix internationaux.
Le théâtre représente pour nous une autre forme de vie plus concentrée, plus pure et plus élevée… C’est une vie bouillonnante …
Théâtre-laboratoire : l’accent dans le travail du Sfumato est mis sur le processus même de création ; les acteurs ne présentent pas le résultat figé d’un travail. C’est “ici et maintenant”, dans le temps et dans l’espace de la situation scénique, que quelque chose se passe entre les êtres humains et le spectateur en est le complice sensible. Le théâtre n’est pas le lieu de la rencontre, c’est la rencontre elle-même … Le but de notre travail est la création d’un milieu spirituel où l’homme devient capable d’aller à la rencontre de soi-même et d ’autrui …
Le théâtre représente une forme d’opposition civilisée. Rien de plus mort qu’un théâtre qui dit à ses spectateurs ce qu’ils sa vent déjà… Rien de plus pitoyable qu’un théâtre qui chante les louanges de ceux qui détiennent le pouvoir… Rien de plus misérable qu’un théâtre qui, afin de survivre, satisfait les bas instincts du spectateur qui s’ennuie …
Nous faisons du théâtre pour faire vivre quelque chose de différent qui va au-delà de la réalité.
Margarita Mladenova et Ivan Dobtchev
Margarita Mladenova et Ivan Dobtchev : Nous avons créé le Théâtre-laboratoire Sfumato en 1989 pour proposer une alternative au théâtre conventionnel. Depuis dix ans maintenant , nous travaillons pour résister à la conception du théâtre-marchandise… Nous sommes et voulons rester les seuls créateurs de nos idées. Le travail du Laboratoire s’est trouvé en plus grande sécurité depuis qu’il a changé de statut pour devenir en 1995 un théâtre d’Etat.
Alternatives théâtrales : Comment se sont noués vos rapports avec les programmateurs occidentaux ?
Margarita Mladenova et Ivan Dobtche v. : Si nous avons pu tisser un réseau international c’est grâce au soutien et à l’intérêt que
nous avons reçu de l’Ouest… En 19 91, des Français sont venus à Sofia et ont invité deux de nos spectacles
Témoignages de la
lumière au temps de la peste et P. S. à participer au Festival d ’Automne. Cette invitation s’est faite notamment grâce au
soutien chaleureux que le critique Jean-Pierre Thibaudat nous a immédiatement apporté. En 1995, Bernard Faivre d’Arcier ,
Nele Hertling et Charles Tordjman entre autres, se sont rendus
en Bulgarie pour assister à une représentation d’Oncle Vania, mis en scène par Ivan Dobtchev et aux
Trois Soeurs mis en scène
par Margarita Mladenova. A la suite de leur venue, nous avons été invités au Festival “Passages” de Nancy. Nous avons également effectué une série de sept ateliers sur Tchekhov et
Pouchkine qui ont abouti à deux spectacles : La Cerisaie qui a été créé au Festival d’Avignon en 1996 et présenté au Théâtre
de la Cité inter nationale, et Le Petit Pouchkine créé à Mâcon en 1997 ; puis encore un stage au Conservatoire national d’art dramatique
de Paris qui eut pour résultat le spectacle Noces de sang d’après Lorca ; et enfin un atelier à Madrid sur Tchekhov .
Quant au projet La Toison noire, il a été élaboré dans le cadre de theorem et réalisé en coproduction avec le Hebbel Theater à
Berlin et le Festival d’été de Hambourg. (…)
Alternatives théâtrales : Vous dites que si Sfumato s’intéresse aux racines des peuples, c’est par “utopie du futur”. Pourriez-vous
définir plus précisément cette expression ?
Margarita Mladenova et Ivan Dobtchev : Notre intérêt pour les i m a g es constitutives du comportement spirituel de l’homme es t
lié à notre philosophie du théâtre conçu comme un espace éclairé où se joue un rituel spirituel. Nous nous sommes toujours
intéressés à l’élan vertical de l’homme qui cherche à pénétrer le mystère de l’existence et à trouver sa place. Nos recherches sur
l’homme primitif nous ont montré à quel point son imagination était forte, et saisissante sa capacité à développer des explications
dans le langage des images et des mythes. Nous avons été saisis par la haute qualité artistique de sa culture qui est fortement menacée par notre monde contemporain. Notre civilisation
se doit d’entasser, de préserver et de transmettre des v a l eu r s. Sans elles, notre civilisation n’a pas de futur, sans elles ,
l’homme retournera dans ses grottes, en proie à ses instincts. Nous avons utilisé le mot “u topie” avec ironie, pour dénoncer
la barbarie de notre époque qui malgré ses progrès techniques a détruit des cultures et des ethnies, a effacé des mémoires les
acquis du Siècle des lumières et la foi en la raison éveillée.
Après avoir jeté par dessus bord ce bagage précieux, que pourra transmettre l’homme moderne aux générations à venir ?
A l t er n a t i v es théâtrales n° 64, L’Est désorienté, espoirs et contradictions
De laine et de haine
Margarita Mladenova et Ivan Dobchev, maîtres d'œuvre du Sfumato, seule scène créative d’une Bulgarie sinistrée par les lois du marché et dont Avignon avait accueilli en 1996 une mémorable Cerisaie, font encore preuve ici d’une belle maîtrise scénique.
Pour montrer le sens et les méandres de l’Histoire, le Sfumato marie chorégraphie, arts plastiques et superposition d’éléments filmiques puisés dans les archives de la Bulgarie communiste. Sur fond de fracas ferroviaire, défilent les images types d'un siècle de fer : beauté de l’industrialisation, chantiers géants en fourmilières humaines, défilés de propagande et départs incessants de trains de soldats promis à un avenir radieux.
En mettant en forme les traces d'une mémoire en voie de disparition, puisque non écrite, le Sfumato verse son écot à un “ devoir de mémoire ”
balkanique. Alain Dreyfus - Libération
Les Bulgares du Sfumato à la poursuite de la Toison noire
Les images sont fortes. Le mouvement des corps confondant. Les paroles sont rares, semblables à un poème ponctué de chants gutturaux venus du plus profond des âges... Un charme puissant agit sur fond de recherche d’un âge disparu, dans une atmosphère étrange où se rencontrent paganisme et christianisme, tragédie contemporaine et légendes mythiques. Le sacré est de rigueur. Le mystère tout autant, confondant en un même ensemble les jeux de la musique, des lumières, des sons, des acteurs...
Ce pourrait n’être que beau, benoîtement nostalgique, avec ce rien de poésie qui bouleverse. C’est bien plus que cela parce que l’on y retrouve, dans la complexité et l’audace même de la mise en scène, jusque dans la construction du spectacle, cette quête de lois, de valeurs, d’une identité nouvelle liées aux vérités des anciens temps propres à tous les spectacles de Mladenova et Dobtchev qui ont signé, ici, le texte et le scénario. Didier Méreuze - La Croix
Les voix bulgares sont chez elles - « La Toison noire », l’histoire de la fin d’un monde, le passage du récit au mythe
La Toison noire appartient à l’histoire d’un peuple de pasteurs nomades, les Karakatchanes (les “ réfugiés noirs ”). Durant des siècles, ils ont guidé les migrations de leurs brebis (noires) entre Grèce et Bulgarie. Fermement sédentarisés dans les années 50, ils ont aujourd’hui pratiquement disparu.
Margarita Mladenova et Ivan Dobchev les rétablissent à partir de documents, de témoignages, de faits imparables. Cette histoire de fin de monde porte au passage du récit au mythe. La Toison noire se donne toutes libertés pour circuler de l’un à 1’autre. Y compris en imaginant ce que pourrait être un ethno-théâtre. À condition que l’exactitude poétique de ses images triomphe.
(…) Chaque geste ouvre un paradis sur terre. Chaque mot chante la splendeur obscure des Balkans. Les voix bulgares sont chez elles.
Jean-Louis Perrier - Le Monde
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.