La chair et l'algorithme

Paris 18e
du 19 avril au 23 juin 2016
1h15

La chair et l'algorithme

Le téléphone a changé la vie des humains, mais le téléphone portable fait beaucoup plus, il contribue à changer l’humain. Jeanne passe sa vie au portable, toute sa vie, son travail, sa santé, sa famille, ses amis, ses amours... A chaque application, la technologie s’accélère ! Et quand la mort arrive, la vie continue tout de même. Toute la mémoire est là, dans l’appareil. Il ne reste qu’à Fabriquer le corps qui va avec... Une comédie actuelle, cinglante et cinglée.

Il était une voix, la voix de Jeanne...

Le téléphone a changé la vie des humains, mais le téléphone portable fait beaucoup plus, il contribue à changer l’humain. Jeanne passe sa vie au portable, toute sa vie, son travail, sa santé, sa famille, ses amis, ses amours... A chaque application, la technologie s’accélère ! Et quand la mort arrive, la vie continue tout de même. Toute la mémoire est là, dans l’appareil. Il ne reste qu’à Fabriquer le corps qui va avec...

Une comédie actuelle, cinglante et cinglée.

  • Ouvrir la scène à l’avenir

J’ai rencontré Elisabeth Bouchaud sous le signe de la lumière et de la tragédie pour sa Médée version apatride jouée à Paris récemment. Nous avons vite songé à prolonger notre collaboration par la création d’un texte nouveau. Et c’est naturellement que j’ai pensé à Jean-Louis Bauer pour écrire une comédie contemporaine conforme au projet « scène des arts et des sciences » et dans la ligne de nos précédents spectacles qui interrogeaient le devenir humain. Ainsi naquit le personnage de Jeanne de La Chair et l’algorithme.

Accro au portable, dotée d’une ubiquité active, Jeanne est femme, battante, mère, journaliste, voyageuse, amoureuse. Elle aime le rock métal, le whiskey, les bonnes copines, son geek de frère qui lui fournit ses doses d’applis, son fils Victor... Elle aime surtout capter le bruissement du monde avec micro et caméra. Car Jeanne est femme d’aujourd’hui et femme de demain puisque nous la suivons jusqu’en 2030, année fatidique. Mais Jeanne est aussi « petite-fille », et pas n’importe laquelle. Elle vénère sa vieille « mamie » dont la maison en Forêt-Noire fût naguère détruite par les nazis. Ainsi, Jeanne ne surgit-elle pas de nulle part même si elle vit au rythme fantasque et fantastique de la révolution numérique… Une comédie certes, mais une comédie avec un centre de gravité.

Ainsi le spectacle débute par un clin d’oeil au vieil Oedipe arrivant à Colone : « Nous sommes arrivés. Au pays de quels Hommes ? ». Jeanne joue à colin-maillard, la vie commence par un coup de fil et c’est un jeu d’amour et de hasard. Au bout du fil, le temps trame la joie et la souffrance. Sophocle - stratège et dramaturge - s’étonnerait certainement peu de la persistance du drame humain ou de la violence aigüe des hommes, mais peut-être serait-il « ébloui » par notre monde tel qu’il va ? Imaginons-le un temps déconcerté par ces nouveaux vocables : Google, Twitter, Cloud, Big Data ou Iphone. Quel serait son sentiment devant la naissance de la loi numérique (droit à l’oubli, portabilité des données, mort numérique) ou l’avènement de l’intelligence artificielle ? Le poète tragique comprendrait assez vite que « quelque chose » a changé. Les algorithmes ont fait irruption dans la vie des êtres parlants. Sans crier gare. Désormais à partir du flux perpétuel qui irrigue le Net, quelque chose s’organise, en partie sans nous, en partie loin de nous. Mais à partir de nous. D’où cette sensation diffuse mais partagée que le monde est éclaté ! Et dans le même temps, et c’est mon postulat, que le monde est… éclatant.

La Chair et l’algorithme est une création, un moment de plaisir n’excluant pas la réflexion, une façon d’ouvrir la scène à l’avenir. C’est aussi un spectacle « pop » tant la couleur, la géométrie, les images et les sons dessinent le portrait à vif de cette femme irradiante, radieuse qui n’aura de cesse de faire chatoyer l’étoffe de sa vie. Jusqu’au bout du fil.

Antoine Campo

  • Une comédie futuriste, sur l’intelligence artificielle

A l’heure où l’on invente le cadran téléphonique, Jean Cocteau écrit La voix humaine. A l’heure des smartphones et des applications, il fallait essayer d’aller plus loin : La chair et l’algorithme. C’est une comédie futuriste, sur l’intelligence artificielle ; elle nous attire comme le joueur de flûte, et l’on ne sait pas encore où elle nous mène. La science fiction, c’est déjà aujourd’hui. Les techniques bougent vite, tellement plus vite que l’homme... L’homme, son vocabulaire, sa syntaxe, évoluent depuis des millénaires ; la technologie tellement rapidement depuis quelques années ; le théâtre est un dispositif idéal pour expérimenter l’avenir... Le théâtre, domaine du corps et de la langue, où l’on peut mettre en situation des personnages et voir comment ils réagissent. Le théâtre, comme un laboratoire. C’est une pièce pour une comédienne mais quinze personnages ; une comédienne sur scène avec son portable, les autres personnages sont présents par les sms, les messages audio, et sont les interlocuteurs...

Jeanne vit toute sa vie au portable, son travail, ses amours, sa famille... Grâce aux objets connectés, elle gère le présent sans être présente. Grâce aux applis, elle se démultiplie...Quel bonheur ! Jeanne passe sa vie au téléphone ; toute sa vie. Elle y travaille, elle y trouve l’amour, elle élève ses enfants à distance ; grâce aux applications, elle se démultiplie, se simplifie l'existence ; mais elle ignore que les applications, petit à petit la mangent et la remplacent. Et la jugent si peu performante qu’elles finiront par se passer d'elle.... Mais au jour de sa mort, Jeanne ne meurt pas, car les applications ont pris sa place. Il y a un peu de La voix humaine, de Jean Cocteau, et pourtant, notre Jeanne, n’est plus tout à fait « humaine ». Il y a tant et tant d’applications dans un smartphone.

Comment sera l’avenir ? Malin qui le sait. Mais le théâtre reste un dispositif si simple, où l’on peut y essayer les nouveaux comportements humains ; car si le monde va vite, si l’histoire s’accélère comme on dit, si les technologies explosent, le corps humain reste grosso modo le même ; l’humain change moins vite que le monde ; et le corps d'un acteur reste le même, un peu archaïque, et combien poétique, maître des émotions, du rire et des larmes.

Avec Antoine Campo, nous avons abouti déjà 5 spectacles ; la Mise au monstre d’un nouveau monde, la Dynastie des malpropres, la Voix inhumaine, La Diva d’Auschwitz, La Novice et la Vertu ; aujourd’hui La Chair et l’Algorithme est notre sixième collaboration et tentative d’inviter sur scène un monde à venir.

Jean Louis Bauer

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Spectacle terminé depuis le jeudi 23 juin 2016

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