Les derniers mots d’amour d'une mère à son fils
Contexte historique
Notes du metteur en scène
Sincérité et dépouillement de la mise en scène
Presse
Ukraine, été 1941. Anna Seminiovna se retrouve expulsée dans un ghetto avec les autres juifs de Berditchev. À travers une dernière lettre, elle délivre ses pensées les plus intimes et peint les différents visages de l’Homme en situation de crise. Acte d’amour d’une mère à son fils pour combler peut-être les manques d’informations qui subsisteront après sa mort.
« J’ai pu voir ici que l’espoir n’est presque jamais lié à la raison, il est insensé, il est, je pense, engendré par l’instinct. »
Ce texte qui perturbe nos consciences nous interroge sur notre époque actuelle. Les Hommes sont-ils si différents ?
Traduction : Alexis Berelowitch
Par la compagnie Têtes D'Ampoule.
Le 22 juin 1941, Hitler rompt le pacte de non-agression signé avec l’URSS et lance une offensive sur le territoire soviétique. En quelques mois, l’armée allemande envahit l’Ukraine, la Crimée, parvient aux portes de Leningrad et est stoppée à 20 km de Moscou.
Les nazis entrent à Berditchev le 7 juillet 1941. Le 26 août, les Allemands enferment les juifs dans un ghetto. Le 4 septembre, 1500 jeunes gens sont envoyés à des « travaux agricoles » et tués le jour même.
Le 15 septembre 1941 tous les juifs du ghetto sont réveillés et regroupés sur la place du Bazar. Puis ils sont emmenés en colonnes dans un champ près de l’aérodrome. Les nazis les assassinent par groupes de 40 personnes au bord d’immenses fosses. Ce jour-là, 12 000 juifs sont exterminés à Berditchev, les autres sont tués dans les mois qui suivent.
Depuis que j’ai décidé de monter « La Dernière Lettre » de Vassili Grossman, extraite de « Vie et destin », je me suis exposée à de vives réactions de la part de ceux que je croise.
Oui, je suis jeune. Non, je ne suis pas juive. Oui je suis concernée.
Qu’y a-t-il de perturbant dans le fait que je sois heurtée, choquée, abasourdie, écœurée par la cruauté humaine ? Qu’y a-t-il d’étrange dans mon intention de dire au Théâtre : « Écoutez cette femme qui écrit à son fils du fond d’un ghetto. Cette femme digne, généreuse, humble et dépouillée, cette femme qui pourrait nous ressembler, c’est le nazisme qui l’a tuée comme des millions d’autres juifs, résistants, homosexuels, tziganes... Le nazisme, le fascisme, l’antisémitisme, le racisme, le totalitarisme, le communisme, c’est l’Homme, c’est vous, c’est moi, c’est nous ! » La responsabilité est de chaque instant, dans chaque silence, à chaque ignorance.
Il me semble que la parole est difficile à prendre pour ceux qui ont vécu de près ou de loin l’horreur nazie. Et je suis très impressionnée par les témoins qui brisent le silence, et délient leur langue. Le Savoir ne rend-t-il pas libre ? Cette liberté n’est-elle pas essentielle pour ne pas répéter l’Histoire ?
Et si moi, Nathalie Colladon, à 25 ans, avec toute ma maladresse, avec tous mes manques, je montais une pièce de cette envergure. Et si le temps d’un texte nous étions unis. Et si nous entendions les mots. Et si nous nous laissions porter. Et si nous arrêtions de juger. Et si nous nous regardions nous-mêmes.
Et si, ensuite, nous étions plus humains…
Tel un funambule, la direction de jeu marche sur le fil de la justesse. Entre la mort et la vie, l’incompréhension et l’espoir, la complexité et l’humilité, les larmes et la dignité… Comment jouer toute la gamme sans fausse note ? Comment ne pas tomber dans le mélodrame d’un côté, ni dans une distanciation effrayante de l’autre ? Comment être juste ? Qu’à voulu dire Vassili Grossman ?
L’intention de mise en scène est celle de la sobriété, celle du dépouillement… Elle tend à épurer plus qu’à rajouter.
Elle cherche à rester fidèle à l’auteur qui a certainement écrit cette lettre pour lui-même, comme si elle venait de sa propre mère. Ainsi, la lettre est lue par celle qui l’écrit et non par le destinataire ni par un inconnu. La pièce « met en vie » les derniers instants de la mère.
Après un travail précis sur le texte, à chaque mot son intention, la mise en scène s’est créée autour d’un mur en planches de bois. Il forme un angle qui, selon l’éclairage, suggère différents lieux et différents sentiments : l’intérieur d’une maison, l’extérieur du ghetto, l’enfermement, la protection…
"Une interprétation sobre, digne et pudique de Christine Melcer qui fait entendre la bouleversante lettre d’une mère juive à son fils aimé, extraite du chef-d’œuvre de Vassili Grossman (… ) Nathalie Colladon de la compagnie Têtes d’Ampoule signe ici une mise en scène remarquable de dignité et simplicité, trouvant le ton juste entre incarnation et distanciation, évitant à la fois les pièges d’un trop plein d’émotion et de douleur et ceux d’une adresse appuyée ou lointaine." Journal La Terrasse, Agnès Santi, Février 2010
"Un débat donc, à l’issue duquel il serait bon de transporter les participants au Théâtre de l’épée de bois de la Cartoucherie de Vincennes pour y assister, une petite heure durant, à la représentation de La dernière lettre dans la mise en scène de Nathalie Colladon, qui a relevé le défi de faire oublier la puissante prestation de Catherine Samie il y a cinq ans. Le monologue est extrait de l’inoubliable roman de Vassili Grossman Vie et destin. Prise au piège dans un ghetto d’Ukraine à l’été1941, une femme, interprétée par Christine Melcer avec une empathie que l’on dirait naturelle, perçoit du dehors la rumeur allemande. Bruits de bottes, hurlements, coups, cris. En attendant la mort annoncée, elle s’adresse à son fils pour la dernière fois. Pas de pathos mais un espoir insensé gouverné par l’instinct. Parfois, ce qui reste de la guerre, c’est la survie littéraire." Le Monde Des Livres, Pierre Assouline, 22/01/2010
"Un grand bravo à Nathalie Colladon, initiatrice de ce projet ambitieux et metteur en scène, qui a su restituer une atmosphère intimiste sous tension avec comme unique décor un mur de planches de bois. La comédienne Christine Melcer, a pu, sans pathos, transcrire une palette de sentiments qui passent par l’espoir, l’incompréhension, l’abattement, les larmes et le courage. Ne manquez pas cette pièce essentielle qui bénéficie du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah." Actualité Juive, Michèle Lévy-Taïeb, 21/01/2010
"Pendant plus d’une heure, la salle est suspendue à ses lèvres, entrant en empathie avec le sens à la fois simple et essentiel de chaque mot écrit par Grossman. Avec une grande sensibilité et une attention toute particulière à l’universalité du message, Nathalie Colladon met en scène sa bouleversante comédienne. Son engagement artistique est aussi politique : ”Oui, je suis jeune, Non, je ne suis pas juive. Oui, je suis concernée”. Et touche juste, puisque le public a déjà plébiscité ce spectacle lorsqu’il a été représenté une dizaine de fois à l’épée de bois en juin dernier. A vous d’aller découvrir ce monologue à la fois superbe et terrible et qui nous concerne tous, quel que soit l’âge ou l’appartenance identitaire." La Boite à Sorties, Yael Hirsch, 13/01/2010
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking : Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.