"Il y avait une espèce de rancoeur, de rage : pourquoi c’était à moi d’y aller ? Pourquoi cette malchance ? Mais j’ai assumé, je n’ai pas craqué et j’en ai tiré une satisfaction."
La guerre qui opposa l’Allemagne nazie à l’Union soviétique débuta le 22 juin 1941, quand l’Allemagne viola la frontière et envahit l’Union soviétique. Elle s’acheva le 8 mai 1945, quand les forces armées
allemandes capitulèrent, après la bataille de Berlin.
Svetlana Alexievitch réunit des témoignages de femmes engagées volontaires dans l’Armée Rouge, alors qu’elles avaient entre 16 et 25 ans. Ce sont des femmes âgées qu’elle écoutera plus de quarante ans après. Ces femmes racontent "leur guerre" avec une infinie douceur.
"La guerre, c‘est avant tout du meurtre, ensuite c'est un labeur harassant. Puis, en dernier lieu, c‘est tout simplement la vie ordinaire : on chantait, on tombait amoureuse, on se mettait des bigoudis…"
"J’écris un livre sur la guerre… Moi, qui n’ai jamais aimé lire des livres de guerre, bien qu’en mon enfance et mon adolescence ce fût la lecture préférée de tous. La guerre était constamment évoquée : à l’école et à la maison, aux mariages et aux baptêmes, aux fêtes et aux enterrements. La guerre, même après la guerre, était restée la demeure de nos âmes.
Tout ce que nous savons, cependant, de la guerre, nous a été conté par des hommes. Nous sommes prisonniers d’images "masculines" et de sensations "masculines" de la guerre. De mots "masculins". Les femmes se réfugient toujours dans le silence, et si d’aventure elles se décident à parler, elles racontent non pas leur guerre, mais celle des autres. Elles adoptent un langage qui n’est pas le leur. Se conforment à l’immuable modèle masculin. Et ce n’est que dans l’intimité de leur maison ou bien entourées d’anciennes camarades du front, qu’après avoir essuyé quelques larmes elles évoquent devant vous une guerre à vous faire défaillir le coeur. Votre âme devient silencieuse et attentive : il ne s’agit plus d’événements lointains et passés, mais d’une science et d’une compréhension de l’être humain dont on a toujours besoin." (Extrait du journal de l’auteur)
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