Une comédie
Extrait
Mais qui est la Mouette ?
La compagnie Tada
Une comédienne d’un âge déclinant se rend pour les vacances à sa propriété où l’attend un fils conçu entre deux portes, épris d’une jeune fille prête à se jeter dans le lit du premier homme à même de lui ouvrir le chemin du théâtre. Un écrivain de quatre sous s’empresse de la séduire, sans pour autant quitter la femme qui vraisemblablement l’entretient. Autour d’eux s’agitent quelques zigotos d’une même trempe, médiocres, passablement mesquins, soûlards à leurs heures, vantards et désoeuvrés.
Il y a mort d’homme, sans doute, mais ce n’est pas plus grave que ce qui nous arrive tous les jours, et c’est tout aussi drôle. Elles nous font toujours rire, les souris qui, dans un bocal, n’arrivent pas à escalader les parois en verre.
Plus tard, elle m’a écrit ici. Des lettres intelligentes, touchantes, intéressantes. Elle ne se plaignait pas mais je comprenais qu’elle devait être très malheureuse, tendue, à la limite de la folie. Elle signait « La Mouette ».
Le théâtre a le privilège de les démystifier, puisque l’espace réel et l’espace mental peuvent coexister. Nina joue sa dernière scène avec Treplev en essayant de toucher un Trigorine absent. Le théâtre met devant nos yeux cette déchirure. Qui fait de nous les prisonniers à vie du passé affectif.
Il y a dans la mise en scène un parfum émouvant. Les vieilles peluches que vous avez tant aimées et dont, pour les avoir trop tripotées, vous avez crevé le ventre d’où se déverse le rembourrage, vous émeuvent toujours lorsque vous les retrouvez au grenier.
Parce qu’en fait, cette fameuse mouette, qui est-ce ? L’oiseau mort que Treplev dépose aux pieds de Nina ? Celle-ci, qui n’arrête pas de nous dire qu’elle est une mouette ? Treplev lui-même, puisque c’est le seul qui meurt pour de bon ? Ou bien tout cela à la fois, c’est à dire cette partie de nous-mêmes que nous tuons à regret pour pouvoir vivre la vie minable des hommes ? La Mouette, c’est la robe de mariée jaunie et abîmée que l’on sort du coffre et qui sent si bon la lavande.
Virgil Tanase
Ayant porté le flambeau du théâtre français de Dakar (où il fut présent avec Salve Regina) à Perm, à l'extrême est de la Russie européenne (avec quatre de ses productions dans le cadre d'une tournée du Théâtre des nations), et d'Athènes à Varsovie (invitée pour les "Journées de la Francophonie"), la compagnie Tada se recommande surtout par des spectacles qui, en France ont largement dépassé les 300 représentations. Pour la bonne et simple raison que sa volonté d'offrir des textes de qualité dans un langage théâtral populaire.
Ses expériences artistiques se font dans les répétitions. Ses recherches vont vers la compréhension en profondeur des personnages. Puis, trouver les moyens les plus efficaces de les faire exister pour le spectateur. Grâce au comédien. Dans la simplicité, comme le voulait Tchekov lui-même : " Lorsque pour un effet déterminé on met en jeu le minimum de gestes, cela s'appelle la grâce. "
73, rue Mouffetard 75005 Paris