"Plus une conversation est intime ou privée, plus nous nous embrouillons souvent dans des contradictions et des ambiguïtés. Nous sentons immédiatement comment cela se passe, il n'y a pas moyen de l'éviter. Non parce que nous sommes particulièrement incohérents ou négligents, mais parce que nous sommes titillés par l'espoir que l'autre a sous les yeux la totalité de notre être, ou du moins, un de ses fantômes en lequel toutes nos remarques aberrantes, nos contradictions et gargouillements se fondraient comme par miracle en un ordre meilleur et plus riche." Botho Strauss, La Dédicace
Écrite en 1976 et présentée pour la première fois en 1977, La Trilogie du revoir est une satire intelligente de " l'industrie culturelle " avec ses rites, ses slogans et son inanité sonore.
La fable se raconte vite : un groupe d'amis de Moritz, directeur des Amis des Arts - ou, d'après Suzanne, un fourmillement d'hommes et d'hommes vides d'hommes - visite son exposition " réalisme capitaliste " en avant-première. Sur le modèle de la mise en scène des Estivants de Maxime Gorki en 1974, dans une adaptation de Botho Strauss, et dans un va-et-vient permanent, les configurations des personnages sur scène, changent. La contemplation commune des tableaux exposés est parfois le moteur de leurs conversations ; mais grâce à la succession de dialogues courts, sans lien les uns avec les autres, le tableau des personnages se dessine petit à petit. L'interdiction d'exposer sert - à première vue - à faire avancer l'action dramatique, mais ne renvoie finalement qu'à l'absence d'un véritable engagement.
Le langage est le moteur essentiel de l'action. Le sujet de la pièce, c'est le dialogue, l'échange de mots et de tableaux, de cadeaux, de chaises et de signes. Et c'est la forme et non le fond qui nous parle. C'est à partir du comment du langage, et non du pourquoi, que l'on parvient à saisir et les personnages, et leurs rapports et qu'une interprétation produit de l'effet. Les malentendus et les fossés qui apparaissent proviennent de l'incapacité de chacun à s'adapter au discours de celui qu'il rencontre. Tous avides de peindre leurs banalités personnelles et de confirmer leur propre existence par l'écoute de l'autre - une petite question par-ci, par-là... une courte objection - qui ne se réalise guère...
Quant au lieu dramatique il permet tous les revoirs, tous les mouvements de va-et-vient. Autrement dit, il invite à une disposition de l'espace qui transgresse la frontière de celui qui regarde et de celui qui est regardé. Ici, la place du spectateur ne différera pas de celle de l'acteur, tous deux " en visite " : au commencement il y a toujours l'adieu... et puis il y a un revoir... Entre le va et le vient, la charnière où nous nous rencontrons...
Patrick Haggiag
41, avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers
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