La pièce
Une dramaturgie érectile
Le cri du désir
Séville, au 18ème siècle. Le vieux docteur Bartolo prétend épouser Rosine, sa pupille richement dotée. Mais la jeune fille aime le comte Almaviva, qui, avec la complicité du barbier Figaro, se présente chez Bartolo sous divers déguisements…
La dramaturgie de la pièce est assez classique, mais la plume acerbe de Beaumarchais transcende la situation pour mieux exprimer la folie amoureuse des personnages. La roublardise venant à bout du prévisible, c’est l’ironie ravageuse qui emporte sur son passage toutes les idées reçues. Vitalité absolue d’un théâtre qui n’a pas peur d’afficher sa légèreté pour mieux exprimer toute sa profondeur, Le Barbier de Séville est une œuvre solaire qui n’oublie jamais d’être méchante.
Pour servir le théâtre pré-révolutionnaire et sensuel de Beaumarchais, le jeune metteur en scène Romain Bonnin s’entoure de comédiens de théâtre et s’appuie sur une scénographie qui engage les corps dans les plis de l’action et fond le jeu dramatique dans le jeu musical d’une langue haute en couleurs…
"Quel charme aurait une production légère au milieu des plus noires vapeurs… " Beaumarchais
"Le Barbier de Séville nous propose une dramaturgie érectile. Tendu vers l’éternel mouvement d’une jouissance retrouvée, le théâtre de Beaumarchais est la promesse d’un retour espéré des corps qui semblaient disparaître. Le théâtre de Beaumarchais comme véhicule d’un retour à soi, en réunion de toutes les contradictions, opère cet heureux accident physiologique, celui d’un rire qui, se propageant, fait de nos corps les véhicules d’une jouissance partagée.
Le théâtre pré-révolutionnaire de Beaumarchais travaillant la langue au corps, se mue en instrument de jouissance théâtrale où s’invente joyeusement une dramaturgie d’un échangisme assumé. Wilhem Reich écrivant sa fonction de l’orgasme sur les genoux de Figaro et Rosine pourrait être la proposition de ce théâtre à venir : celui d’un devenir érectile où le partage par le rire réactive la nécessité d’une altérité révélée.
Le traitement scénique du Barbier de Séville appelle à l’écriture d’une dramaturgie de la couleur. La couleur comme résonance visuelle d’une psyché érotisée. L’espace chez Fragonard où le désir s’enroule dans les plis d’une alcôve est à l’image de la Maison des Vetti de Robert Morris dans laquelle l’espace se construit à partir de drapés. Les plis et dépliages comme forme dynamique du secret et du sexuel engagent une proposition scénographique où les enjeux rythmiques engagent les corps dans les plis de l’action scénique.
Prendre au corps ce Barbier, couleurs et précision du jeu, revient à ne jamais être dans le repli de la théâtralité. Ici le jeu, dans ces zones obscures mêmes, doit être solaire, comme l’indice d’une couleur où rayonne le désir d’un jeu de langues et de corps entremêlés."
Romain Bonnin
"Le sous titre de la pièce, la précaution inutile, porte en creux l’affirmation lucide d’un constat : à trop fermer de portes l’on finit toujours par sortir par les fenêtres. L’acte libérateur et transgressif est la réalisation de ce désir. Toute stratégie de contournement s’efface devant l’affirmation frontale de celui-ci. Le Barbier est l’histoire de cette affirmation.
Beaumarchais propose contre l’enfermement de Rosine l’assaut amoureux du comte, contre les calculs psychotiques de Bartholo les élans schizophréniques d’Almaviva … Une folie venant à bout d’une autre folie rend bien toute précaution inutile, seul le désir absolu permet la rencontre. Ce besoin vital du désir comme survie contre l’enferment et le cloisonnement psychique fait écho à notre actualité : le cloisonnement physique et psychique d’une jeune fille peut-il délivrer le désir d’un ailleurs, d’une altérité ?
Interroger la fonction du désir à l’endroit du dispositif répressif moral ou religieux, interroger la légitimité de ces précautions prises pour contrôler ce qui rentre et ce qui sort du visible et de l’indicible, poser la question des interdits dictés par des principes sans fondements revient à regarder notre actualité sous un angle singulier : celui d’une affirmation sans précaution du désir comme survie d’une société. Ainsi l’apparent badinage de Beaumarchais ne devient plus seulement la figure imposée d’un théâtre que l’on voudrait figer mais l’expression, le cri d’un désir contre toutes les stratégies visant à le contrôler."
Romain Bonnin
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