À première lecture, Le Conte d’hiver n’apparaît que comme une variation shakespearienne plus cruelle encore du drame de la jalousie contenu dans Othello. Mais en tant que « conte », la fable nous émerveille très vite par sa dimension surnaturelle et fantastique. C’est Patrick Pineau, dont la mise en scène du Suicidé de Nicolaï Erdman a connu il y a peu un très grand succès, qui s’attelle avec sa formidable troupe d’acteurs fidèles, à cette pièce inclassable, inquiétante autant qu’étrange, au charme poétique et philosophique irrésistible.
Shakespeare ne nous laisse jamais oublier l’animal... Léonte se sent pousser des cornes : il se sent devenir une bête, un démon. Il suffit pour ça de quelques secondes, comme dans Lear, ou d’un soupçon qui ne pèse rien, rien du tout, plus léger et inconsistant que le mouchoir perdu de Desdémone dans Othello...
Les plus beaux signes, ceux de l’amitié – les sourires, les mains tendues, les gestes de tendresse – sont tout à coup lus complètement à l’envers, à contresens : pourquoi ce roi qui a tout pour être heureux se laisse-t-il submerger par une jalousie délirante ? Quel est ce doute qui trouble son regard et va le conduire à la catastrophe ? Dans quel miroir se regarde-t-il ? Ce qu’il vit est le plus affreux des cauchemars : par sa seule faute, il va causer la perte des êtres qui lui sont les plus chers. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : est-ce que l’on peut survivre à une horreur pareille, et si oui, comment ou à quel prix ?
Il n’y a pas plus fragile, plus délicat qu’un coeur humain, surtout un coeur d’enfant – on le brise comme rien – et pourtant il faut vivre, malgré les pertes, il faut avancer.
C’est une histoire très douloureuse et très douce. Douleur, douceur, les deux à la fois... Très mystérieuse. Elle pose beaucoup de questions qui résonnent en moi. Je ne prétends pas y répondre, mais je voudrais bien les approcher. Et qu’ensemble, on puisse un peu les toucher du doigt.
Patrick Pineau
« Merci à la « dream team » de Pineau qui nous offre ce conte de Noël avant l’heure. » Philippe Chevilley, Les Echos, 07.11.2013
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