Après La Traviata, Judith Chemla retrouve les Bouffes du Nord, cette fois pour interpréter Jeanne d'Arc.
Être sur scène, c'est ce que vous préférez ?
Être sur scène m'a toujours fait vibrer. C'est un endroit sacré où l'on partage des émotions entre êtres humains en direct. C'est merveilleux parce qu'on vit un instant tous ensemble. On ne peut pas faire semblant. C'est de la fiction mais les sentiments que j'éprouve sur scène en chantant par exemple La Traviata, ils sont vrais, je les vis vraiment. D'ailleurs, je prépare un nouveau spectacle pour l'an prochain aux Bouffes du Nord, cette fois sur Jeanne d'Arc…
Vous pouvez en dire plus ?
J'ai demandé à Yves Beaunesne de faire la mise en scène, parce qu'on avait travaillé ensemble sur L'Annonce faite à Marie, et à Camille Rocailleux d'écrire la musique. Ce sont des artistes avec qui j'aime travailler, qui se laissent inspirer, traverser par le sujet, qui ne sont pas là pour faire leur show. Le texte, ce sera les mots de Jeanne elle-même, pendant son procès, tels que restitués par le greffier… Ces mots sont un témoignage inouï de sa liberté de ton, de son insolence, sa force, son humour face à des juges pour qui elle n'était qu'une manipulatrice et une menteuse. Cela me fait penser à ce qui se passe pour beaucoup de femmes aujourd'hui quand elles portent la parole de leurs enfants. On est en pleine campagne gouvernementale contre l'inceste et pourtant des milliers de mères qui cherchent à protéger leurs enfants sont poursuivies par la justice… Ces femmes se retrouvent devant des juges qui ont décidé qu'elles étaient des menteuses et des manipulatrices comme cette Jeanne qui a traversé l'histoire jusqu'à aujourd'hui car elle a préféré mourir que mentir. Je veux porter la voix de ces femmes à travers ce spectacle.
Propos de Judith Chemla recueillis par Laura Berny pour Les Échos, le 16 octobre 2023
37 bis, bd de la Chapelle 75010 Paris