Christophe Rauck, qui nous a offert, avec Le Dragon d’Evgueni Schwartz, de savoureux moments de théâtre, nous propose une version joyeuse et cruelle de la pièce de Gogol, à laquelle il a ajouté des chansons. Dans une scénographie où les armoires jouent une belle partition, s’agitent des personnages dont la bêtise et la lâcheté ordinaires nous tendent un drôle de miroir.
Pris pour ce qu'il n'est pas - un inspecteur de l'administration tsariste - un jeune homme sans le sou provoque, dans la petite ville où il débarque, des réactions en chaîne chez ses habitants, surtout chez les notables, le gouverneur en tête, qui sont prêts à tout pour s'attirer ses bonnes grâces.
La petite ville peureuse crée alors de toutes pièces un imposteur. Comme Le Menteur de Corneille ou Le Baladin du monde occidental de Synge, le jeune homme, Khlestakov, va servir de révélateur à toutes les lâchetés et fantasmes de ces êtres médiocres, empêtrés depuis longtemps dans les compromissions et les illégalités.
Près d'être découvert, il abandonnera le terrain et la jeune fille du gouverneur qu'il devait épouser, seule vraie victime de ce quiproquo.
On dit que l'idée de la pièce fut donnée à Gogol par Pouchkine. Ecrite en 1835, elle fut créée en 1836 mais, le metteur en scène n'en ayant donné que sa dimension vaudevillesque, Gogol écrivit une autre pièce, La Sortie d'un théâtre, dans laquelle il expliquait ce qu'était sa pièce, une tragi-comédie de la peur et du désir. Ce n'est qu'en 1926, lorsque Meyerhold s'y intéressa, que la pièce prit sa vraie dimension politique et nationale.
LE SECOND : Je pense que ce qui doit le plus amuser l'auteur, c'est de s'entendre reprocher que ses personnages et ses héros ne soient pas attrayants, alors qu'il a tout mis en oeuvre pour les rendre repoussants. Mais voyons, s'il y avait un personnage honnête dans la comédie, fût-il unique, et s'il était peint d'une manière aussi attrayante que possible, tous les spectateurs, jusqu'au dernier, passeraient de son côté et oublieraient complètement ceux qui les ont tant effrayés tout à l'heure. Peut-être ces personnages ne nous hanteraient-ils pas constamment après la fin de la représentation, comme des êtres vivants ; le spectateur n'emporterait pas un sentiment de tristesse et ne dirait pas : "Est-il possible que de tels hommes existent ?"
LE PREMIER : Oui. Pourtant, cela ne sera pas compris tout de suite.
LE SECOND : C'est bien naturel. La signification intérieure est toujours découverte après coup. Et plus les images dont elle s'est revêtue en se fractionnant sont vives et éclatantes, plus l'attention générale s'arrête sur ces images. Ce n'est qu'en les recomposant ensemble que l'on obtient la conclusion et la signification de l'oeuvre. Mais distinguer ces lettres-là et tout aussi rapidement les lier, lire de haut et d'un seul coup, tout le monde n'en est pas capable. Et jusqu'à ce qu'on en soit là, on ne verra longtemps que les seules lettres. Et vous verrez je peux vous le dire à l'avance : tout d'abord, chaque petit chef-lieu de district de Russie va se fâcher et affirmer que c'est une méchante satire, une invention basse et vulgaire dirigée justement contre lui.
"Le metteur en scène et sa troupe parviennent à tenir les deux fils du rire explosif, de la fantaisie la plus débridée et de la férocité ravageuse. C’est drôle, tout le temps drôle." Armelle Héliot, Le Figaro, 26 octobre 2006
"Un spectacle jubilatoire, éclatant de santé et de bonne humeur qui réconcilie tous les publics." Fréderic Ferney, Le Point, 19 octobre 2006
"Le Révizor est un étourdissant chef d’œuvre aux niveaux multiples, qui cache sous sa réjouissante efficacité de farce satirique une réflexion plus profonde sur le vide, la peur et le pouvoir." Fabienne Darge, Le Monde, 20 mai 2006
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