Le dindon

Paris 18e
du 3 au 26 juillet 2009

Le dindon

Énorme machinerie théâtrale, Le Dindon, vaudeville du désir par excellence, explore avec une jouissante cruauté les rapports entre pulsions amoureuses et société bien pensante.

Dans le cadre du festival ON n'arrête pas le théâtre.

"Le rire est avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l’objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu’on a prises avec elle. Il n’atteindrait pas son but s’il portait les marques de la bonté et de la sympathie." Henri Bergson

Mais pourquoi diable jouer Feydeau aujourd’hui ?
Le rire fait toujours au moins une victime…
Un rire organique

  • Mais pourquoi diable jouer Feydeau aujourd’hui ?

Énorme machinerie théâtrale, Le Dindon, vaudeville du désir par excellence, explore avec une jouissante cruauté les rapports entre pulsions amoureuses et société bien pensante. Mais pourquoi diable jouer Feydeau aujourd’hui ? Et bien il est possible que ses questions soient les nôtres ; notre temps est pudibond, bien pensant et légaliste, et nous sommes toujours pleins de pulsions et de fantasmes. Pleins, trop pleins même, au bord d’exploser pour une femme qui passe dans la rue, pour celui qu’on ne doit surtout pas regarder, pour l’amant de notre femme ou la femme de notre amant. Et nous sommes toujours aussi ridicules…

  • Le rire fait toujours au moins une victime…

Et chez Feydeau, cette victime, c’est nous. La petitesse des sentiments, les mesquineries amoureuses, les folies du désir, ce sont bien les nôtres.
Le Dindon est d’une extrême cruauté, donc d’une extrême drôlerie. Et c’est certainement grâce à cet humour libérateur que nous pouvons entendre ce qui nous concerne. Ce qui nous concerne, car la pièce parle à tous en parlant de tout le monde. S’entremêlent en effet toutes les situations où l’être humain est pris au piège de ses désirs.

Que faire de nos pulsions dans une société aussi bien pensante ? (Je parle de celle de Feydeau, bien sûr…) Tiraillés entre nos forces intimes et la peur de perdre la face, nous sommes évidemment ridicules.
Cette société d’humains pleins de fantasmes cachés s’emballe dès qu’un nouveau venu exprime un désir ouvertement. Elle vacille et se retrouve au bord d’exploser. Au bord seulement puisqu’il s’agit d’une comédie. Mais le thème est le même chez Racine.

"Qui empêche la rencontre de partenaires particuliers travaille à l’apocalypse." Heiner Müller

Ces tensions entre société bourgeoise bien pensante et fantasmes inexprimés donc violents motivent l’écriture de Feydeau comme elles ont visiblement contraient sa vie intime. On voit bien où je veux en venir, ces questions sont les nôtres ; notre temps est pudibond, bien pensant et légaliste, et nous sommes toujours pleins de pulsions et de fantasmes. Pleins, trop pleins même, au bord d’exploser pour une femme qui passe dans la rue, pour celui qu’on ne doit surtout pas regarder, pour l’amant de notre femme ou la femme de notre amant. Et nous sommes toujours aussi ridicules…

Nous nous sommes mis d’accord sur quelques façons de parler, valables en toutes occasion et qui appartiennent à notre armement en société. L’armure manque à ce point de souplesse, elle nous est si étroite, qu’il s’y trouve à peine de la place pour les mouvements les plus naturels.

Nous avons une ou deux douzaine de formules bon marché pour toutes les circonstances. Nous avons des mimiques de confection pour exprimer la compassion, la joie, la dignité et nous avons la grimace stéréotypée de la politesse. A l’occasion des mariages des baptêmes, des enterrements, nos poignées de mains, nos révérences nos froncements de sourcil, nos sourire compose une hallucinante comédie, où l’absence de tout sentiment effraye.

"Le code social a été jusqu’à corrompre l’acteur, cet homme dont la profession est de sentir et d’exprimer. Lorsqu’à des générations successives on enseigne l’art de réprimer les élans de sensibilité, il ne reste en fin de compte plus rien à réprimer et, à plus forte raison, plus rien à libérer." Max Reinhardt, Discours sur l’acteur

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  • Un rire organique

Pour faire surgir cette cruauté et cette actualité, il apparait comme indispensable de remettre en question l’esthétique théâtrale classique de Feydeau. Evidemment.

Bien sûr, l’écriture est d’une rare intelligence rythmique. Bien-sûr, l’important pour l’interprète est de comprendre ce rythme et de l’intégrer, c'est-à-dire l’incarner. Mais rien n’empêche ensuite de changer le tempo, rien n’empêche ensuite de changer le décorum.

Ne nous trompons pas : Feydeau n’écrit pas pour des acteurs pantins pleins de grimaces explicatives, mais il décrit des personnages pantins pleins de grimaces sociales. L’artificialité des corps sur le plateau n’est pas une théâtralité voulue par un auteur léger, mais au contraire l’expression grotesque de corps contraints. Autrement dit, ils ne sont pas plus artificiels que vous et moi, et doivent être interprétés comme tels. Ils sont de chair et de sang, dans un rapport au corps alternativement social et fou.

Le corps chez Feydeau est refoulé, humilié, nié. Donc omniprésent. Donc matière à théâtre. La revendication de la singularité des corps, la monstration de ses corps refoulés est une révolte du théâtre contre la considération et la représentation des corps que nous vivons aujourd’hui.

Pour que cette artificialité apparaisse comme nous l’entendons, nous plaçons la pièce dans un univers concret, proche d’un certain réalisme. L’absurdité des situations et la violence des sentiments jaillissent d’un espace quotidien, qui est notre espace. C’est un espace qui est donc parfois trop petit, triste, de mauvais goût. Cet espace scénique est ouvert par la vidéo, qui est un outil ludique pour casser l’esthétique classique du vaudeville et le faire renaître dans une actualité cruelle, d’où un nouvel humour peut surgir.

Et si Feydeau cherche à nous faire rire, c’est parce que le rire est organique et qu’il réveille le corps. Le rire explose le corps sage, le corps convenu, le corps social.

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Spectacle terminé depuis le dimanche 26 juillet 2009

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