Un soir, à Vienne, en 1900. Sur fond de banale affaire d'altercation et d'atteinte à son honneur de militaire, la lente descente aux enfers intérieurs d'un fringant officier hanté ici par la musique de Gustav Mahler.
"C'est un jeu ! Que serait-ce d'autre !
Jeu, nos actes sur terre
Rêve et éveil se confondent,
Mensonge et vérité.
De certitude, point.
Nous ne savons rien d'autrui,
Rien de nous-mêmes ;
Nous jouons sans cesse ;
Sensé, celui seul qui en est conscient".
Arthur Schnitzler,1898
A la sortie d'un concert qui l'a prodigieusement ennuyé, le Lieutenant Gustel, fier officier autrichien prisonnier des raideurs sociales, est bousculé et traité d'imbécile par un gros boulanger. Pour cet angoissé existentiel, l'alternative est brutale : le déshonneur ou le suicide !
La nouvelle d'Arthur Schnitzler, contemporain de Freud, pénètre tel un scalpel dans le cerveau délabré de Gustel, personnage emblématique de cette Autriche de 1900 qui chavire.
L'acteur, seul en scène, dit les mots du désarroi, les mots du mensonge, les mots de l'exclusion, les mots de la lâcheté. Les mots vrais d'un petit officier très ordinaire. Insupportable vérité.
Plus tard, le verdict nazi sera clair ! Ne dira-t-il pas en effet que "les nouvelles de cet auteur juif désagrègent et anéantissent le sens des responsabilités". Mais qu'en est-il réellement ?
Le lieutenant Gustel, miroir sans complaisance, nous renvoie l'image de nos turpitudes et, ce faisant, nous place au contraire au coeur de nos responsabilités.
Spectacle théâtral et musical, l'adaptation de Jean-Paul Audrain joue avec la lancinante présence du Lied de Mahler, sur scène chanté en allemand, ponctuant avec émotion l'errance de Gustel dans la nuit.
5, rue des Vignes 75016 Paris