Une beauté dévastatrice
Note d’intention de l’auteur
Un homme en quête d’éternité
Dorian est incarcéré dans une prison londonienne. Son procès est en cours. Dorian se repasse inlassablement le fil de son histoire essayant de comprendre quand le jeu a cessé d’être drôle.
Jeune homme de la campagne venu tenter sa chance à Londres, il fait la rencontre de Harry dans le pub où il est serveur. Harry, philosophe mondain, reconnaît immédiatement la beauté surnaturelle de Dorian. En esthète, il va convaincre le jeune homme qu’il détient un pouvoir formidable.
Dorian trouve enfin un sens à son existence. Mais le trésor lui coule entre les mains quand il prend conscience de la fragilité de sa beauté. Déjà adulé par le célèbre photographe de mode Basil Hallward, Dorian fait de son premier cliché un rempart contre la vieillesse. La photo subira les outrages du temps, pas lui. Dorian vient d’accéder à la jeunesse éternelle. Et plus que cela quand il se rend compte que ses mauvaises actions retombent sur le portrait. Sa beauté, protégée de tout, lui accorde une impunité presque totale dans cette société où l’image compte tant.
Dorian tombe amoureux d’une jeune comédienne, Sibyl Vane. Amour qu’il brûle par bêtise. Sibyl se tue. Rien ne sera plus pareil désormais.
Dorian connaît une ascension fulgurante sur les podiums des défilés de haute couture. Plus qu’un mannequin, il devient une icône universelle. Cependant le doute est là. Une angoisse récurrente de son enfance : est-il mauvais ?
Commence une lente descente aux enfers. Il représente brillamment ce que les gens veulent voir en lui : la lumière, la pureté, une parcelle d’innocence à laquelle nous avons tous envie de croire en ce monde déboussolé, sali en permanence. Pourtant rien n’est plus faux que le visage de Dorian Gray.
Dorian n’est pas sans conscience, son âme est déchirée. Il tue maintenant Basil Hallward, qui refuse de partager les conséquences du pacte. Tout n’est-il pas la faute du portrait ? À moins que ce ne soit les discours cyniques de Harry ? Ou le regret éternel de Sibyl ? Ou la naïveté des gens ?
Qui est-il au fond ? Responsable mais pas coupable ? Malgré une plaidoirie acharnée de Harry, Dorian est condamné à perpétuité. Et pour un immortel, c’est long. À moins qu’une grâce ne vienne le délivrer du serment…
Prenons un jeune homme à la recherche de son destin. Il vient à Londres comme l’on y vient depuis toujours, et des quatre coins du monde, pour tenter sa chance. Aux prises avec un nihilisme d’adolescent, il mène une existence qu’il juge absolument vide. Il faudra tout le génie de Harry Wotton, servi par une rhétorique élégante et venimeuse, pour persuader Dorian qu’il est doué pour la vie.
Ainsi est planté le décor de cette adaptation théâtrale du roman d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray. Une adaptation très libre, et résolument contemporaine qui fait de Dorian un être d’aujourd’hui. Un jeune homme qui nous dévoile son âme. Dans le roman, le narrateur, puis Harry Wotton commentent la fulgurante incarnation de Dorian, être transparent au début que son ami façonne et fascine. Mais Dorian s’exprime peu. Dans ce texte, j’ai voulu qu’il nous livre ses sentiments, comme dans un journal intime que l’on écrit au présent avec le recul immédiat que donne l’encre et le papier. La présence de Dorian rayonne pour nous raconter ce qui reste l’histoire d’une incarnation : de la timidité d’être à la sensualité la plus insolente, de l’ombre à la lumière la plus crue, de la dépréciation de soi au narcissisme le plus absolu, de la crainte de s’engager dans la vie à la soif effrayante de goûter à tout.
Au XIXème siècle, pris dans l’étau d’une société victorienne corsetée, Oscar Wilde écrivait « l’individualisme est le but suprême de la vie ». Quelle résonance cette phrase peut-elle connaître à notre époque, à l’heure d’une société largement égotique ? Et que nous apprend sur nous-mêmes ce conte fantastique qui met en jeu des thèmes omniprésents en ce début de XXIème siècle : le culte de la beauté, de la jeunesse, la dispersion des valeurs, la difficulté de tant de jeunes gens à s’engager dans la vie au sens le plus existentiel du terme ?
Franck Levis
Comme pour beaucoup, Le Portrait de Dorian Gray a toujours été l’un de mes livres de chevet. Sans doute le fait de porter le nom du personnage principal a-t-il trouvé en moi un écho plus particulier.
Cette œuvre majeure d’Oscar Wilde puise sa force dans le fait qu’elle traverse les décennies avec toujours autant de vigueur dans ses propos : la quête de la beauté, de la jeunesse éternelle, la séduction… C’est pourquoi l’adaptation montée aujourd’hui nous transporte dans l’univers de la mode : de ses strasses, ses paillettes et d’une certaine forme de décadence.
La mise en scène, tout en dévoilant cette course effrénée à la beauté, rappelle la réalité souvent noire du monde qui nous entoure. La prison d’où Dorian s’adresse au public et les flashes télévisuels régulièrement projetés sur la scène ne manquent pas non plus de remettre le spectateur face à un univers violent et cruel.
Mêlant personnages virtuels (sur écran) et comédiens bien vivants, la mise en scène tente de transporter le public dans un monde où le plus beau et le plus laid peuvent se côtoyer.
L’homosexualité des personnages qui ne pouvait pas être assumée par Wilde de façon explicite est aujourd’hui plus claire… La mise en scène utilise la sensualité et le rapport de séduction pour traduire cet état de fait.
Le décor, très sobre, permet au spectateur de passer d’un univers à l’autre : prison, bar, défilé de mode… Le mobilier de No Art accentue l’intemporalité de Wilde.
Ce conte fantastique nous narrant la montée en puissance et la décadence d’un homme en quête d’éternité nous ramène tous à nos propres interrogations.
Frédéric Gray
Très bonne pièce. Vaut le déplacement. Acteurs très bien (et actrice aussi).
Enfin une pièce d'où l'on ressort avec la sensation que le spectacle vivant se renouvelle dans la qualité et l'originalité. Le texte est tout simplement beau, la mise-en-scène simple et osée, les comédiens bons. J'ai été particulièrement touché par la jeune comédienne, surprenante de force et de fragilité. N'hésitez surtout plus...
Très bonne pièce. Vaut le déplacement. Acteurs très bien (et actrice aussi).
Enfin une pièce d'où l'on ressort avec la sensation que le spectacle vivant se renouvelle dans la qualité et l'originalité. Le texte est tout simplement beau, la mise-en-scène simple et osée, les comédiens bons. J'ai été particulièrement touché par la jeune comédienne, surprenante de force et de fragilité. N'hésitez surtout plus...
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