Les morts font trop de bruit. Ils parlent fort. Ils bougent sans raison. Ils ne sont pas content d'eux ni de nous.
Si Ariane se laisse envahir par leurs voix chamailleuses, leurs pleurnicheries, leurs rusés mensonges, leurs éclats de rire, c'est dans l'espoir qu'ils l'aideront à répondre à la seule question qui vaille : le bonheur est-il compatible avec la mémoire ?
Jean-Marie Laclavetine
Une rencontre...
Cette pièce n'existerait pas sans l'insistance amicale et l'obstination de Miou Miou. Lorsqu'elle m'appela, un jour de 1995, après avoir lu Le rouge et le blanc, je ne la connaissais que par ses films. Je ne l'avais jamais vue au théâtre : ni au Café de la Gare, ni chez Duras, ni chez Planchon, ni chez Patrice Chéreau (et pour cause, elle n'y était pas). Elle affichait l'intention de me faire travailler. Bien d'autres s'y sont employés en vain ; mais il faut bien dire, trois ans plus tard, qu'elle s'est révélée bien plus coriace qu'eux. Il aura fallu que Miou Miou déploie des trésors de délicatesse, de patience et de fermeté, au long de ce travail à la fois passionnant et déconcertant, pour venir à bout de mes découragements et de mes doutes . . . " Allo ? C'est ta conscience qui te parle ! " , disait régulièrement sa voix au téléphone pour me rappeler à mon devoir d'écriture...
Plusieurs versions successives de la pièce sont nées au fil des mois et des séances de travail. Ses suggestions, ses conseils, ses demandes se faisaient de plus en plus précis. Résultat paradoxal : d'une pièce à quatre personnages plutôt loufoque et débraillée, nous sommes parvenus à un monologue plus ironique, plus mélancolique et tendu ; l'actrice a avalé tous les rôles, elle se les est appropriés. Pour finir, cette pièce, née autant de son désir que du mien, ressemble sans doute à la fois à chacun de nous. Elle existe pour nous, avec ses qualités et ses faiblesses, comme une étape importante. Reste, maintenant, à la faire vivre pour les autres.
Jean-Marie Laclavetine
1, Place du Trocadéro 75016 Paris