Il y a un mystère Léonce et Léna. Comment un auteur de
vingt-deux ans a t-il pu passer du grand drâme historique qu'est La Mort de
Danton à Léonce et Léna, chassé-croisé
grotesque des habitants d'un minuscule royaume imaginaire ? Dans quel but un auteur aussi
engagé politiquement, rédacteur de l'un des premiers pamphlets révolutionnaires de la
gauche allemande, recherché par la police de sa patrie, contraint de se réfugier à
l'étranger, s'est-il plu à improviser une bluette d'apparence aussi légère et à nous
raconter comment Léonce, fils du roi de Popo, fait une fugue pour ne pas être contraint
d'épouser Léna, princesse héritière du royaume de Pipi ?
Spécialiste du théâtre de langue allemande des deux derniers siècles - il a notamment
monté Thomas Bernhard, Brecht, Grabbe, Hugo von Hoffmannsthal, Horvath, Kafka, Kleist,
Wedekind, avant de présenter en 1998 sa superbe lecture de Woyzeck
au Théâtre de Gennevilliers -, André Engel a toujours aimé le face-à-face avec des
textes énigmatiques.
Soit donc une intrigue amoureuse relevée d'une pointe de mal du siècle à la Musset,
agrémentée de quelques incidents à base de fuites, de déguisements et de rencontres de
hasard. Soit par ailleurs un décor et des personnages de fantaisie, reflets absurdes d'un
monde aliéné. Pour explorer à ses côtés la comédie parodique par laquelle Büchner
règle en souriant ses comptes avec le romantisme, pour donner chair à des héros qui se
traitent eux-mêmes de "mauvais calembours" ou de "livres sans lettres,
rien qu'avec des points de suspension", tels des automates théâtraux prêts dès
demain à "reprendre tout de zéro" et à "recommencer la
plaisanterie", il a réuni une équipe d'acteurs dont l'acuité et la vivacité,
l'intensité et la nerveuse intelligence donneront sa pleine mesure à "l'ironie de
l'ironie" telle que l'entendait Büchner.
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