Si l’histoire officielle ne retient généralement que les productions des grandes scènes lyriques ou symphoniques, l’ambition du Palazzetto Bru Zane de redécouvrir le répertoire romantique français l’incite à explorer d’autres formes artistiques et d’autres lieux musicaux. Les cafés-concerts, présents à Paris dès la fin du XVII siècle, fleurissent dans la France de la deuxième partie du XIX’ siècle. Lieux de divertissement et de rencontre, on connaît leur influence sur la production de certains peintres (notamment Toulouse-Lautrec), mais la musique qui y était jouée reste un continent à redécouvrir. Rodolphe Briand, accompagné au piano par Vincent Leterme, nous donne une première visite guidée de cet Eldorado.
Quand l’équipe du Palazzetto Bru Zane m’a proposé une carte blanche sur le thème du café-concert, je n’imaginais pas tomber sur une mine d’or musicale et théâtrale aussi colossale. Grâce à la collaboration et au travail de recherche de Vincent Leterme, nous avons réussi à extraire treize titres, qui allaient devenir l’ossature du spectacle, parmi les milliers de chansons et chansons/sketchs mis en musique du répertoire du « caf’ conç’ ».
Choix cornélien, souffrance extrême ! Abandonner : Le P’tit Cochon, Ça m’fait frémir ou Le Cucurbitacée aura été pour moi une terrible épreuve, pareille à déposer lâchement ses enfants à la porte d’un orphelinat… À partir de ces pépites, j’ai créé un spectacle et écrit des dialogues dont certains très librement inspirés de textes de Georges Feydeau ou encore Alphonse Allais.
Ma plongée dans cet univers, que je ne connaissais que partiellement, a été un pur bonheur. J’ai découvert le monde incroyable du café-concert grâce à la lecture des mémoires de Paulus, personnage central et incontournable de cette période, monde où d’ailleurs les femmes telles que Victorine Demay (qui chantait et cassait des noisettes en s’asseyant dessus), Thérésa, Zulma Bouffar (grande interprète des oeuvres d’Offenbach) ou Mogador avaient une place primordiale.
À travers la lecture de ces mémoires, je m’imaginais tour à tour spectateur ou artiste. J’ai eu envie de reconstituer l’éternel et classique duo clown blanc/auguste et donc créé un personnage anachronique, une sorte de revenant de ces années « caf’ conç’ » qui viendrait perturber le travail d’un pianiste concertiste.
Ces chansons, ces textes ont immédiatement fait écho à mon travail de chanteur et d’acteur. Pour certains artistes de cette époque, ce répertoire était une passerelle vers l’opérette, l’opéra-bouffe, l’opéra-comique et même l’opéra. Au même titre que pour moi, certaines mélodies françaises telles que les Prévert/Kosma ou encore la chanson française de Boris Vian, Henri Salvador, Bourvil, Serge Reggiani, Jacques Brel ou Jacques Higelin, jusqu’aux contemporains – Juliette, François Morel, Philippe Katerine, Les Wriggles… – ont été un tremplin, un passage, un gué vers le monde lyrique.
Rodolphe Briand
Avenue de Marigny 75008 Paris