Un fastueux personnage de comédie, Scapin, Scapin le magnifique, l’aventurier, le maître en stratagèmes. 1671, Molière revient à la ville après une série de spectacles de cour. Il écrit Les Fourberies de Scapin. Deux ans plus tard, il meurt. Par la grâce de Scapin, Molière renoue avec un théâtre de la pure action, populaire, revigoré, insoucieux de psychologie, agité par les personnages et les situations, la générosité du jeu, le rire qui ne triche pas. Les Fourberies, c’est une vieille histoire qui ne vieillit jamais. Jeunesse contre barbons, gaieté contre mélancolie, amour contre calcul et par-dessus tout ça, conduisant la mascarade, Scapin, ici interprété par Christian Esnay lui-même. Oui il faut aimer Scapin. Inconditionnellement.
« Véritable aventure artistique et humaine, le travail des Géotrupes se veut fidèle à une idée vivante, vivace, généreuse et surprenante du théâtre public. Après Howard Barker et Euripide, ils trouvent en Molière un compagnon idéal pour un théâtre populaire et festif. » Journal La Terrasse, novembre 2013
Monter Scapin, c’est pour cette raison-là et aucune autre. Parce que Scapin, origine incontrôlée, c’est l’ami incarné du peuple (Boileau, qui persifle), et à ce titre l’occasion de retrouvailles nécessaires avec un long théâtre anonyme et populaire et international, avec une immense famille : zanni de tous les pays, unissez-vous. Tabarin ne fait pas honte à Molière, Copeau a raison. C’est la cosa nostra du comique. Notons qu’au commencement des Fourberies, Scapin est en retraite, ou au moins en retrait. Un peu de fatigue, l’âge aussi, et beaucoup de prudence… Il n’est plus tout à fait ce qu’il a été. Lui aussi, il va se refaire la main, et se refaisant une santé, se démontrant à lui-même qu’il est toujours là, se refaire aussi une légende.
C’est comme si c’était la dernière fois qu’il jouait Scapin lui-même, une dernière fois visitée par le souvenir de la lointaine première fois. C’est pourquoi il faut jouer encore et encore Scapin, Scapin jouant Scapin pour un feu d’artifices avant clôture de saison. Le repris de justice, le débaucheur, oui, mais surtout le mécanicien, le génie de la fabrique, qui ne se contente pas de prestations de services, qui pratique l’embrouille, l’imbroglio, comme un art. Il n’aime les choses que quand c’est impossible, quand leur inventer une issue relève du miracle, de la danse au-dessus des eaux. Il fait descendre une sorte de merveilleux sur les êtres, sur la vie. Il faut l’écouter quand il dit qu’il reprend du service par humanité. La fourberie comme gratuité, comme grâce, dans tous les sens que vous voudrez, d’une divinité mercurienne, et vieillissante.
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