"Même lorsquon parle dun genre élevé et dun genre bas de réjouissances, lart vous oppose un visage de glace, car il souhaite se mouvoir à un niveau élevé et à un niveau bas, et être laissé en paix si, de la sorte, il réjouit les gens." Bertolt Brecht
Dans litinéraire dAbdelkader Alloula, "Les Dires" représente, incontestablement, un tournant décisif. Parti depuis longtemps déjà à la recherche dun théâtre nouveau, capable de senraciner -et de puiser- au plus profond de la culture populaire algérienne, Abdelkader Alloula avait récusé le vaudeville et la farce qui faisaient les choux gras de la production théâtrale et radiophonique et le théâtre de langue classique, figé dans des codes surannés et une grandiloquence vaine.
Tordant le bâton dans le sens opposé, Abdelkader Alloula avait exploré les voies du théâtre épique. Son savoir théâtral encyclopédique allait cependant finir par opérer la jonction recherchée avec la culture populaire, celle de son terroir, sa sève nourricière jamais démentie ; il en naîtrait "Les Dires".
"Les Dires" se donne à voir sur le mode -paradoxal- de lécoute. Tout, ici, est fait pour loreille. Le conteur occupe, seul, lespace de la représentation. Le verbe souverain, maître du spectacle et de limaginaire, règne sans partage. Sur le plan formel, "Les Dires" se présente comme un ensemble de trois tableaux indépendants.
Premier tableau : un employé, bravant lautorité de son chef, va lui instruire
son propre procès.
Second tableau : un ouvrier, passant outre au code de la virilité et sachant sa mort
proche, raconte à son fils ce que fut sa vie.
Troisième tableau : une petite fille, forçant les conventions et les tabous,
sintroduit dans lunivers des adultes et sapproprie leur parole.
Dans les trois tableaux, il sagit, dune prise de parole inouïe :
"Les Dires", cest lentrée en scène de la parole tue, celle que lon écoute quelquefois, mais dont il nest pas sûr quon lentende vraiment Car rien ne dit quelle ait été jamais proférée. Messaoud Benyoucef (1995)
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