Pourquoi Les Nègres ?
Semaine spéciale Jean Genet
Lidée sest imposée à moi de remonter la pièce de Jean Genet pendant les
représentations de Ange Noir de Nelson Rodrigues à Bobigny en mars - avril 1995. La
violence des réactions de certains spectateurs, voire le refus de la pièce, montraient
avec évidence que la question Noire était toujours posée.
Beaucoup simaginent quavec les actes politiques des décolonisations, la dite
question est obsolète. Mais les blessures et les conséquences des crimes de
lHistoire ne se guérissent dans les curs et ne sapaisent pas dans les
mémoires dans le même temps que sapposent les signatures au bas des traités
politiques.
La question Noire demeure : question posée aux Blancs et la même qui fut au commencement
posée à Caïn. Cest pourquoi Les Nègres joue devant au moins un blanc
lidée que ceux-ci se font des nègres.
Certainement que lère de la décolonisation et celle de la révolte noire aux
Etats-Unis ont contribué au très grand succès international de la pièce à sa
création en 1959 ; probablement avec "
Godot" le plus grand succès du
théâtre de laprès guerre. Les spectateurs dalors nont pu
quassocier au récit de la pièce les sentiments politiques très particuliers de
ces années-là. Mais tout cela na été possible quen raison des grandes
vertus dramatiques du théâtre de Jean Genet.
Sarah Maldoror dit un jour à Marguerite Duras : " Cette pièce de Genet vous aidera
à nous connaître mieux. Cest la seule pièce que nous ayons pour le moment à
notre disposition pour vous éduquer, pour essayer de traduire à vos yeux le ridicule de
votre idée sur nous ".
Nous nous efforcerons dabord datteindre ce but et nous noublierons pas
que Les Nègres est une clownerie qui doit être jouée par des Nègres afin quelle
ne soit pas " saignée à blanc " comme son auteur eut loccasion de le
dire après une représentation de sa pièce jouée par des acteurs blancs maquillés en
noir.
Alain Ollivier
"J'accepte qu'elle n'ait de sens qu'aujourd'hui", écrivait Genet de sa pièce Les Nègres.
Dans cet espace Genet désignait celui de notre histoire que l'on peut situer entre mai
1954, défaite de l'armée française au Vietnam, et les accords d'Evian de mars 1962 qui
mirent fin à la colonisation française de l'Algérie.
Entendons par là que les spectateurs de l'automne 1959 qui ont fait le très grand et
unanime succès à la création de la pièce, n'ont pu qu'associer aux représentations du
Théâtre de Lutèce les sentiments politiques très particuliers de ces années de la
décolonisation. Mais cela n'aurait pas été possible sans les vertus dramatiques et
poétiques du théâtre de Jean Genet.
Beaucoup se sont fait à l'idée qu'avec les actes des traités qui ont mis fin à la
souveraineté française dans les colonies, ont disparu les préjugés raciaux
qu'exacerbait l'iniquité coloniale. C'est évidemment d'une grande ignorance ou d'une
grande mauvaise foi.
Ce qui est nommé "question noire" est la question que pose le crime du Blanc
sur le Nègre. La logique voudrait qu'on la nomme "question blanche". La
question se pose en effet aux Blancs, puisqu'ils sont les auteurs des forfaits. Mais c'est
dans la tradition perverse du criminel de désigner sa victime comme responsable du crime.
C'est ce reflet-là que Genet réfléchit à nos consciences blanches. Et avec un humour
que je ne saurais définir tant son objet reste brûlant, et qui se joue comme si tous ces
crimes et ces humiliations, l'Afrique avait cette supériorité sur nous de comprendre
qu'ils étaient dus à de funestes illusions : de funestes fantasmes.
Les Nègres est aussi une méditation sur le théâtre - le pouvoir du verbe sur le corps
et sur ses actes - et une méditation sur les valeurs existentielles et non morales.
Alain Ollivier
Octobre 2000, avant les répétitions.
Lundi 15 janvier 2001 à 19h30
Enregistrement en avant-première et en public de la pièce Les Nègres à la
Maison de Radio France (Studio 105)
Diffusion dimanche 21 janvier de 14h00 à 16h30
Mardi 16 janvier de 20h30 à 22h,
mercredi 17 & jeudi 18 janvier de 20h30 à 21h
Lectures de textes rares ou inédits de Jean Genet
Samedi 20 janvier 2001 : " Radio libre " par Albert Dichy, de 15h00 à 17h30
Diffusion darchives dans le cadre des " Nuits de France Culture "
18, avenue de l'insurrection 94400 Vitry-sur-Seine