« Quand il ne reste plus rien, quand on est dans le plus grand dénuement, c’est là que l’amour apparaît vraiment ». Dans l’espace dépouillé d’un hébergement d’urgence, ce qui règne c’est la précarité et la promiscuité la plus terrible. Et pourtant, même si elles s’imposent, elles sont loin d’épuiser la dignité des familles qui attendent des jours meilleurs. Les difficultés matérielles, les déchéances, les conflits n’en révèlent que mieux la tendresse qui les soude. À rebours des représentations misérabilistes (et donc racoleuses), le théâtre d’Alexander Zeldin tient sur un fil, résolument sensible et honnête.
Dans la délicatesse il trouve la force, dans la direction d’acteurs il invente l’intelligence des situations. Et il y parvient d’autant mieux qu’il a bâti son théâtre sur la destruction de la barrière entre comédiens professionnels et amateurs. Nourri par la rencontre avec des personnes confrontées à l’extrême pauvreté, comme par la lecture de Steinbeck et de Et maintenant louons les grands hommes – le magnifique ouvrage de James Agee et Walker Evans – LOVE nous plonge dans cet étrange no man’s land, extraordinairement réaliste, où se tient l’existence des plus humbles. Jamais cependant il ne pose de regard surplombant : c’est de plain-pied que nous sommes invités à partager leurs combats, si tragiques et si ordinaires.
Et l’on peut dire vraiment que Zeldin donne à sa manière une nouvelle incarnation de l’idée du théâtre comme lieu qui donne à voir la vie avec une intensité neuve.