Lucrèce Borgia

Nanterre (92)
du 15 septembre au 8 octobre 2000

Lucrèce Borgia

CLASSIQUE Terminé

Hugo écrit au cœur du tumulte, des déchirements, des bégaiements, des torsions douloureuses de l’histoire. Son sujet, c’est le seizième siècle, sa référence, Michel-Ange. Et son regret, que la France de 1832 ne soit capable, en politique comme en art, de produire qu’un déprimant reflet du tumulte

Les Amandiers dans la ville
Victor Hugo, Lucrèce Borgia, deux monstres de théâtre

Extraits tirés de l'oeuvre de Victor Hugo

Les Amandiers dans la ville

Depuis l’automne 1999, Le Théâtre des Amandiers propose aux habitants de Nanterre un nouveau programme de création et de rencontres, Les Amandiers dans la Ville, qui dès son lancement a suscité un enthousiasme et une adhésion remarquables.

Au cœur de ce dispositif, la création théâtrale : Les Amandiers dans la Ville, offre aux habitants de Nanterre de s’engager personnellement en tant qu’acteurs dans deux créations produites selon des critères professionnels et programmées dans le cadre de la saison du Théâtre des Amandiers.

Ainsi, depuis décembre 1999, une cinquantaine de personnes participent sous la direction d’Anne Torrès aux répétitions qui conduiront à la création de Lucrèce Borgia de Victor Hugo en septembre 2000 dans la salle transformable du théâtre.

Jean-Pierre Vincent avec ce même groupe d’acteurs amateurs – en partir renouvelé – engagera dès l’automne 2000 les répétitions qui conduiront en avril 2001 la création de la pièce de Valère Novarina  Le Drame de la vie . Le croisement d’énergies entre professionnels et acteurs amateurs est le principe de ces deux créations.

Victor Hugo, Lucrèce Borgia, deux monstres de théâtre

Dans l’ogresse Lucrèce, exécrable empoisonneuse, femme et mère déchirée par l’amour, le jeune poète romantique trouve un sujet à la hauteur de son ambition : révolutionner les conventions du théâtre classique, porter un drame en prose à la hauteur de la tragédie. Les Borgia, disait Hugo, sont les Atrides du Moyen Age. Lucrèce Borgia, drame populaire, pièce admirable, c’est Œdipe et Médée et Titus Andronicus. La fatalité intime est aussi politique.

L’action est à Venise, puis à Ferrare. Séparés par un secret, une mère et son fils se cherchent, s’aiment, s’entretuent. Une génération de jeunes gens succombe. Un cadavre flotte sur le Tibre. Au milieu du banquet, des cercueils attendent les convives. Celui qui arrive sans nom et aurait pu les sauver tous meurt à son tour. L’Italie titube, le monde se réveille l’œil vague pour découvrir qu’il a, au plus noir de la nuit, sacrifié le meilleur de lui-même.

Hugo écrit au cœur du tumulte, des déchirements, des bégaiements, des torsions douloureuses de l’histoire. Son sujet, c’est le seizième siècle, sa référence, Michel-Ange. Et son regret, que la France de 1832 ne soit capable, en politique comme en art, de produire qu’un déprimant reflet du tumulte et du sublime de la Renaissance.

Amour et meurtre, fête et poison, fête et boisson. Même le plus innocent s’intoxique ici par choix, par goût, par désespoir, en chantant. On vieillit très vite chez Lucrèce Borgia. Mais le poison, Hugo le sait bien, n’est qu’un leurre. Enfant, vieillard, poète de trente ans, Hugo se bat, une fiole à la main, contre cette fulgurance, cette pure angoisse du passage du temps.

Et qui sommes-nous pour affronter ces monstres ? Les Acteurs Amateurs des Amandiers jouent ici pour la première fois après un an de travail, rejoints par la chorale Dix de Chœur. J’ai demandé au compositeur Fabrice Parmentier d’écrire pour eux une musique de scène originale.

Anne Torrès

Extraits tirés de l'oeuvre de Victor Hugo

Hélas ! tout est sépulcre. On en sort, on y tombe :
La nuit est la muraille immense de la tombe.
Les astres, dont luit la clarté,
Orion, Sirius, Mars, Jupiter, Mercure,
Sont les cailloux qu'on voit dans la tranchée obscure,
O sombre fosse Eternité !
Une nuit, un esprit me parla dans un rêve,
Et me dit : - Je suis aigle en un ciel où se lève
Un soleil qui t'est inconnu.
J’ai voulu soulever un coin du vaste voile ;
J’ai voulu voir de près ton ciel et ton étoile ;
Et c'est pourquoi je suis venu ;
Et, quand j'ai traversé les cieux grands et terribles,
Quand j'ai vu le monceau des ténèbres horribles
Et l'abîme énorme où l'œil fuit,
Je me suis demandé si cette ombre où l'on souffre
Pourrait jamais combler ce puits, et si ce gouffre
Pourrait contenir cette nuit !
Et, moi, l'aigle lointain, épouvanté, j'arrive ;
Et je crie, et je viens, m'abattre sur ta rive,
Près de toi, songeur sans flambeau.
Connais-tu ces frissons, cette horreur, ce vertige,
Toi, l'autre aigle de l'autre azur ? - Je suis, lui dis-je,
L'autre ver de l'autre tombeau.

In Les Contemplations, au bord de l’infini
Au dolmen de la Corbière, juin 1855.

Qu'est-ce que c'est que Lucrèce Borgia ? Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d'une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de grandeur royale qui donne de la saillie au crime ; et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre, mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque aussi belle à vos yeux.

Victor Hugo
février 1833

L’art et l’auteur de ce livre n’a jamais varié dans cette pensée, l’art a sa loi qu’il suit, comme le reste a la sienne. Parce que la terre tremble, est-ce une raison pour qu’il ne marche pas ? Voyez le seizième siècle. C’est une immense époque pour la société humaine, mais c’est une immense époque pour l’art. C’est le passage de l’unité religieuse et politique à la liberté de conscience et de cité, de l’orthodoxie au schisme, de la discipline à l’examen, de la grande synthèse sacerdotale qui a fait le moyen-âge à l’analyse philosophique qui va le dissoudre ; c’est tout cela ; et c’est aussi le tournant magnifique et éblouissant de perspectives sans nombre, de l’art gothique à l’art classique. Ce n’est partout, sur le sol de la vieille Europe, que guerres religieuses, guerre civiles, guerre pour un dogme, guerres pour un sacrement, guerre pour une idée, de peuple à peuple, de roi à roi, d’homme à homme, que cliquetis d’épées toujours tirées et de docteurs toujours irrités, que commotions politiques, que chutes et écroulements des choses anciennes, que bruyant et sonore avènement des nouveautés ; en même temps, ce n’est dans l’art que chefs-d’œuvre. On convoque la diète de Worms, mais on peint la chapelle Sixtine. Il y a Luther, mais il y a Michel-Ange.

Ce n’est donc pas une raison, parce que aujourd’hui d’autres vieilleries croulent à leur tour autour de nous et remarquons en passant que Luther est dans les vieilleries et que Michel-Ange n’y est pas, ce n’est pas une raison parce qu’à leur tour aussi d’autres nouveautés surgissent dans ces décombres, pour que l’art, cette chose éternelle, ne continue pas de verdoyer et de florir entre la ruine d’une société qui n’est plus et l’ébauche d’une société qui n’est pas encore.

Parce que la tribune aux harangues regorge de Démosthènes, parce que les rostres sont encombrés de Cirérons, parce que nous avons trop de Mirabeaux, ce n’est pas une raison pour que nous n’ayons pas, dans quelque coin obscur, un poète.

Il est donc tout simple, que soit le tumulte de la place publique, que l’art persiste, que l’art s’entête, que l’art se reste fidèle à lui-même, tenax prosositi. Car la poésie ne s’adresse pas seulement au sujet de telle monarchie, au sénateur de telle oligarchie, au citoyen de telle république, au natif de telle nation ; elle s’adresse à l’homme, à l’homme tout entier. A l’adolescent, elle parle de l’amour ; au père, de la famille ; au vieillard, du passé ; et, quoi qu’on fasse, quelles que soient les révolutions futures, soit qu’elles prennent les sociétés caduques aux entrailles, soit qu’elles leur écorchent seulement l’épiderme, à travers tous les changements politiques possibles, il y aura toujours des enfants, des mères, des jeunes filles, des vieillards, des hommes enfin, qui aimeront, qui se réjouiront, qui souffriront. C’est à eux que va la poésie. Les révolutions, ces glorieux changements d’âge de l’humanité, les révolutions transforment tout, excepté le cœur humain. Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, des fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeur ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la baser de l’art, comme elle de la nature.

Pour que l’art fût détruit, il faudrait donc commencer par détruire le cœur humain.

In Les feuilles d’automne

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Informations pratiques

Nanterre - Amandiers

7, av. Pablo Picasso 92000 Nanterre

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Hauts-de-Seine Librairie/boutique Restaurant Vestiaire
  • RER : Nanterre Préfecture à 773 m
  • Bus : Théâtre des Amandiers à 7 m, Joliot-Curie - Courbevoie à 132 m, Liberté à 203 m, Balzac - Zola à 278 m
  • Voiture : Accès par la RN 13, place de la Boule, puis itinéraire fléché.
    Accès par la A 86, direction La Défense, sortie Nanterre Centre, puis itinéraire fléché.
    Depuis Paris Porte Maillot, prendre l'avenue Charles-de-Gaulle jusqu'au pont de Neuilly, après le pont, prendre à droite le boulevard circulaire direction Nanterre, suivre Nanterre Centre, puis itinéraire fléché.

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Plan d’accès

Nanterre - Amandiers
7, av. Pablo Picasso 92000 Nanterre
Spectacle terminé depuis le dimanche 8 octobre 2000

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