Toute la dramaturgie de Marivaux est construite comme une quête de la vérité et une recherche minutieuse des mots pour la dire. Et tous les artifices du théâtre sont précisément bons pour tenter de nommer cette vérité. La langue de Marivaux a paru en son temps affectée, quand lui-même cherchait le naturel et la sincérité. De fait, la recherche ardente des mots vrais qui anime l'auteur n'a d'égale que l'ardeur de ses personnages à prouver la sincérité des sentiments. Le génie de Marivaux – et ce en quoi il fut sans doute précurseur - est celui d'un théâtre où ce sont les mots qui produisent des péripéties. Dans ce jeu perpétuel où les sentiments se travestissent pour mieux s'avouer, où le masque révèle, le théâtre devient naturellement le lieu de la vérité.
Les deux courtes pièces présentées ici sont des oeuvres de la maturité. Indissolublement, la mise à l'épreuve et la comédie se font écho pour mettre les âmes à nu.
Les Acteurs de bonne foi est une des toutes dernières pièces de Marivaux ; et soit dit en passant, elle connut une notoriété tardive grâce à la brillante mise en scène qu'en fit André Barsacq en 1957. Elle est comme un souvenir de l'une des toutes premières où Arlequin, avant d'être poli par l'amour, ne savait pas d'abord distinguer la comédie du réel. Ici le rôle du théâtre est légèrement déplacé, et celui-ci prend une dimension symbolique singulière : la représentation va jusqu'à devenir la condition, le passage obligé de l'amour.
L'Epreuve pourrait fournir un titre générique à toute l'oeuvre dramatique de Marivaux. La machine à dévoiler la vérité est en marche, inexorablement. Et l'utopie d'un amour absolu laisse ici un goût d'amertume et de désenchantement. Peut-être l'importance de l'argent rend-elle à nos yeux plus cruelle la manipulation ?
Au sortir d'un chemin douloureux, quand l'amour rend les armes, quand il est enfin dit, il ne peut plus que laisser place au silence. A Lucidor qui la presse de répondre enfin à sa question unique et pressante " Vous m'aimez donc ? " , l'innocence blessée d'Angélique ne peut que répondre : " Ai-je jamais fait autre chose ? "
10, place Charles Dullin 75018 Paris