A lui tout seul, Massimo Furlan a décidé d’être tous les interprètes du concours de l’eurovision 1973. C’est un défi presque impossible, et à l’impossible nul n’est tenu, à moins d’accepter le ridicule.
Massimo Furlan est un artiste de la mémoire et de la reproduction. Dans Numéro 10, il rejoua seul et sans ballon, la demi-finale du Mondial de foot 82 sur la véritable pelouse du Parc des Princes. Dans son nouveau spectacle 1973, c’est au tour du concours de l’Eurovision 73 d’être ressuscité par l’artiste solitaire, ou presque.
Pourquoi 1973 ? Parce que : « Je me souviens de cette soirée d’avril… C’était l’heure du concours Eurovision de la Chanson. Nous étions Italiens nés en Suisse. Et dans ce concours bien sûr notre cœur battait pour le concurrent italien. Pourtant, ce soir-là, les choses se déroulèrent autrement : la prestation du concurrent suisse me stupéfia. Un jeune homme souriant, blond et grand, aux cheveux longs, chantait. Il était jeune, il semblait tellement à l’aise. Pourtant il était Suisse. Il ne ressemblait pas aux gens que je croisais dans la petite ville d’Ecublens près de Lausanne. Il semblait heureux. »
La reproduction à l’identique, à l’identique autant qu’il est possible c’est-à-dire au fond pas vraiment, n’est donc pas seulement un exercice de critique intellectuelle. Bien sûr, il s’agit pour Massimo Furlan de se pencher sur l’histoire de la télévision et sur celle de la culture populaire. Par exemple 1973 essaye de comprendre pourquoi les grands shows populaires tournent désormais toujours autour de la désignation d’un supposé meilleur. Quelle satisfaction a-t-on à vouloir sans cesse désigner des gagnants, des premiers, des nouvelles stars, des champions ? Mais 1973 est aussi un exercice de mémoire personnelle : si, à l’époque de Proust, la mémoire personnelle était enclose dans des sensations connues de soi seul, aujourd’hui elle est aussi engravée dans des images qu’on peut partager avec d’autres. Rejouer 1973, c’est aussi rejouer une enfance qu’on a eue à plusieurs. C’est s’amuser ensemble à se souvenir.
D’ailleurs 1973 est un spectacle où l’on s’amuse pas mal. S’il tente de reproduire l’Eurovision 73 à l’identique, Massimo Furlan n’a évidemment pas nécessairement la compétence pour chanter les partitions de tous les candidats. Et d’ailleurs il n’est même pas assez nombreux à lui tout seul pour les duos. Sans compter que les costumes des excentriques seventies ne lui vont pas forcément. C’est ce qui fait que 1973 est avant tout un spectacle burlesque, où refaire c’est toujours risquer de rater largement, et comiquement.
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