Mayday Mayday est conçu sous la forme d’un diptyque que le chorégraphe lance, comme on lancerait un SOS : d’abord par le filtre d’une résistance qui nous pousse à sortir nos monstres (Ridi ! Pagliaccio !, solo 2009), puis par une tentative de réappropriation de ses espaces intimes comme une façon d’être au monde (I wanna dance all night, solo 2010-2011).
Conception et chorégraphie Philippe Ménard
Interprétation Stefania Brannetti
Collaboration technique Olivier Crochet
Durée 30 min
Clin d’oeil à l’opéra de Leoncavallo où le désespoir côtoie le rire, Ridi ! Pagliaccio ! conduit la danseuse à jouer de ce que l’on subit, jusqu’à rire pour ne pas pleurer et absorber tant bien que mal les contraintes d’un monde en marche. Un monde écartelé, où le plaisir et les sourires tentent d’être salutaires. Elle livre un corps en crise, sans concession, poussé jusqu’à la monstruosité, oscillant entre horreur et candeur. Ridi ! Pagliaccio !, une comédie qui se répète tous les soirs sur scène, et dont les sentiments exacerbés oscillent entre réalité et fiction, entre effroi et ravissement. Au final, reste le choix de faire l’autruche, de sombrer devant l’évidence, ou de rire de notre propre folie.
Ris ! Clown !
« Mets ton costume,
et le visage enfariné.
Les gens payent, et ils veulent rire ici.
Et si Arlequin te vole Colombine,
Ris, Clown, et chacun t’applaudira !
Transforme en lazzi les spasmes et les pleurs
en une grimace le sanglot et la douleur, Ah !
Ris ! Clown ! »
In Pagliacci, opéra de Leoncavallo
Conception, chorégraphie et interprétation Philippe Ménard
Textes et regard dramaturgique : Carole Thibaut
Durée : 40 minutes
Etre comme ceux-là qui s’inventent leur monde / Temps fragile / Bulle suspendue / Ceux-là qui, seuls au monde, dansent avec leur double / Tous ceux-là que ça a dû sauver (Forcément ça a dû en sauver quelques-uns) / Ceux-là de toute fragilité / Ceux-là vus déjà : la petite vieille, l’enfant et l’interné / Tous ceux-là qui, seuls au monde, dansent avec eux-mêmes / Dans ce temps suspendu d’eux-mêmes / Etre comme ceux-là
Avec l’envie de remercier / Un vrai remerciement / Une salutation au monde / Merci le monde / Je m’ouvre tout à toi le monde / Toute ouverture à toi / Comme à la fin du contact / Je te donne l’envers de moi le monde / Je te retourne ma peau / Regarde / L’envers de mon dos / L’envers de moi / Tout de moi je te donne le monde / Enfin / J’essaie
Et pourquoi pas une fanfare / Tout ça en fanfare / Avec l’envie de pleurer et de rire à la fois / Avec une fanfare / Une fanfare municipale qui traverserait la scène / Et quelques majorettes en fond / Quelques majorettes à jupettes et bâtons blancs argentés qui lèveraient la jambe en cadence au fond de la scène / Derrière les musiciens de la fanfare municipale qui défileraient / Et moi tout devant / Habillé en clown Paillasse / Tout de blanc argenté délavé vêtu / Moi tout devant et hors de moi à la fois / Moi rivé au sol / Là / Peau retournée en grand remerciement.
Il s’agit ici de relier le danseur avec son parcours personnel dans la danse. Comment il peut reconquérir sa nécessité première de la danse. Comment il peut à travers la superposition des codes de toutes les danses traversées, reconquérir son propre geste dansé. Est-ce que celui-ci existe seulement ? Préexiste-t-il chez le danseur un geste dansé intime, survivant, émergeant, à tous les codes et gestes traversés ? Un geste dansé essentiel à retrouver ? A inventer ? A réinventer ? Ou bien est-ce le destin du danseur de finir là, à cet endroit du tableau blanc, à cet endroit où rien ne peut plus être dansé, définitivement ?
Note d'intention
« Pour cette deuxième partie du diptyque, je collaborerai avec Carole Thibaut, auteure et metteuse en scène. Bien qu’il s’agisse ici de mettre le corps au cœur du propos, d’aller le chercher dans son pli, dans son repli, de le faire “passer aux aveux”, de laisser les organes, viscères, tendons et muscles mener la danse, je souhaite laisser aux mots la possibilité de se frayer un chemin à l’intérieur du corps et d’observer quelle parole intime peut émerger de ce processus. Il s’agit ici de tenter de me réapproprier mes espaces et nécessités intimes, à travers mon parcours d’artiste. Comme une introspection à travers la danse : Pourquoi la danse, quelle danse aujourd’hui pour moi, quel sens elle a, comment ne pas échouer dans l’immobilité ? « je vais danser toute la nuit » est une forme de résistance : être en mouvement à tout prix, comme une nécessité vitale… mais comment et pourquoi ? » Philippe Ménard
« Tenter de faire parler l’indicible : ce qui se fabrique dans la chair, les nerfs, les muscles, le mouvement du danseur. Tenter de traduire en langue poétique ce qui se fabrique là. Ne pas illustrer, ne pas « décorer » de mots. Entrechoquer ces deux langages, celui parlé et celui dansé. Trouver le point exact où, au lieu de s’annuler, ils se complètent de façon essentielle. Au détour d’une répétition, butter contre le concept, celui des mots ou de la danse. Butter contre ça qui finit et a fermé tous les sens du danseur en trop grande volonté d’intelligence. Tuer l’intelligence. Tuer la volonté. Revenir à l’inconscience. Retrouver le clown sous le maillot en sueur. Attaquer le mot par le poétique. Revenir à la chair des mots et à la chair du danseur. Chasser le sens à travers les sens. L’essence. Rechercher les gestes et les mots essentiels. Vitaux. Ceux qui pourront libérer le corps du danseur. Pour qu’il reprenne sens et vie. Chercher du côté de l’inconscience. Du plaisir. De la jubilation. Etre un idiot jubilant. Chasser les codes, les synthèses mille fois accolées au geste. Tenter la description simple, technique, y dessiner jaillir une poétique du corps. Pousser le danseur épuisé à danser encore et encore les mots. Contempler ce corps en recherche de soi-même, en gestes fous, en recherche de sens. Accompagner fraternellement ce corps oscillant au bord de son propre vide. L’entourer de mots comme de bras aimants. Pétrir ce plein d’humanité et de fragilité. Et enfin dans une ultime perte relier le corps du danseur à sa propre vie. » Carole Thibaut, septembre 2010
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris