Avec Le Procès, La Métamorphose est sans doute la nouvelle la plus célèbre de Kafka. On suit l’histoire de Gregor Samsa, représentant de commerce, qui se réveille un matin sous l’apparence d’un insecte repoussant et monstrueux.
Avec ce huis clos singulier, Sylvain Maurice parie que Kafka offre la possibilité d’un théâtre profondément décalé, étrange et drôle à la fois. Gregor sera plus facétieux que l’on imagine de prime abord, plus proche de Buster Keaton que de Freaks, et le fantastique laissera toute sa part à l’humour.
Pour faire exister les différentes dimensions du scénario (du récit objectif des faits à la part subjective du rêve), le metteur en scène travaille plusieurs techniques telles la manipulation d’objets et ombres chinoises couplées avec de la vidéo.
La musique aura la part belle, à l’instar de l’œuvre originale où le violon de sa jeune soeur est vécu par Gregor comme dernier encrage avec la réalité. La musique du spectacle sera donc jouée en direct pour une part, mais une création sonore, invisible au public, suggérera les grognements et autres sons plaintifs de la bête.
Un spectacle entre rêve et réalité, un cauchemar éveillé d’où l’on sort mi inquiet, mi amusé.
« Métamorphoses a pour sujet la famille et ses névroses. En se transformant, Gregor met à jour les contradictions, les secrets et les mensonges familiaux : le père, qui vit grâce au dur labeur du fils ; la mère, dépossédée de son destin, rongée par l'angoisse ; la soeur, tendrement aimée, qui trahit son frère... Mais plutôt que de mettre en scène un huis-clos psychologique, je propose une plongée dans l'étrangeté. Grâce à la vidéo, je veux mettre en scène ce que voit Gregor, sur le mode de la caméra subjective : il observe, scrute et dévoile ce qui est caché, affirmant sa singularité. Le spectateur observe le monde avec le regard de Gregor, un regard où les rapports d'échelles et les lois de l'apesanteur sont décalés et modifiés.
Ce nouveau point de vue n'est pas simplement subversif dans son rapport à l'espace, mais également dans son rapport au monde : la paresse plutôt que le travail, des nourritures fortes plutôt qu'aseptisées, et une sexualité qui se révèle envahissante. Gregor est-il un monstre, un insecte, un « alien » ? Chacun peut imaginer en fonction de sa sensibilité et de ses propres fantasmes. Le spectateur actif élabore sa propre représentation.
Je souhaite qu'on ne voie jamais Gregor, mais qu'on le découvre à travers le regard des autres. Dans ce singulier huis-clos, les objets sont le médium du fantastique. Ainsi d'une armoire, « machine à jouer » avec trappes et double-fond, où Gregor est enfermé : elle est autant un refuge, un lieu secret qu'une carapace. Matrice inquiétante, travaillée par ses instincts, elle ingurgite et régurgite la nourriture et avale les personnages qui veulent en forcer l'accès. Elle fonctionne comme une boîte de Pandore, qui s'ouvre sur l'infini et donne à Gregor des pouvoirs de transformation et d'ubiquité : est-il dans l'armoire, dans la commode, sous le tapis ? Peu à peu tout l'appartement se métamorphose...
Je fais le pari que Kafka offre la possibilité d'un théâtre profondément décalé, étrange et drôle à la fois. Je souhaite un Gregor plus facétieux qu'on ne l'imagine de prime abord. Je pense au cinéma muet, à Buster Keaton... Le fantastique doit laisser toute sa part à l'humour. Adapter La Métamorphose c’est à la fois produire un théâtre très réel, ancré dans la banalité du quotidien et très fantastique, pour toucher l’au-delà du miroir. »
Sylvain Maurice
22, rue Paul Vaillant-Couturier 92140 Clamart
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