Angels in America (créé en 2015 avec le succès que l’on sait) exaltait la faculté d’imagination comme propre de l’homme. Avec ces Métamorphoses, inspirées des mythes les plus anciens de notre Occident, Aurélie Van Den Daele et ses complices interrogeront directement l’image et son pouvoir dans notre société. Comment se construit une image ? À partir de quand est-elle possible, crédible voire « réelle » ?
Sur le plateau de l’Aquarium, lieu de l’illusion par excellence mais aussi de sa propre dénonciation, des images seront construites sous vos yeux grâce à tous les artifices du théâtre et des nouvelles technologies. Des images aussi incroyables que sont les métamorphoses racontées jadis par Ovide, aujourd’hui par Ted Hugues : des corps humains changent soudain de sexe, de peau, se muent en cerf, en narcisse, en saule, en écho, des dieux deviennent des hommes, des hommes deviennent des monstres qui s’entredéchirent ou s’auto-dévorent... Toute image est bien sûr révélatrice de notre rapport profond au désir, à soi, à l’Autre. Mais une image « parle » autant qu’elle se tait, car elle est imbibée de normes sociales, culturelles, religieuses, de tabous, d’interdits – hier comme aujourd’hui.
Jouer avec les images en direct, c’est donc en apprécier le pouvoir, peut-être pour mieux s’en libérer : une pure catharsis ! Jouer avec les métamorphoses, qui font passer une image dans une autre, qui les mêlent, les bricolent, c’est se réapproprier notre liberté d’imaginer : un espace d’utopie.
« Un spectacle qui mêle cinéma, théâtre, musique et art plastique afin de revisiter quelques uns des mythes fondateurs d’Ovide.(...) Le propos est ambitieux et original. » Jack Dion, Marianne.fr
« Cette évocation des Métamorphoses, qui réussit à faire sourdre l’origine mythique de nos pulsions modernes, est séduisante, elle fait la part belle à nos fantasmes, à nos imaginaires contrits. » Évelyne Trân, LeMonde.fr
« Comme illustration d’un immense et permanent bouleversement du monde, c’est plutôt bien vu. » Gérarld Rossi, L’Humanité.fr
« Aurélie Van Den Daele réussit une épopée fantastique et onirique sur des figures mythiques de la tragédie grecque, ancrée dans notre époque. Un spectacle qui parle de notre siècle (...). C’est à la fois décapant et maîtrisé. Serait-ce le spectacle de la maturité ? » Stéphane Capron, Sceneweb
« Ce théâtre nous force à fouiller dans notre inconscient collectif. Chacun trouvera en lui ses propres échos à cette langue d’une poésie fortement puissante et évocatrice. » Richard Magaldi-Trichet, Le Petit Rhapsode
« Signalons le talent des musiciens : Christophe Rodomisto et Tatiana Mladenovitch. Polymorphes et inspirés, Alexandre Le Nours et Mara Bijeljac, les deux comédiens servent brillamment une histoire pleine de bruits et de fureur. »Gérard Noël, Reg’arts
« Aurélie Van Den Daele met en œuvre une confrontation féconde entre l’univers du mythe, de l’extraordinaire et du tragique, et la banalité tranquille d’une salle des fêtes, ouvrant sur un surgissement quasi magique. » Estelle Moulard-Delhaye, Le Souffleur
Métamorphoses nous emmène à la croisée de chemins entre cinéma, théâtre et arts plastiques. Autant de disciplines pour questionner l’ancestralité de ce poème d’Ovide. Autant de voies pour interroger la catharsis. Autant de forces vives de la création pour ré-inventer le statut d’interprète et son pouvoir de fabrication en direct.
Le théâtre donnera à voir le trivial de la transposition contemporaine. Le cinéma donnera à voir la citation du mythe. Ainsi chaque mythe commencera par une vidéo. Une vidéo qui donne la fin du mythe : métamorphose, ou disparition, climax ou suspens. Ces vidéos seront esthétiques et éthérées. Nous nous inspirerons du travail de Lars Von Trier dans la dernière partie de sa filmographie ou de Bill Viola.
Cette règle fait partie d’une charte que nous nous sommes fixés pour travailler et qui sera transmise aux spectateurs en début de représentation pour semer le trouble ou donner des indices. Nous questionnons les modes de narration à travers les disciplines convoquées au plateau.
Nous cherchons les échos du magique, du majestueux, du métaphysique même à travers un travail de transposition et d’écriture scénique. Nous interrogeons le lieu commun, quotidien, ordinaire comme micro-société aux classes sociales variées. Nous composons une fresque humaine et Historique grâce à cinq mythes de cette légende des siècles.
Térée
Térée épouse Procné, fille de Pandion, Roi d’Athènes. Cinq ans plus tard, il va chercher Philomèle, la sœur de sa femme. Sous l’emprise d’une passion criminelle, il séquestre la jeune fille, la viole et lui coupe la langue pour la réduire au silence. Le destin réunit les deux sœurs qui, pour se venger de Térée, lui font dévorer son fils dans un banquet macabre. Dans une course folle, ils se métamorphosent tous trois en huppe, en hirondelle et en rossignol.
Érysichton
Érysichton, héros thessalien, s’attire la haine de Cérès pour avoir abattu un de ses arbres sacrés. Elle le condamne à une faim que rien ne peut apaiser. Quand il a mangé tout son bien, il vend sa fille comme esclave. Grâce à la faculté qu’elle possède de revêtir des formes diverses, elle veut rassasier la faim qui dévore son père mais cela ne suffira pas. Dans un ultime festin, il se dévorera lui-même.
Phaéton
Phaéton est fils du Soleil, mais personne ne le croit. Alors il monte au palais de son père qui lui confirme. Comme gage de sa tendresse, Phaéton lui demande de pouvoir conduire son char à travers les cieux. L’orgueil du jeune homme est fort et le père ne peut l’en dissuader. Dans sa chevauchée, il embrase le Ciel et la Terre. Jupiter le foudroie, son corps disloqué est enseveli par ses sœurs les Héliades, qui sont ensuite changées en peupliers.
Narcisse
À la naissance de Narcisse, Tirésias prédit qu’il vivra vieux « sauf s’il apprend à se connaître ». D’une beauté exceptionnelle mais d’un caractère fier, il repousse les prétendants dont la nymphe Écho, déjà malheureuse de ne pouvoir répéter que les fins de phrase. Cette nouvelle brutalité la réduit à l’état de voix. Pour se venger et venger la nymphe, un prétendant en appelle aux dieux. Le châtiment : Narcisse tombe amoureux et meurt de cet amour impossible, celui de son reflet.
Le Chaos, les quatre ages et le déluge
Un dieu tire le monde du chaos : il sépare les éléments, donne au ciel et à la terre leur forme définitive et crée les êtres vivants. Quatre âges du monde se succèdent : l’âge d’or, d’argent et d’airain pour arriver à l’âge de fer. Cet âge où l’on pille la terre, où l’on ne respecte ni la foi des serments, ni la justice, ni la vertu. Jupiter convoque l’assemblée des dieux et leur annonce son intention de noyer l’humanité.
Je regarde le monde. De mes yeux de jeune adulte. Je vois un monde cartographié de feu. Je vois un monde où l’homme ouvre le ventre de la terre, fourragea dans ses entrailles. Les métaux précieux que le créateur avait cachés aussi près que possibles des Enfers furent extraits, nouvelle drogue pour le crime. Comme le dit Ted Hughes. Un monde où la terre n’est plus une ressource à respecter mais un capital à explorer. L’une des raisons du projet est de proposer un nouveau regard sur l’environnement au sens de ce qui nous entoure. Un regard bienveillant, poétique et onirique qui nous détacherait de l’approche consumériste que nous avons du monde. Pour cela, le cinéma sera notre guide : donner à voir le majestueux de la nature.
Je regarde le monde. De mes yeux de jeune adulte. Je vois la barbarie perpétuée, les redites de l’histoire qui pour moi, naissent de la petite histoire. L'une des raisons du projet est de donner au théâtre la force d’un espace exutoire, d’un endroit de partage, de communion où l’on représente pour fantasmer, pour donner corps à l’imagination. Pour cela, le théâtre sera notre guide : transposer les mythes dans des situations contemporaines. Les situations seront jouées dans un univers trivial où le drame est traité comme dans les mythes : Nous le connaissons, nous le pressentons mais quand il arrive, nous sommes surpris.
Formellement le projet est nourri d’une volonté de créer autrement, à la manière des réalisateurs du dogme qui s'imposèrent des règles de création nous souhaitons raconter notre monde et la friction nature / technologies, pouvoir / respect. C’est en partant de l’idée d’un spectacle qui devait parler à tous, comme les mythes parlent à notre inconscient collectif, que le dispositif de salle des fêtes s'est imposé : un espace de célébration, de partage mais aussi de révélation des non-dits, de bagarres, un espace d’histoires. Un espace exutoire inspiré notamment d’une installation de Claude Levêque qui convoquerait aussi l’étrangeté du photographe Gregory Crewdson.
Ainsi Métamorphoses célèbre les fêtes d’amour : mariage, communion du fils, retrouvailles, noces de fer qui scelleront le repas transgressif. Autant de banquets pour jouer le drame de Térée.
Ainsi Métamorphoses s’invite dans des temporalités différentes : un soir de repas de Noël pour évoquer la folie fanatique d’Érysichton, un feu d’artifice un soir de 14 juillet, pour rendre compte de la solitude de Phaéton.
Ainsi Métamorphoses s’immisce dans les coulisses des désirs et des déclarations d'amour, dans le labyrinthe des pulsions. Métamorphoses proposera un paysage de fabrique où les matières s’accumuleront, crééant des images oniriques dans cet univers quotidien. Les interprètes noieront les traces des mythes qu’ils ont joué, autant de vestiges à renouveler chaque soir de représentation. Ils ne raconteront pas, ils incarneront. Ils se glisseront dans les manteaux de ces personnages ancestraux et historiques avec des appuis contemporains très forts.
Le jeu sera intense et organique sur le plateau du théâtre, puissant et éthéré dans les séquences de tournage. Les situations très actuelles et fournies des mythes viendront nourrir le jeu cinématographique.
Aurélie Van Den Daele
L’une des premières questions que l’on envisage quand on souhaite « mettre en scène » les métamorphoses, c’est sa possibilité : comment faire exister ce monde qui n’est plus ? Le chaos, le déluge, les quatre âges…la beauté d’une nature qui transcende les pêchés, mais aussi l’animalité du désir, la cruauté des dieux et des transformations toutes plus intenses les unes que les autres : Actéon le chasseur, changé en cerf pour avoir vu Diane nue, Narcisse qui se voyant lui-même fond puis renait fleur ou encore Erysichton qui se mangera lui même. Comment les rendre crédibles dans l’espace théâtral, l’espace des possibles mais aussi l’espace de l’illusion ?
Cette question est au coeur d’un projet comme les métamorphoses, c’est pourquoi nous avons choisi d’interroger tant l’histoire antique de « comment les corps se sont changés en d’autres corps » (comme le dit Ted Hughes dans Contes d’Ovide) que sa fabrication théâtrale.
La forme et le fond seront profondément imbriqués dans notre version des métamorphoses. Nous souhaitons assumer un postulat de départ : nous sommes sur une scène, en plein monde de la reproduction, de la dénonciation, et de la fabrication. Et c’est devant vous, devant chaque spectateur que nous allons construire ces images.
Peu à peu ces images nous feront vaciller dans l’onirisme, la magie, la poésie qui réuniront les conditions pour que d’autres rapports à la nature, aux autres, au paysage deviennent possibles. Peu à peu, les images fabriquées dépasseront leurs dénonciations. Pour que l’histoire antique, incroyable puisse exister.
Notre démarche formelle a autant pour but d’interroger et de déconstruire les mythes fondateurs. Pour mieux laisser poindre nos utopies. Cela, sur des territoires mouvants, où le théâtre, les installations et le cinéma se croisent pour intensifier réciproquement leur potentiel imaginaire.
J’aimerais que les métamorphoses aient l’intensité d’une série télévisée dont l’histoire serait puisée dans les fondements de notre civilisation. En un nombre réduit de tableaux, j’aimerais arriver à rendre compte de l’écart entre le monde antique et le monde contemporain : qui sommes nous dans notre rapport aux éléments naturels, dans notre rapport à la divinité, et comment les grands principes des métamorphoses (une réflexion métaphysique sur les pêchés aussi : qui a fauté, qui aura raison, qui saura dépasser son propre orgueil) racontent ce que nous ne sommes plus.
Pour cela le premier travail qui s’impose est une sélection dramaturgique des séquences qui conduisent le sens, une réflexion autour des éléments : le feu, l’air, la terre et l’eau. Ainsi certaines Métamorphoses apparaissent évidentes à traiter : Phaéton et son père, le dieu soleil pour le feu. L’épisode de Tirésias, Echo et Narcisse qui conduit Narcisse à s’observer dans l’eau pour ne jamais pouvoir se détacher de son reflet, Callisto et Arcas qui finiront dans le ciel pour l’air, mais aussi Médée pour son rapport à la terre.
Les métamorphoses sont comme un puzzle dont nous nous amuserons avec les pièces. Pour rendre le spectateur actif face à cette généalogie qui lui est transmise. Lorsqu’on lit « Tristes » d’Ovide, qu’il écrit en exil, on l’imagine puiser son énergie dans ces mythes fondateurs qui mêlent les dimensions (lesquelles ?) dans leur puissance d’évocation.
Il en est de même de Ted Hughes, poète anglais, païen, qui un an avant sa mort réécrit Les métamorphoses pour rendre à Ovide « le sang qui avec le temps était venu à lui manquer à son tour… ». Les Métamorphoses ont interrogé les arts. Et l’Histoire. Jusque l’enfant que j’étais.
Cela servira de fil rouge à notre dramaturgie : comment et pourquoi une oeuvre traverse le temps ? A travers ces deux figures, Ovide et Ted Hughes ; mais aussi celle de l’imaginaire d’un enfant qui porterait le nom d’un personnage antique, ou d’un interprète qui se prendrait pour mythologique, nous interrogerons la traversée.
La Cartoucherie - Route du Champ de Manoeuvres 75012 Paris
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