Le spectacle retrace la correspondance échangée entre Guillaume Apollinaire et Louise de Coligny-Châtillon, « Lou » au début de la guerre de 1914. La comédienne, à la fois pudique et sensuelle, apporte ironie, humour et détermination au personnage de Lou. Très vite elle devient la porte-parole du poète puis l’incarne. La scénographie est un paysage d’encre et de feuilles. Le papier se plie, se déplie, se froisse tel un origami. La peinture s’y répand puis s’y projette. La musique convoque Sati. Des archives sonores qui nous plongent dans le sourire de cette époque avant qu’elle ne bascule.
En 1914, Apollinaire (l’un des écrivains les plus influents du XXe siècle) fait la connaissance d’une jeune femme à Nice dont la personnalité le fascine sur-le-champ et dont il tombe éperdument amoureux dès le premier regard : Louise de Coligny-Châtillon. Elle répond à ses avances par un jeu ambigu d’acceptations et de dérobades subites qu’il ne s’explique pas. Après une rebuffade qu’il croit définitive, il s’engage volontairement dans les troupes françaises à Nîmes, le 6 décembre 1914. Mais celle qu’il appellera désormais « Lou » va l’y retrouver dès le lendemain. Pendant huit jours il connaît auprès d’elle une passion déchaînée, d’un érotisme raffiné et violent.
Dans les tranchées, Apollinaire idéalise cette femme qu’il aime et en fait sa Muse, une étoile qui luit au-dessus des tranchées. L’urgence de la guerre et de l’amour lui insuffle la nécessité de lui écrire pour survivre.
Mon Lou est une adaptation des Lettres à Lou et Poèmes à Lou d’Apollinaire, projet initié et interprété par Moana Ferré, mise en scène par Christian Pageault.
« Alors que je m’apprêtais à monter une pièce sur la guerre de 14, je suis tombée sur Lettres à Lou, ce recueil de lettres envoyées par Apollinaire à Lou, alors qu’il était sur le front, dans les tranchées. La force des lettres, dans cette urgence de la guerre, parfois érotiques, totalement libérées et si passionnées, m’a séduite et ravie, à l’heure des textes courts, des textos qui aujourd’hui cherchent à raconter l’amour. Frustrée de n’avoir que le point de vue d’Apollinaire, j’ai fait des recherches et suis aussi tombée sur une des rares lettres de Lou à Apollinaire qui existent.
C’est particulièrement le personnage de Lou qui m’intéresse. Cette femme décrite par André Rouveyre, ami d’Apollinaire, comme « spirituelle, sensible, insaisissable, gracieuse et novice aventureuse, frivole et déchaînée ». Il ne m’en fallait pas plus pour avoir envie de « goûter » en tant que comédienne à cette femme « moderne » pour l’époque, d’une extrême liberté, qui n’avait peur de rien, « Lou la plus pudique des impudiques ». » Moana Ferré, la comédienne
« Que dire de plus qui n’ait été raconté sur la correspondance d’Apollinaire et Lou ? En deux phrases, laissées rapidement sur ma messagerie de peur de dépasser les deux minutes fatidiques, Moana Ferré m’a convaincu : « C’est une femme assez libre, qui a divorcé plus tôt que les autres, une des premières aviatrices de l’époque, qui est allée sur le front en tant qu’infirmière bien avant Apollinaire ; elle mettait des pantalons, avait plein d’amants, se coupait les cheveux plus court que les autres... ». Elle a terminé son deuxième message par ces mots : « J’aurais adoré recevoir des lettres comme ça. ».
Je tenais le fil d’Ariane : non pas une reconstitution « historique » du personnage mais le trajet d’une femme de notre époque réagissant à une correspondance passée. Nous n’avons jamais l’occasion d’entrer dans l’intimité d’un couple, seule la correspondance le permet. à ce titre les lettres d’Apollinaire sont un document précieux et rare. Dans le spectacle prose et poésie se côtoient. Quand la forme poétique surgit, on ressent de ce que peut-être le fulgurant surgissement de l’inspiration qui s’empare du poète quand celui-ci devient « canal ».
Le spectacle dépasse ainsi toute temporalité : il parle de notre rapport à l’amour, décrivant toutes les étapes de la relation amoureuse, de la passion à l’idéalisation, et même jusqu’à ce que les sentiments s’estompent.
Dans l’espace, le papier se plie, se déplie, se déploie, s’étend, se tend, se froisse... Tour à tour immense page blanche, écran en fond de scène, origamis précieux de lettres pliées et dépliées, ce dispositif évolutif nous emmène dans un paysage intérieur d’encre et de feuilles et peinture faite sur-le-champ. La musique d’esthétique contemporaine, avec quelques pointes d’humour des archives sonores de l’époque, participe à la naissance d’émotions sidérantes, extatiques, en harmonie avec les mots d’Apollinaire. D’abord Lou, relisant les lettres qu’elle a reçues, la comédienne Moana Ferré se métamorphose peu à peu, devenant Apollinaire s’adressant à Lou à la fin du spectacle. » Christian Pageault, le metteur en scène
53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris