Adela dit que Mr Carvé « insistait toujours pour jeter ces boîtes avec des chemises… Des choses qu’on rêve de trouver dans la rue… Qui, enfant, n’a pas rêvé de trouver une boîte pleine de… ? » Qui est ce mystérieux Mr Carvé qui réalise ses désirs d’enfant ? Quant à “l’homme” et “la femme”, ils sont à la recherche d’une certaine veste marron et de son pantalon. L’homme précise à sa compagne : « Tu sais ce que représente ce costume pour moi ». Alors, cette dernière se souvient qu’une femme a frappé à la porte, hier après-midi : elle voulait qu’on lui donne quelque chose, de la nourriture, des vêtements... Qu’est-t-il arrivé ? La femme a-t-elle donné le costume marron de son mari à une pauvre ?
Lùisa, de son côté, parle sans fin à sa mère morte : « Hier, maman, ma petite maman, preuve que Dieu existe, maman… J’ai ouvert ma valise, je ne sais pas pourquoi, sans m’en rendre compte, j’ai sorti ma petite veste verte, je me suis assise sur une chaise et j’ai commencé à la détricoter. Je ne sais pas pourquoi. » Que se passe t-il donc dans la tête de cette drôle de Pénélope ? Dans l’univers de Veronese, tout commence de façon anodine, sous l’influence d’un objet apparemment quelconque : imperceptiblement, celui-ci va nous emmener ailleurs.
Nous passons ainsi, sans nous en rendre compte, de préoccupations matérielles à des intérêts métaphysiques. Sous la secrète impulsion de cet objet-clé, les personnages de Veronese réalisent qu’ils sont bouleversés : ici, échappés de la vie quotidienne, des vêtements poussent Adela, le couple et Lùisa à prendre des décisions irréversibles ou à prendre conscience de leur désir inavoué. Tout devient possible, même le plus incroyable. Ils sont entraînés dans un monde onirique qui n’appartient qu’à eux. Ils plongent sans possibilité de retour : rien ne sera plus pareil dans leur vie, jamais.
J’ai découvert ces textes il y a une dizaine d’années et ils se sont imprégnés en moi. Aujourd’hui, je serais comblée de pouvoir partager mon enthousiasme avec le public. La discrète étrangeté du quotidien, éclairé d’une drôlerie qui flirte volontiers avec le fantastique, demande que l’essentiel de mon travail porte sur la direction d’acteurs, dans une scénographie d’une extrême simplicité, allant jusqu’au dépouillement.
Sophie Caffarel
6, rue Pierre Bullet 75010 Paris