« Un livre énorme, mon bon ! Nana tourne au mythe, sans cesser d’être réelle… » Flaubert
Sexe, pouvoir, rumeur et leurs liens inextricables mis à l’ordre du jour par un Zola à la plume ravageuse… Sous la forme jubilatoire du théâtre-récit, Nana est contée, esquissée, croquée !
« À nos yeux d’aujourd’hui, il paraît évident que Zola n’était ni un grand libertaire (d’aucuns notent même chez lui certain aspect moralisateur, voire puritain), ni un féministe enragé. Zola annonce qu’il va tout révéler de ce qu’il perçoit, à son époque, comme étant « la vraie fille ». Cette « vraie fille » est Nana, enfant de Gervaise et Coupeau (L'Assommoir), gagnant une place mondaine et une fortune par l’usage de son sexe.
Nana nous est donc décrite par un homme qui ne cherche ni à l’excuser ni à la sauver, et qui, tout au long du roman, insiste sur sa nature de « brave bête », sur son animalité dépourvue - et ce de façon extrêmement primaire - de pudeur ou de conscience.
Paradoxalement, cette femelle, car c’est une femelle que l’on nous présente, est traversée d’éclairs lucides sur la folie du monde aisé, qu’elle découvre se précipitant avec délices vers sa propre perte. Éclairs fugitifs, vite effacés par l’urgence d’une nouvelle dépense, d’un nouveau plaisir ou d’une nouvelle ruine.
Nana, dans son inextinguible appétit, s’avère capable de survivre à tous et à tout, excepté à la fatalité punitive que lui fait subir l’auteur.
Très vite il nous est apparu que notre propre passion pour ce texte venait de ce qu’il révèle clairement le regard d’un homme conscient d’un ensemble d’enjeux (politiques, sociaux, sexuels) sur une femme qui, les ignorant, les ridiculise. Autre élément essentiel à nos yeux : la fulgurance des évènements dans le récit. Tout est crucial, mais rien ne dure. Une même fugacité s’applique à tout : succès, désaveu, amour… même à la guerre approchant, dont la menace pourtant imminente semble n’être qu’un détail pour cette société vouée aux futilités de l’instant. Ainsi l’axe dramaturgique et le rythme de « notre » Nana se sont-ils définis, orientant nos choix dans le cadre du théâtre-récit pour lequel nous avions opté. Enfin, après de multiples essais scénographiques, un dénuement presque cru s’est imposé.
Notre désir, notre place, sont de simplement livrer « une Nana » passée par le filtre de nos perceptions actuelles, et de la proposer aux spectateurs comme une interrogation dont chacun aura une dé !nition personnelle. Les discussions enflammées que nous avons pu entendre à l’issue du spectacle nous poussent à croire que ce désir, cette place, ont bien un sens...
Céline Cohen et Régis Goudot
« Rien que le jeu et une intelligence suraiguë du texte et de ses fondements philosophiques et politiques, une économie scénique qui mesure ses effets en les rendant remarquablement efficaces : ce spectacle est une des meilleures illustrations de l’hommage et du magnifique service que peut rendre le théâtre à la littérature. » Catherine Robert, La Terrasse, 28 septembre 2013
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