Néron et Poppée

D’après "Le Couronnement de Poppée" de Monteverdi
Spectacle joué en alternance avec Britannicus

Dans Le Couronnement de Poppée, Néron est un tyran capricieux et pervers tout comme le portrait qu’en fait Racine, quelques trente ans plus tard dans Britannicus.

Mais c’est un tyran réellement amoureux que Monteverdi met en scène.

Le livret que Busenello tire de Tacite ne fait que confirmer ce dont l’histoire témoigne ; et son amour pour Poppée, loin d’être rédempteur, ne fait qu’aiguiser son cynisme et le conduira entre autre à sacrifier Sénèque le conseiller vertueux.

Mais le génie musical de Monteverdi infléchit notre jugement et laisse au loin l’anecdote historique et sa portée morale. Il nous confond totalement grâce aux superbes accents amoureux qu’il prête à Néron.

Il choisit de lui donner une humanité par delà sa noirceur rédhibitoire.

Les maginifiques duos d’amour entre Néron et Poppée, aux tournures mélodiques souples et sinueuses entrecoupées de "soupirs" font éclater leur sensualité, et le réel attrait qu’ils ont l’un pour l’autre. La sincérité musicale que Monteverdi offre à leur amour, les rachète et nous trouble.

De même qu’à l’inverse, il parvient à installer le doute quand à la "pureté" des victimes : Sénèque, Octavie et Othon leur donnant un contour musical respectivement dépressif, haché ou extrêmement hésitant.

Car Monteverdi sait faire miroiter les intimes reflets et les multiples contradictions de l’âme humaine, selon le principe des "affetti" caractéristique de la musique baroque. 

Sa veine mélodique, son sens de l’éclairage harmonique s’infléchissent aux moindres nuances de la palette des émotions : le poignant "disprezzata regina" d’Octavie nous en donne un exemple sublime.

Ce qui nous émeut chez tous les personnages du Couronnement de Poppée, c’est "qu’ils sont vrais aussi manifestement qu’il est possible". Ceci témoigne d’une anticipation visionnaire de ce que seront notamment les opéras de Mozart. Tout en respectant la Dramaturgie du Couronnement de Poppée, nous avons choisi d’en resserer la trame autour des deux personnages principaux et des quatre victimes de leur amour vénéneux. Les ritournelles instrumentales, sur des rythmes de danses qui encadrent les scènes scandent l’ascension vertigineuse de Poppée sur le trône d’impératrice et témoignent de l’incroyable jeunesse d’esprit de Monteverdi qui composa cet opéra à 75 ans.

Un continuo avec clavecin, orgue, théorbe, viole de gambe et comme instruments de "dessus" deux violons et deux flûtes à bec composent l’effectif instrumental qui accompagne les 7 voix.