Romeo Castellucci affronte, pour la première fois, une pièce « dialoguée » jouée par une troupe établie. Et quelle troupe, puisqu’il s’agit de celle de la Schaubühne épaulée par Angela Winkler, et quelle pièce puisque c’est Ödipus der Tyrann, version Hölderlin de la version Sophocle du mythe héroïque.
Le metteur en scène italien reconnaît ce qui l’agite dans sa redécouverte de la tragédie attique, celle d’une pensée où s’affirmerait la part « féminine » et « orientale » de la Grèce. À cette voix couverte, qui est aussi celle de Tirésias, s’opposerait la voix ouverte d’Œdipe, celle d’une raison faut-il dire aveugle aux voyants, fermée aux mystères. Ce sont alors deux paroles, deux civilisations – grecque et chrétienne – qui s’interpénètrent et se contaminent tout en se révélant l’une à l’autre. Pour donner naissance à un stupéfiant engendrement paraphant la maîtrise et l’audace d’un poète de la scène.
Jean-Louis Perrier
2, place du Châtelet 75004 Paris