On ne badine pas avec l'amour

du 9 mai au 17 juin 2012
1h50

On ne badine pas avec l'amour

La mise en scène du chef d'œuvre de Musset par Yves Beaunesne est magnifiquement juste, l'interprétation par la troupe de la Comédie-Française exquise. L'élégance et l'irrévérence de la langue de Musset sont portées à nos oreilles contemporaines avec une grande virtuosité. A ne manquer sous aucun prétexte.
  • Entre exaltation du sentiment amoureux et perception du tragique de la vie

Camille et son cousin Perdican se retrouvent après dix ans de séparation dans le château où ils ont grandi, où ils se sont aimés. Le Baron, père du jeune homme, a décidé de les marier. Mais Camille sort du couvent, submergée par l’amour de Dieu, la peur des hommes et l’orgueil ; les retrouvailles sont décevantes.

Perdican convie alors la jeune paysanne Rosette, sœur de lait de Camille, au château pour le souper. Recourant au masque pour mieux démêler la vérité, les personnages vont apprendre à leurs dépens à quel point le badinage peut être dangereux.

Comédie en trois actes, On ne badine pas avec l’amour est publié en 1834 avec le sous-titre de Proverbe avant de paraître dans Un spectacle dans un fauteuil. Si la pièce commence comme une comédie où se mêlent le burlesque et la satire, elle prend progressivement l’empreinte du drame romantique. Aspirant à une forme d’absolu, les personnages sacrifient leur jeunesse, faisant ainsi la preuve que le bonheur est impossible pour cette génération perdue.

Marqué par sa relation passionnelle et conflictuelle avec George Sand, Alfred de Musset reprend On ne badine pas avec l’amour, comédie sur le dépit amoureux, qu’il avait commencée avant leur départ pour Venise. Oscillant entre la comédie légère, inspirée du genre des proverbes issu des salons, et le drame romantique profondément ancré dans une poétique désenchantée, l'œuvre de Musset parvient à dresser un portrait à la fois troublant et dérangeant d’une génération atteinte du mal du siècle, la « désespérance ». Créée en 1861 à la Comédie-Française, soit quatre ans après la mort de Musset, la pièce dérange et soulève une polémique qui se résout notamment par la suppression de certaines répliques jugées irrévérencieuses à l’égard de la religion et de la morale.

Perdican
[…] quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : « J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. » Acte II, scène 5

  • Notes du metteur en scène

Les vertiges d'une vie tourmentée
Musset fait partie de mes amours d’adolescent. Je m’y suis attaché pour les mêmes raisons qui m’ont conduit à le rejeter par la suite, me méfiant toujours plus d’un romantisme caricatural. Contrairement à l’image de Chateaubriand qu’on lui a accolée, ce n’est pas le poète maudit qui m’intéresse. La force de son écriture tient à la façon dont il y a mis sa propre chair, ce qui permet une réelle identification avec ses personnages, masculins ou féminins. Musset est une figure à part, captivante de par sa tendresse déchirée. Sa vie est une suite de hauts faits amoureux invraisemblables, c’était un don juan qui maniait la langue et l’esprit avec un pouvoir de séduction fascinant, et en même temps, sa vie est faite de ratages pitoyables, d’incompréhensions sans fin, de tristesse profonde. Son parcours, cyclothymique, en a fait un être difficile à appréhender. Sa correspondance, qui est d’une grande sincérité, nous rappelle à quel point sa personnalité était irradiante, il n’y a pas un grand nom du XIXe siècle qui n’ait eu une relation avec lui : tous les auteurs, de Sainte-Beuve à Victor Hugo ou Stendhal en passant par Lamartine, Mérimée, Vigny et bien sûr George Sand, les peintres, comme Delacroix, les musiciens, dont Liszt, Pauline Viardot, Offenbach, l’ont fréquenté. Mais il est vite apparu comme le mauvais garçon de l’époque. « Qui donc si je crie m’entendrait parmi la hiérarchie des anges ? Et en supposant que l’un d’eux me prenne sur son coeur, je succomberais de son existence trop forte. Car le beau n’est rien que le premier degré du terrible. Tout ange est effrayant », écrit Rilke dans sa première Élégie à Duino. Musset est un de ces anges maudits que nous croisons parfois dans nos vies, à la fois attirant et vénéneux, d’un pouvoir de fascination qui n’a d’égal que sa force de siphon. Il vivait à une rapidité telle que personne ne pouvait rivaliser. À dix-sept ans, il écrivait déjà des choses invraisemblables de lucidité, d’envie et de déception, avec tout le despotisme de sa gourmandise, de son implacable besoin de vivre. Mais, comme le dit Offenbach, il est très vite devenu un véritable mort-vivant. À trente ans, sa vie était consumée après qu’il eut écrit ses plus belles pièces, On ne badine pas avec l’amour, Lorenzaccio, Les Caprices de Marianne, Fantasio, et son grand roman La Confession d’un enfant du siècle.

Une exigence à toute épreuve
Foncièrement anticlassique, Musset hérite d’une langue française de haute culture dans laquelle il introduit une liberté de ton inouïe, doublée d’une grande élégance. Musset maîtrise plusieurs langues étrangères et a une vraie connaissance de la musique. Il s’inspire d’ailleurs de l’oeuvre de Shakespeare qu’il lisait en langue originale. Fort de cette érudition, il crée une rupture avec ses prédécesseurs tout en conservant une grande rigueur, comme en témoigne la tenue de sa ponctuation, extrêmement libre mais cohérente. L’acteur d’un Musset se retrouve face à une véritable partition musicale, avec des exigences techniques extrêmement précises. Dans cette langue, c’est le gaspillage, la perte qui donnent de la valeur au résidu, au reste qui a survécu par grâce, distraction, hasard. Sans un peu de dissipation, le poète est avare, le vers prudent, la rime craintive. Mais il faut rentrer dans le lard du texte, sinon il vous égorge. Bien sûr dégraisser, mais plus encore, l’os plutôt que la chair. Au regard de son renouvellement de l’écriture ancienne, je pense à la réflexion d’Arnold Schoenberg qui disait : « Bien des gens ne saisissant pas qu'il y avait eu évolution parlèrent de révolution. » La liberté de ton de Musset est telle qu’il n’a jamais pu être du côté du pouvoir. Il s’en méfiait et s’est placé dans un rapport de force avec la censure qui l’a mené jusqu’à l’isolement le plus complet. S’il a été aussi peu représenté de son temps, c’est qu’il dépassait largement les conventions de l’époque. Quand il renonce à écrire pour la scène et prend le parti d’un théâtre fait pour être lu, il publie ses plus grands textes sous le titre emblématique d’Un spectacle dans un fauteuil. Cette liberté lui a valu qu’ils ne soient montés qu’après sa mort.

L’éducation et l'apprentissage de la vie
J’essaye de tisser un rapprochement historique fécond, en confrontant les années qui précèdent Mai 68 avec ce début du XIXe siècle et le développement d’un pouvoir industriel et financier modernes. Même si Musset ne s’est pas engagé en politique contrairement à Victor Hugo, il confronte des classes sociales clairement définies dans une société libérale en pleine expansion. Camille et Perdican, représentants d’un milieu où l’argent coule à flot, sont tenus par une éducation qui a poussé l’une à une forme de rigidité religieuse, l’autre à la vacuité d’une vie de garçon. Mais leur apprentissage de la vie, ils le font seuls, à travers un jeu de la vérité qui cause immanquablement des dégâts sur les classes plus faibles, ici Rosette, la jeune paysanne qui leur sert de monnaie d’échange. L'engagement de Camille et Perdican pour aller jusqu’au bout de leurs sentiments est bouleversant. Cependant, ils font leurs armes sur le dos des autres et en sortent immanquablement marqués, ce qui remet la notion de responsabilité au coeur de l’apprentissage. J’ai désiré retrouver une situation où la génération des parents est absente, à l’image des années 1960 où l’on sentait encore les ravages de la guerre. L’avant 68 est également représentatif d'un manque abyssal d’échange entre les générations – très fort dans cette pièce qui pointe du doigt une société reposant sur la loi du marché et sur un principe d’oligarchie avec des règles morales particulièrement hypocrites – tout autant que du chant des revendications profondes qui gronde sous les pavés, sur fond de conflits armés. Voilà des femmes et des hommes qui se posent de bonnes questions : comment vivre mes intuitions ? Qu’est-ce que la recherche de ma vérité implique ? Ce qui nous rapproche aujourd’hui de cette époque, c’est que nous vivons dans une société qui n’a pas besoin de nous, qui n’offre aucun futur, où tout s’achète. La vie de la plupart des êtres est un chemin mort et ne mène à rien. Mais d’autres savent dès l’enfance qu’ils vont vers une mer inconnue. C’est cette mer inconnue que recherchent éperdument ces personnages, des êtres sortis de la chair et du sang du poète.

Chaque camp générationnel – jeunes et anciens – se rejoint dans une forme d’épicurisme et de cruauté. Je n’ai pas voulu exploiter le filon du grotesque qu’on lit parfois chez les anciens : ce sont de vrais caractères, avec les faiblesses de leurs forces. Comme par un effet de miroir, ils revivent leur enfance, avec ses chamailleries et sa violence. Ils ont leur souffre-douleur, tout comme les jeunes. Des deux côtés, la méchanceté est habitée d’une réelle jubilation à se battre à fleuret moucheté, à blesser l’autre par mots, par action et par omission. Cela se fait avec une part de rire, plus vive chez les anciens, plus cruelle chez les jeunes. Musset, qui s’oppose à tout ce qui mènera au mélodrame du XIXe siècle, s’en réfère aux maîtres, notamment à Aristote pour qui la tragédie existe à condition qu’il y ait dans ses éléments fondateurs les liens du sang et le rire. Sans le rire, il n’y a pas de tragédie.

Yves Beaunesne, metteur en scène.
Propos recueillis par Chantal Hurault, communication et Laurent Codair, attaché de presse, mars 2011.

Sélection d’avis du public

RE: RE: On ne badine pas avec l'amour Le 12 juin 2012 à 15h12

Je suis venu, j'ai vu, j'ai perdu... Tout - à - fait d'accord avec les deux commentaires précédents. Où tout dans le texte de Musset est doute, rupture, déchirure, on assiste à un carnaval mal organisé de cris et d'agitation mal vécue. Et cette pesanteur de la mise en scène... Mais je n'en veux pas aux acteurs, irréprochables, qui ne font que reproduire la vision, hélas grandguignolesque, du metteur en scène, et dont le jeu, dans ce contexte reste ce qu'il est toujours au Théâtre Français : D'une justesse magnifique.

RE: On ne badine pas avec l'amour Le 2 juin 2012 à 23h49

Très mal joué en effet, surtout en ce qui concerne les deux acteurs principaux qui ne cessent de crier et ralentissent leur diction quand les traits d'esprits devraient fuser. Je me demande si j'ai plus apprécié Camille en religieuse/cochonne ou ce final somptueux, quand les deux amoureux avouent enfin leur faute d'orgueil en s'enlaçant longuement, affaissés sur le sol (leur position favorite, tout le monde sait que le théâtre de Musset est plaintif) alors que la puissance de la scène repose sur la rapidité de l'enchainement avec le drame qui suit. Non, Perdican n'est pas un junkie qui boit de la vinasse debout sur une table de billard...mais le texte de Musset avait probablement besoin de cet éclairage original et bien senti.

On ne badine pas avec l'amour Le 21 mai 2012 à 23h31

Très mal joué, à fuir ! Les acteurs ne savent qu'hurler, le metteur en scène accumule les invraisemblances. On s'ennuie, le texte est massacré. On passe une meilleure soirée devant la télé

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RE: RE: On ne badine pas avec l'amour Le 12 juin 2012 à 15h12

Je suis venu, j'ai vu, j'ai perdu... Tout - à - fait d'accord avec les deux commentaires précédents. Où tout dans le texte de Musset est doute, rupture, déchirure, on assiste à un carnaval mal organisé de cris et d'agitation mal vécue. Et cette pesanteur de la mise en scène... Mais je n'en veux pas aux acteurs, irréprochables, qui ne font que reproduire la vision, hélas grandguignolesque, du metteur en scène, et dont le jeu, dans ce contexte reste ce qu'il est toujours au Théâtre Français : D'une justesse magnifique.

RE: On ne badine pas avec l'amour Le 2 juin 2012 à 23h49

Très mal joué en effet, surtout en ce qui concerne les deux acteurs principaux qui ne cessent de crier et ralentissent leur diction quand les traits d'esprits devraient fuser. Je me demande si j'ai plus apprécié Camille en religieuse/cochonne ou ce final somptueux, quand les deux amoureux avouent enfin leur faute d'orgueil en s'enlaçant longuement, affaissés sur le sol (leur position favorite, tout le monde sait que le théâtre de Musset est plaintif) alors que la puissance de la scène repose sur la rapidité de l'enchainement avec le drame qui suit. Non, Perdican n'est pas un junkie qui boit de la vinasse debout sur une table de billard...mais le texte de Musset avait probablement besoin de cet éclairage original et bien senti.

On ne badine pas avec l'amour Le 21 mai 2012 à 23h31

Très mal joué, à fuir ! Les acteurs ne savent qu'hurler, le metteur en scène accumule les invraisemblances. On s'ennuie, le texte est massacré. On passe une meilleure soirée devant la télé

Informations pratiques

Théâtre éphémère

Jardin du Palais Royal 75001 Paris

  • Métro : Palais Royal - Musée du Louvre à 86 m, Pyramides à 313 m
  • Bus : Palais Royal - Musée du Louvre à 55 m, Palais Royal - Comédie Française à 72 m, Louvre - Rivoli à 367 m
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Plan d’accès

Théâtre éphémère
Jardin du Palais Royal 75001 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 17 juin 2012

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