Pas de panique

 " ...Quelle mélodie désaccordée par la violence efface la terreur ?
Qui ne sait plus danser ?
Qui ose creuser sa propre mémoire ?
Qui a peur, qui n’a plus peur ?... "  François Dominique - La musique des morts

Dis-moi de quoi tu as peur, je te dirai qui tu es. Il y a les grandes et les petites peurs, les peurs nobles et les peurs mesquines, la peur subie et la peur recherchée, la panique et l’excitation. Dans la peur il y a l’avant et l’après, le juste avant qui déclenche comme un sixième sens, le juste après qui laisse encore le corps tremblant. Beau pari que cette exploration pour un chorégraphe au parcours peu habituel. Fils d’un boucher catalan, Tomeo Vergès a fait sa médecine pour partir l’exercer loin. Revenu en Europe, il a répondu en 1981 à une petite annonce de Maguy Marin " Recherchons hommes sans qualification, tous genres, toutes tailles… " Il est devenu danseur, il a participé à l’aventure de May B. Il a ensuite été interprète pour d’autres chorégraphes, puis a croisé le théâtre. On l’a beaucoup vu dans les spectacles de Jean-François Peyret. Pour lui la danse et le théâtre ont partie mêlée et ses premières chorégraphies, des solos, donnaient la couleur d’une danse qui raconte l’homme aux prises avec l’absurdité du monde. Plus tard Chair de Poule mettait en scène un quatuor pour une soirée folle, entre film burlesque et délire surréaliste. Gageons qu’il saura, sur le thème de la peur, nous faire rire et frémir.

 " PAS DE PANIQUE " explore un monde souterrain où s’entremêlent violence, cruauté, humour, dérision, tragique et absurde. C’est une fiction qui puise son inspiration dans un inconscient fait de peurs, d’angoisses, de désirs, de fantasmes... Comme dans les pièces précédentes, au commencement il y a toujours le corps. D’une facture très théâtrale, la pièce est cependant parcourue du début jusqu’à la fin par une grande " physicalité " . " Physicalité " comme celle que peuvent avoir des lutteurs qui s’affrontent dans une arène, ou celle de quelqu’un qui est en train de se noyer... Dans Pas de panique il y a un rapport au monde fragmenté, voire délirant, une multitude d’espaces-temps différents, avalés dans un tourbillon et restitués dans la clarté d’un geste.

Tomeo Vergès
Chorégraphe et metteur en scène

Sur le travail de Tomeo Vergès

Pour lui, danse et théâtre ont partie mêlée et ses premières chorégraphies, des solos, donnaient les couleurs d'une démarche qui s'attache à raconter sans réalisme l'homme aux prises avec l'absurdité du monde.

Proches de l'esthétique surréaliste, ses spectacles nous transportent dans un univers où il n'y a pas véritablement d'histoire, - manière pour lui de déjouer toute velléité figurative. S'il propose des situations dramatiques avec sa cohorte de symboles partagés par tous, c'est pour mieux les détruire et s'adresser ainsi à l’imaginaire propre à chacun : une tentative de faire entendre sans mot.

Tomeo Vergès oppose humour et gravité, tendresse et violence. L'urgence se traduit à travers un souffle, un mouvement, un clin d'œil, surgis de l'intimité des protagonistes et croisant la nôtre. Avec une force de vie toute latine, lui et ses complices jouent et se jouent des rapports de désir, de jalousie et de mort.

La danse devient la réponse, elle se fait acte, acte de vie et acte de résistance. Pour mieux contrer l'anéantissement des échanges humains, pour défier son impuissance, Tomeo Vergès s'emploie à mettre à distance cet abîme.

Il arrive que le rire se fasse grinçant.

Alain Buffard