Peggy Pickit voit la face de Dieu

du 2 au 25 juin 2016

Peggy Pickit voit la face de Dieu

Deux couples, l'un revenant d'une mission humanitaire en Afrique, l'autre confortablement installé dans sa petite vie bourgeoise en Europe, se retrouvent après six ans sans se voir. Ils essaient désespérément de renouer les liens de leur amitié, tout en prenant conscience du gouffre qui dorénavant les sépare
  • Un gouffre les sépare

Deux couples, l'un revenant d'une mission humanitaire en Afrique, l'autre confortablement installé dans sa petite vie bourgeoise en Europe, se retrouvent après six ans sans se voir. Ils essaient désespérément de renouer les liens de leur amitié, tout en prenant conscience du gouffre qui dorénavant les sépare.

Au cours de la soirée il apparaît qu’en Afrique les deux époux auraient eu des aventures extra-conjugales. L’ombre du Sida plane, bien que personne n’ose le nommer.

Deux poupées – Annie-Abeni est en bois ; Peggy Pickit est en plastique – représentent deux enfants, absents mais néanmoins présents au cœur du débat.

  • Note de mise en scène

Peggy Pickit parle de nous. Nous sommes tous des Liz et Franck confortablement installés dans nos petites vies privilégiées, des autruches évitant de regarder la misère du monde. Nous aimerions tous être des Carol et Martin partant à l’aventure pour combattre la maladie et l’injustice mais nous craignons tous que, comme eux, nous n’aurons pas la force d’y changer quoi que ce soit, et que, comme eux, nous serions broyés, nous nous laisserions contaminer par l’impuissance et le désespoir.

La pièce nous tend un miroir donc, mais un miroir brisé : une grosse fêlure sépare les deux couples, et de nombreuses petites failles vont apparaître dans l’unité de chacun de ces couples, révélant la solitude essentielle de chaque individu.

Le temps aussi est éclaté : le déroulement chronologique de cette soirée entre amis, le temps présent théâtral, est sans cesse interrompu par des apartés des personnages, des réflexions et des commentaires au passé. Cela donne à l’action un effet de balbutiement : on s’arrête et on reprend, on anticipe et on revient en arrière, certaines phrases, certains gestes reviennent comme des refrains. Cela paraît chaotique mais il en dégage un rythme particulier : la musique des mots de l’auteur fait penser à une chanson populaire. Ce n’est donc pas tout à fait un hasard que vers la fin de la pièce l’action s’arrête pendant que Franck met un vieux disque vinyle sur son tourne-disque et les personnages l’écoutent en entier. Schimmelpfennig suggère une chanson du mouvement des droits humains aux Etats Unis des années soixante et je pense à Blowing in the Wind de Bob Dylan : peut-être même que le disque sera rayé et sautera quelques lignes ou répétera inlassablement les mêmes, par exemple « How many times can a man turn his head and pretend that he just doesn’t see ? »

Il me semble que la langue de Schimmelpfennig est à la fois très parlée et très précise. Tout en reproduisant une façon de parler naturelle et spontanée, il est très attentif aux rythmes et aux sonorités du langage utilisé. J’ai demandé à Patricia Thibault de retraduire le texte et de m’expliquer les nuances de sens et de sons qu’elle entend dans l’original. Nous allons essayer d’être aussi fidèle que possible aux intentions de l’auteur. Nous cherchons à créer un texte français qui coule de source, qui apparaît comme l’expression naturelle des pensées, des sentiments, des impulsions des personnages, tout en atteignant une dimension poétique, musicale, dans la composition apparemment spontanée des sons émis et des mots prononcés. Je vais demander la même chose aux acteurs : leur jeu doit paraître complètement spontané et naturel, tout en étant très précis. Ils doivent être capable de reproduire ce qu’ils viennent de faire au geste et à l’intonation près. Cela demande une grande maîtrise technique, mais aussi la capacité de rendre cette technique invisible.

Peggy Pickit s'inscrit dans le cycle « Théâtre de l'Intime ». Comme dans Bodies et Le Poids du Mensonge on voit ici deux couples, deux modes de vie, deux façons de fuir les problèmes et de s’arranger avec la vérité, deux manières de créer un cocon à l’abri du monde extérieur ou de s’enfermer dans les névroses. Comme dans Ashes to Ashes le monde extérieur va envahir l’espace intime du couple et le faire éclater.

Il ne s’agit pas de livrer un message ou de prouver une thèse quelconque. Il s’agit de provoquer la réflexion et le débat et d’explorer notre humanité commune. La réflexion politique ici, comme chez Pinter, n'est pas un discours aride et intellectuel. C'est chargé d'une grosse claque émotionnelle. Il ne faut pas avoir peur de l’émotion. A mon avis, l’émotion qu’on peut ressentir en empathie avec les personnages n’empêche nullement la réflexion. Au contraire ça la nourrit. Une réflexion qui ne tient pas compte de l’émotion risque de manquer d’humanité – comme c’est souvent le cas dans la réflexion politique. L’un des rôles du théâtre est de corriger ce manque : d’apporter au débat public cet élément humain généré par l’émotion et l’empathie et de compléter ainsi le raisonnement intellectuel.

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Spectacle terminé depuis le samedi 25 juin 2016

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