En espagnol et suédois surtitré, déconseillé aux moins de 16 ans.
Angélica Liddell a toujours fait salle comble à l’Odéon. L’intensité de sa présence, son engagement en scène n’ont pas d’équivalent. Elle nous revient, toujours dans le cadre du Festival d’Automne, avec un second volet de sa trilogie du Cycle des résurrections et y interroge sa relation intime au sacré, « seule transgression possible car il va à l’encontre de tout calcul de la raison ».
La foi et l’amour sont tous deux prérationnels, ils nous mettent en contact avec des zones originaires de l’humain antérieures à la distinction entre le juste et l’injuste ou à la fondation du pacte social. Ils précèdent toute morale, excèdent toute possibilité d’expression ; tout au plus, écrit Liddell, relèvent-ils de régions appartenant « à la révélation – au fait de retirer le voile – parce qu’elles constituent le noyau de la vie secrète, nocturne et ténébreuse, incompréhensible ». La scène devient dès lors le lieu où advient cette zone « irreprésentable », insensée aux yeux des sages, où « se lient l’amour et la foi, corroborés par la folie ».
Trois lettres entre confession et déclaration sous-tendent « l’espace tragique » de ce spectacle « où sont réunis Dieu, l’amour et la mort ». Quelques versets de la Première épître aux Corinthiens de Saint Paul y rappellent la position absolument transcendante que l’apôtre assigne à l’amour, dont la puissance fait voler en éclats toute logique intramondaine. Mais les premiers mots à résonner, en langue suédoise,sont ceux que Marta écrit à Tomas dans Les Communiants de Bergman, pour avouer à ce pasteur qui a perdu la foi : « J’ai prié pour me voir confier une mission digne de ma force, et j’en ai reçu une : cette mission, c’est toi ».
Angélica Liddell la fait suivre de sa propre Lettre de la Reine du Calvaire au Grand Amant. Toutes les frontières rassurantes posées par l’entendement rationnel – entre chair et esprit, humain et divin, ciel et terre, liberté et soumission – sont emportées par un élan mystique, au mépris de « toutes les lois que nous devons respecter dans la vie ». L’amour extrême, excès par-delà toute limite, fait palpiter le cœur de cette création, que la violence spirituelle irrigue comme un sang noir.
Place de l'Odéon 75006 Paris