Quatorze Isbas Rouges

du 7 janvier au 5 février 2000

Quatorze Isbas Rouges

CLASSIQUE Terminé

... l’accueil en terre soviétique d’un savant singulier, le docteur Khoz, représentant de l’Europe bourgeoise, libérale et scientifique, puisqu’il préside la " Commission de la Société des Nations pour la Solution à l’Echelle Planétaire des Problèmes Economiques "…

L’action des Quatorze Isbas Rouges, pièce en quatre actes, est située en 1932. C’est-à-dire qu’elle se déroule après la déportation massive des koulaks (paysans riches encore propriétaires de nombreuses terres agricoles) et après la collectivisation forcée des terres qui aboutit à la création des coopératives agricoles. Ces propriétés collectives regroupent plusieurs anciens villages, les kolkhoses, tandis que dans les grandes fermes collectives d’Etat, les sovkhoses, les paysans deviennent des employés salariés. Cette collectivisation forcée des terres fut un désastre agricole qui brisa pour longtemps le précaire équilibre de l’agriculture soviétique.

Ce rappel historique était nécessaire pour comprendre le socle sur lequel repose l’essentiel de l’intrigue : l’accueil en terre soviétique d’un savant singulier, le docteur Khoz, représentant de l’Europe bourgeoise, libérale et scientifique, puisqu’il préside la " Commission de la Société des Nations pour la Solution à l’Echelle Planétaire des Problèmes Economiques "… La définition du personnage bascule dans la rêverie, la satire et la dérision quand on apprend qu’il a 101 ans, qu’il vit avec une fille de 21 ans, Intergom, qu’il boit du lait, mange des produits chimiques pour se refaire régulièrement une santé, et qu’il a sur tout une opinion résolument cynique et méprisante. Il va s’installer dans le kolkhose d’élevage des Isbas Rouges, désorganisé par le rapt singulier de ses moutons et de ses jeunes enfants encore au sein, à la suite d’une intrigue propre à la communauté kolkhozienne. L’enlèvement s’est en effet déroulé sous le chapeau officiel d’une action criminelle des "ennemis de classe ". Le docteur Khoz joue un moment le rôle de comptable ou de régisseur – le savoir sert partout ! –, s’attache au " chef " du kolkhose, la jeune Souiénita, mère inquiète et dirigeante à poigne, continue de s’empiffrer de lait (de femme en manque de nourrisson) et de produits chimiques, quand tous les habitants sont au désespoir de récupérer l’une des isbas enlevée sur la mer Caspienne par l’ " ennemi de classe ". Il se révèle en définitive comme une sorte de Jupiter jouisseur, dieu matérialiste au milieu des hommes et des femmes perdus, ballottés au milieu de leurs principes et de leurs idéologies, et qui sombrent dans la famine.
Dans une atmosphère d’irréalité quelque peu fantastique, on assiste moins au défilé édifiant des problèmes de la " construction du socialisme ", qu’au déballage inquiétant des errances d’une communauté humaine en marge d’un monde qui ne sera jamais radieux.

Christophe Perton poursuit depuis plusieurs années une recherche théâtrale marquée par la rupture qu’introduit toute déviance, consciente ou inconsciente, dans un groupe donné, et le basculement tragique qui en découle. Au cours des trois années écoulées, il a monté notamment : Affabulazione de Pier Paolo Pasolini, Médée de Sénèque, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Peter Handke et La Chair empoisonnée de Franz Xaver Kroetz d’après Hinkemann d’Ernst Toller. Les " héros " de ces quatre pièces vivent une expérience unique, pas nécessairement atroce, mais à la marge de toute normalité et dans une absence évidente d’espoir.

Les Quatorze Isbas Rouges d’Andreï Platonov ne concentrent pas la rupture sur un seul personnage ou sur un seul nœud psychologique. C’est un groupe entier composé de personnages fortement charpentés et émouvants - comme ces jeunes mères démunies de tout, sauf d’énergie, que sont Souiénita et Xénia -, qui s’agrège et se désagrège sous les pulsions contradictoires des intérêts des hommes et sous l’œil étrangement souverain du vieux Khoz, le visiteur insolite.
Si le tragique et la violence des rapports humains s’estompent ici sous la force du jaillissement drôlatique, cette constellation de personnages n’en vit pas moins dans l’urgence et le déchirement, l’irruption des besoins qui la travaillent de l’intérieur. C’est certainement la richesse de cette situation complexe, complexe comme l’irruption du mythique dans un monde " moderne " et dont seules les apparences sont rationnelles, qui retient l’attention de Christophe Perton. Il aborde ainsi un nouvel aspect du déraisonnable et de l’effondrement des certitudes construites…

Henri-Alexis Baatsch

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Spectacle terminé depuis le samedi 5 février 2000

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