Edward Albee a bouclé quatre fauves dans une cage. Quatre personnages dans un salon vont vivre la plus singulière et la plus normale, la plus burlesque et la plus tragique, la plus atroce aussi et la plus tendre des nuits.
"Dans l'Amérique des années 60, Albee, aux confins des Etats-Unis, dans une improbable ville universitaire "la nouvelle Carthage", met en scène dans Qui a peur de Virginia Woolf ? un jeu de massacre où un homme et une femme se rejouent le duel inexpiable du couple, le duel amoureux dont la haine des sexes est la base.
Dans le salon de George et de Martha, les protagonistes s'affrontent , se déchirent, s'étreignent jusqu'à la mise à mort… Le meurtre rituel de l'enfant imaginaire de Martha et George en est la métaphore et les témoins obligés de ce corps à corps massacrés. Ainsi Le jeune couple convié au rituel de mort de Martha et George sont pulvérisés, sacrifiés : après la mise à mort, les témoins nécessaires au duel des héros doivent disparaître.
Albee, et c'est bien en cela qu'il est américain, laisse entrevoir un espoir, une possibilité pour Martha et George de se "retrouver". Quoi qu'il en soit, et la fin n'y change rien, Albee nous parle ici d'un conflit archaïque et déchiffrer cette pièce à travers une grille sociologique, une Amérique sans cause, où l'on se tue à l'alcool, réduirait singulièrement le champ d'une œuvre sans doute éclairée par Freud, Sade et Masoch, mais qui reste fondamentalement le vieux drame Amour-Haine des sexes, le duel inexpiable du couple. Sans rémission."
Françoise Chatôt
Présentation
L’analyse
Aspects de l’œuvre d’Albee
Off Broadway
La presse
Edward Albee a bouclé quatre fauves dans une cage. Quatre personnages, dans un salon, vont vivre la plus singulière et la plus normale, la plus burlesque et la plus tragique, la plus atroce et aussi la plus tendre des nuits.
Face à Nick et Honey, jeune couple, George et Martha, se livrent à un combat où tout est remis en question, dans une sorte de fête panique, qui les conduit à une violente catharsis. Quand le jeu cessera, la vérité et l’espoir seront au rendez-vous.
La plus fantastique scène de ménage qu’écrivain de théâtre ait jamais conçue.
Dans Who’s Afraid of Virginia Woolf ? (Qui a peur de Virginia Woolf ?), Edward Albee, se place sur un plan nettement réaliste, utilisant ses moyens scéniques et critiques à découvert. Il parvient ainsi à serrer de plus près son public, en suivant la trace de ce qu’on peut déjà appeler une tradition théâtrale américaine : laquelle, depuis O’Neill, tend à détruire et à humilier, grâce à des personnages concrets et typiques, la croyance répandue dans le public d’être la plus grande nation du monde, bénéficiant de la conception la plus juste et la plus efficace de la vie.
Dans cette œuvre, il faut admirer surtout la maîtrise du dialogue et de la dialectique. L’entreprise constitue un record : trois actes de dialogues sans événement extérieur, dans un même lieu, presque dans un même temps (le temps réel correspond à peu près au temps scénique), entre deux couples, l’un d’âge mûr, l’autre jeune, les deux maris étant professeurs d’université. L’intérêt ne faiblit jamais. Et quand le rideau tombe, nous en savons assez, non seulement de leur vie à eux, mais de celle que mènent leur milieu et leur classe.
Albee organise un dévoilement progressif de la vérité, avec suspens, dans la tradition oedipienne. Dans le quatuor, travaux d’approche et bagarres se succèdent sans discontinuer. Rien n’est caché, et l’on recourt aux termes les plus directs, ordinaires dans la conversation de nos contemporains, mais généralement bannis de la scène. Après avoir fredonné pendant des heures, une parodie de la chansonnette « Qui craint le grand Méchant loup ? » – du dessin animé de Walt Disney « Les trois petits cochons » – Martha conclut : « J’ai peur ! ». Conclusion à placer dans un contexte historique et psychologique (à ce propos, on pourrait citer abondamment Wilhelm Reich, ennemi infatigable de la peur de vivre »).
Albee, et c’est bien en cela qu’il est américain, laisse entrevoir un espoir, une possibilité pour Martha et George de se « retrouver ». Quoiqu’il en soit, et la fin n’y change rien, Albee nous parle ici d’un conflit archaïque et déchiffrer cette pièce à travers une grille sociologique, une Amérique sans cause, où l’on se tue à l’alcool, réduirait singulièrement le champ d’une œuvre sans doute éclairée par Freud, Sade et Masoch, mais qui reste fondamentalement le vieux drame Amour-Haine des sexes, le duel inexpiable du couple. Sans rémission.
Françoise Chatôt
« Qui a peur de Virginia Woolf ? », est devenu un classique tant il a été monté depuis son écriture, en 1962. À travers la violence des rapports d'un couple stérile et bourgeois, il dénonce une Amérique dégénérée où l'homme émasculé est soumis à la domination hystérique de la femme. Aucun rapport avec l'écrivain Virginia Woolf si ce n'est la sonorité de son nom, en anglais Woolf signifie loup. D'où la petite chanson "Qui a peur de Virginia Woolf" que chantent les personnages ivres, sur l'air de "Qui a peur du méchant loup"... Moins anecdotique qu'il n'y paraît, la rengaine renvoie aux peurs de l'enfance : celle d'Albee, orphelin en révolte contre son richissime milieu d'adoption et une enfance qui ne cesse d'habiter toutes ses pièces.
L’auteur vu par Christopher Bigsby
Le fait que Edward Albee ait reçu trois prix Pulitzer, le plus récent datant de 1994 pour "Trois Grandes Femmes" ( Three Tall Women ), pourrait suggérer qu'il soit au sommet du théâtre américain. Vraisemblablement, "L'Histoire du Zoo" ( The Zoo Story ) et son premier succès à Broadway "Qui a peur de Virginia Woolf ?" ( Who's afraid of Virginia Woolf?) ainsi que "Délicate Balance" (A Delicate Balance ) se sont affirmés, au fil des années, comme des classiques de la dramaturgie américaine.
Qu'est-ce qui distingue les pièces de Edward Albee ?
Manifestement son engagement pour le langage, un respect de ses rythmes, de ses nuances subtiles, ambiguës et précises. Dans sa jeunesse, il voulait se destiner à la musique et la poésie. Toutefois, ce projet de carrière fut rapidement abandonné. Tous ceux qui lisent ou assistent aux représentations de ses pièces apprendront pourtant, que ces vocations ne furent pas tant avortées qu'absorbées dans ses oeuvres qui restent musicales et poétiques.
De plus, il déploie une intelligence qui s'extériorise dans ses personnages autant que dans le langage et la puissance de sa critique sociale. Pour la majeure partie de sa carrière, il a exploré et découvert une Amérique en plein effondrement moral et social. Dans son travail, la famille, pierre angulaire du mythe américain, loin d'offrir une image sereine, devient un foyer de conflits, l'image d'un profond déclin des valeurs.
Avec « Qui a peur de Virginia Woolf ? » d’Edward Albee, s’est produite cette osmose finalement inévitable entre le théâtre artisanal et le théâtre industriel. L’industrialisation du théâtre off Broadway pendant les années soixante, a suscité, en réaction, un théâtre off off Broadway.
C’est indubitablement Edward Albee qui parmi eux, possédait le plus de dons. Il ne mit que quelques années à obtenir un large succès. Pour l’essentiel, sa manière n’abandonne pas la tradition, à savoir le déploiement d’un sens du théâtre ouvertement déclaré. Le mobile reste satirique et souvent, la satire atteint la violence du sarcasme ou de la condamnation.
Une des vertus d’Albee est de saisir avec une habileté prodigieuse, quasi diabolique, ce qui est dans l’air du temps. Son identité et sa filiation problématiques font que, tel Genet, son regard sur la société est à la fois de l’intérieur (d’où la justesse) et de l’extérieur (d’où la drôlerie, l’exagération féroce). Le « hic et nunc » du théâtre est ce qui convient à cet exilé de l’intérieur qui peut faire sienne la formule : « Je est un autre », et se délecter des jeux de l’illusion et de la réalité. Mieux qu’un autre, il sait s’approprier, pour le transmettre, le bien d’autrui, et son talent d’adaptateur a toujours connu le succès : La Ballade du café triste, de Carson Mc Cullers, Everything in the Garden, du jeune auteur anglais Giles Cooper, à la limite du plagiat. Si son œuvre a tant plu en Europe, c’est en partie parce qu’elle était au carrefour de plusieurs mouvements en vogue - le théâtre de la cruauté, le théâtre de l’absurde, le théâtre de l’ambiguïté. L’autre vertu d’Albee, plus directement professionnelle, c’est son sens musical du déroulement d’une scène dramatique, son tempo, ses crescendos, ses pauses. Il est le maître de l’instant suspendu avant l’acte de violence, ou l’insulte, ou la révélation ; il joue des emboîtements, des illusions de perspective, à la Escher, des décalages, c’est un virtuose des innuendo, des sostenuto, des da capo. On le verra tout particulièrement dans une pièce comme Tiny Alice, énigmatique à plus d’un titre, ou dans Box-Mao-Box, faite de trois textes alternés, et où il dit lui-même s’être efforcé d’appliquer la forme musicale à la structure dramatique.
M.-C. Pasquier (1983)
"Un formidable huis clos impitoyable magistralement servi." Le Méridional
"On marche presque trop bien. Jusqu'aux larmes parfois. C'est à l'intelligence de la mise en scène que l'on doit cette réussite […] interprétation extraordinaire." Le Soir
"C'est proprement prodigieux. Ces quatre comédiens d'exception collent à leurs personnages avec une intelligence rare, une sensibilité extrême. C'est du grand, du très grand travail d'acteur […] cent cinquante minutes de bonheur absolu." La Marseillaise
"Un très beau spectacle" France Culture
136, rue Loubon 13003 Marseille