Trois jours. Ou plutôt trois nuits. C’est le temps qu’il faut à Roméo et Juliette pour se rencontrer, s’aimer et se tuer. C’est une vie condensée, un précipité nocturne et sombre.
Le jour n’y a pas sa place et la mort apparaît comme l’unique solution pour fuir le matin où les corps se séparent et où l’intime fait place au social. Nous avons choisi de mettre l’accent sur cette fuite. Vingt-quatre tableaux, un enchaînement de diapositives, un kaléidoscope qui mène inéluctablement à la mort, la mise en scène d’un désir noir. Roméo croit aimer une autre fille, et meurt pour Juliette qui, elle, se croit trop jeune pour aimer, et meurt pour Roméo. Avant même de rencontrer Juliette, Roméo connaît la fin de l’histoire qui fait de lui un homme et un meurtrier. Au-delà de l’histoire d’amour, ce qui fait question ici, c’est la mort.
Dès le prologue, les amoureux sont condamnés à mourir, mais plus encore, ils veulent mourir. Ils n’aiment ici que pour mourir, et le désir qui les pousse est un désir de meurtre et un désir de mort. Ils entraînent avec eux toute une génération qui ne connaît que la haine. Mercutio, Tybalt, Paris, Roméo, Juliette : c’est une hécatombe.
Roméo et Juliette est une pièce de jeunesse. Dramaturgiquement, elle semble imparfaite. Pourquoi tant de précipitation de la part des adolescents ? Pourquoi tant de secret, de violence, de malchance ? Rien ici ne l’explique et, plus que le destin, les personnages semblent eux-mêmes concourir à l’issue tragique. Mais c’est peut-être là, justement, que se situe le point de vérité de la pièce : la raison est perdue, niée par les amoureux pris dans la logique d’un désir absolu que fascine sa propre destruction. Dans un monde de violence et d’incohérence, ils inventent cette fidélité à leur amour.
Folie contre folie : celle des amants qui ne désirent rien d’autre que la mort, celle des parents qui ne désirent plus rien et ne veulent que garder le pouvoir. Il n’y a pas de suspense : le public sait dès le prologue que les amoureux vont mourir, et chacun attend, chacun regarde le saccage. C’est le principe du fait divers. On connaît l’histoire par coeur, mais ça marche. « Deux gamins de 15 ans se sont suicidés cette nuit. Le garçon avait tué hier le cousin de la fille et son fiancé. » Mais comment ? Mais pourquoi ? Je veux explorer l’endroit où le fait divers fascine et horrifie, justement parce qu’il n’y a pas de réponse.
Pauline Bureau
Adaptation et traduction Benoîte et Pauline Bureau d'après William Shakespeare.
Notre version privilégie le sens concret des mots ; elle tend à l’efficacité scénique plus qu’à la précision technique : c’est une adaptation qui prend le parti de la fragmentation et de la condensation.
Fragmentation et effet de montage font apparaître de façon concrète la coexistence des discours et des registres à l’oeuvre dans le texte de Shakespeare. Ainsi, l’histoire est dite trois fois. Le choeur, dans le prologue, vient désamorcer tout suspens : dès le début, chacun sait, et chacun sait que tout le monde sait. L’histoire est devenue mythe. La journaliste, à la fin, vient raconter l’histoire des « suicidés de Vérone », devenue fait divers. Entre les deux, l’histoire est représentée, mais cette représentation en elle-même est une gageure. De quoi et sur quoi se fonde-t-elle ?
Les discours sur l’amour sont multiples eux aussi : Mercutio et Nursy se montrent crus et prosaïques, Roméo se voudrait poétique, Juliette cherche le mot juste sans jamais le trouver… Aucun de ces discours sur l’amour ne parvient à dire l’expérience ; seuls les discours de l’amour disent la simplicité des choses du monde (le rendez-vous, l’alouette) et la douleur de la séparation ou de l’absence. Ponctuant la pièce, la journaliste prend en charge le discours politique, celui du Prince, personnage ici absent du plateau. Le discours politique est donc mis à distance par le discours médiatique qui, après-coup, échoue lui aussi à dire le vrai. Les discours coexistent mais ne coïncident pas. Chaque point de vue est partiel : aucun discours ne peut dire la totalité de l’événement, ni la vérité…
Fragmentation et effet de montage permettent de rendre perceptible le temps tragique : les instants sont comme densifiés et leur succession s’en trouve accélérée. Le mécanisme de la tragédie – conjugaison paradoxale d’inéluctable et d’aléatoire – se trouve ainsi mis à nu. Les fragments appartiennent à une série qu’on pourrait dire aléatoire, mais que le théâtre lui-même rend inéluctable. La fragmentation fait apparaître les traits élémentaires des personnages. Dès lors la rencontre est un choc, qu’elle soit d’amour ou de haine.
Au sein de chacun des clans, les personnages procèdent par heurts, et le lien lui-même se décompose et s’inverse : l’ami tue l’ami ou lui vend sa mort, le père violente, la mère abandonne. La violence n’est plus seulement celle des Capulet et des Montaigu mais celle de chacun envers tout autre. Et finit par se retourner contre soi.
Benoîte Bureau
J'ai été très étonnée de la modernité de cette pièce mais j'ai adorée ... J'aurais bien voulue la revoir une seconde fois mais malheureusement le lycée ne me le permet pas ... Je dis Bravo à tous les acteurs et à Pauline Bureau
J'ai été très étonnée de la modernité de cette pièce mais j'ai adorée ... J'aurais bien voulue la revoir une seconde fois mais malheureusement le lycée ne me le permet pas ... Je dis Bravo à tous les acteurs et à Pauline Bureau
13, rue Maurice Labrousse 92160 Antony
Voiture : par la N20. Après la Croix de Berny suivre Antony centre puis le fléchage.
15 min de la porte d’Orléans.
Stationnement possible au parking Maurice Labrousse (gratuit à partir 18h30 et les dimanches), au parking du Marché (gratuit pendant 3h après validation du ticket de parking à la caisse du théâtre) et au parking de l’Hôtel de ville (gratuit pendant 1h15).